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Forum 2009 : le train de l'innovation

Le forum est fini. Dans le train stationné dans la gare de Lille, j’énumère mentalement les histoires à écrire, les portraits de projets jetés à la va vite sur mon bloc notes, les impressions laissées dans une poche de ma besace, et surtout les innovations que je n’ai pu visiter, faute de temps. La Rochelle, c’est loin, six heures de voyage, de train et d’attentes, mais mon périple ferroviaire ne pourra à lui seul rattraper les instants perdus. Alors, je reprends le roman entamé à l’aller pour retrouver doucement le cours des choses, poser à nouveau le pied dans la vie ordinaire.

Côtoyer durant deux jours des personnes dont la qualité première est le goût d’avancer, d’apprendre et de partager, est un véritable bain de jouvence, une plongée dans la belle humanité. Lundi, à nouveau reviendront le quotidien, les craintes sur l’an prochain et l’arrivée du Bac Pro en trois ans, les effets des restrictions budgétaires. Bref, l’heure est au blues sur le quai de Lille la festive. Et puis, le wagon s’anime. Deux enseignants du forum s’installent de l’autre côté de l’allée. Monique Argoualc’h passe et je l’interpelle. Un prof qui vient de la Martinique, nous prend en photo, mon appareil a perdu toute son énergie. Le forum continue dans la voiture 19…

 

Le projet de Monique fait partie de ceux que je n’ai pas eu le temps de visiter, le hasard des réservations va réparer l’oubli. Monique est encore dans la surprise d’avoir obtenu le grand prix, il ya trois heures à peine. Depuis, les interviews s’enchainent, les manifestations et SMS de félicitation arrivent. Elle rit, malicieuse, d’avoir été gentiment accompagnée par Luc Cédelle jusqu’à la gare pour l’aider à porter son prix, dont une Xbox ; cadeaux qui garnissent un volumineux carton. « Jusqu’à midi, j’étais déjà ravie, là je suis encore surprise ». Elle a apprécié durant le forum de ne plus être une extraterrestre, d’oublier les doutes et de rencontrer des regards bienveillants. L’atelier a été un temps fort, plein de fous rires et de créativité. Du grand prix, elle est encore toute étonnée, tant son projet ne lui paraît pas extraordinaire.

Monique anime une classe relais à Brest. Elle accueille par demi journées des collégiens repérés comme en grande difficulté dans l’institution et présentant des problèmes de comportement. 10 à 15 élèves de 6e, 5e et 4e sont inscrits dans sa classe où ils viennent par groupe de 4 à 5. Dans le Finistère, le choix a été fait de ne pas les retirer du collège complètement mais de miser sur un changement progressif pour augmenter les chances d’insertion. Ces élèves ont souvent une image dégradée d’eux-mêmes, ils se considèrent comme des nuls. « Ils ne sont pas capables de construire, donc ils détruisent » analyse Monique. C’est pourquoi, le travail sur l’estime de soi est primordial.

A l’occasion d’une rencontre avec un directeur de maison de retraite, son envie de développer un projet intergénérationnel commence à prendre une forme concrète en partant du constat que les jeunes et les « vieux » n’ont pas d’endroit pour se rencontrer dans la vie. Le lieu sera la maison de retraite et l’objet des ateliers Internet, outil que maîtrisent les jeunes. Le projet bénéficie d’un contexte favorable, celui de la ville de Brest qui lance fréquemment des appels à projets pour contribuer à la réduction de la fracture numérique. Retenu, et donc bénéficiant d’un financement, il peut s’appuyer sur l’association Infiini en tant qu’intervenants extérieurs.

 

Intergénér@tions est dans sa sixième année. 70 élèves ont déjà participé à l’animation des ateliers d’une heure dont bénéficient une à deux fois par semaine des groupes de quinze personnes âgées dépendantes. Un club de retraités a aussi demandé à se joindre à eux, et désormais ce sont trois publics qui se côtoient : les jeunes, les personnes âgées et les retraités. Avant de devenir animateurs, les élèves suivent une formation en deux étapes proposée par l’association Infini. Dans un premier temps, ils revisitent Internet pour acquérir les bases nécessaires afin d’expliquer le fonctionnement et les usages. Ensuite, ils reçoivent une formation de formateurs pour maîtriser les bases de la pédagogie adaptées au public des personnes âgées, et à leurs possibles difficultés d’apprentissage ou de maniement de la souris liées à la surdité ou à des problèmes moteur par exemple. Pendant les séances, Monique et une animatrice de la résidence sont présentes pour suppléer les élèves en cas de problèmes. Mais ce sont les jeunes qui animent, expliquent, jouent le rôle du formateur.

 

Les premières trente minutes de la séance sont consacrées à des activités d’apprentissage : correspondre avec le courrier électronique, découvrir des sites, allumer et éteindre l’ordinateur, etc. Les élèves ont rédigé un certain nombre de fiches techniques pour outiller les séances. Ensuite, jeunes et personnes âgées écrivent ensemble, en prenant soin de traduire leurs propos dans les deux langues pratiquées : le français normalisé des personnes âgées et le français « Sms » des jeunes. Car, ce sont de véritables échanges culturels qui se développent ente les deux générations, dont les langages et les références sont à priori éloignés. Une dame ancienne sténo dactylo retrouve dans le langage Sms des similitudes avec sa pratique professionnelle passée. Un monsieur demande à un jeune de l’aider à trouver les termes justes pour répondre à son petit fils dans un courrier électronique. Le travail de traduction se prolonge en classe et donne lieu à d’autres apprentissages.

 

 

Les échanges interrgénérationnels sont riches de qualités relationnelles. Ils ne se limitent pas aux temps des ateliers et se poursuivent par des envois de mail. Les personnes âgées s’approprient Internet même si pour eux « sans les ados, c’est moins intéressant ». Ils considèrent les jeunes comme de véritables formateurs, allant même jusqu’à les vouvoyer, une marque de respect qui va droit au cœur d’élèves ayant perdu toute estime de soi. Tout le monde est ravi et le bouche à oreille fonctionne jusque dans les collèges fréquentés par les jeunes. Un reportage vidéo a été réalisé sur leur expérience. Le réalisateur, également auteur compositeur a même écrit une chanson.

 

Monique est très heureuse d’avoir reçu autant de regards bienveillants et encourageants sur son projet. Heureuse pour elle et surtout pour ses élèves. Elle ne sait pas encore comment elle va leur annoncer la bonne nouvelle du prix, et de la récompense, cette volumineuse X Box qui deviendra surement un nouveau support d’échanges entre les générations. Elle est aussi contente pour tous ceux qui contribuent à la réussite de l’expérience à commencer par la ville de Brest et sa politique éducative et culturelle impulsée par son maire Francçois Cuillandre et l'élu en charge de l'expression multimédia Michel Briand. « Sans l’aide de la ville, j’aurais fait du bricolage et nous n’aurions pas bénéficié de telles formations ».

L’intervention du maire de Roubaix, René Vandierendonck, pour l’ouverture du forum avait ému l’assistance par la clarté des propos et la conviction dans le rôle de l’éducation pour surmonter les difficultés économiques et sociales. L’expérience brestoise désigne à nouveau les collectivités locales comme un soutien possible et efficace de l’innovation pédagogique, un ballon d’oxygène qui, s’il est au diapason des partenaires de l’éducation, fait naître et vivre les projets.

Et des projets, Monique en a plein d’autres, autour de la vidéo, du wiki, avec des élèves, avec des gens du voyage. Tiens, des gens du voyage ! Comme un clin d’œil à Annie Girard, une réponse à son message de bienvenue, dans le train qui s’approche de Paris, le blog se termine sur une note nomade. D’un grand prix du forum des enseignants innovants à un autre, deux femmes innovantes et souriantes se passent le relais. Merci les filles et encore bravo !

Monique Royer

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