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Forum 2011 > Catégories
L’école de demain existe, nous l’avons côtoyée la semaine dernière

Il est des mots comme des mets, les plus savoureux perdent leur sens à force d’être ressassés. Nous en sommes rassasiés pus écoeurés. A la faim, ils ne veulent plus rien dire. A Lyon, là où les papilles se régalent plus que de raison, des mots que l’on aime à entendre ont repris leur place et leur signification : innovation, communauté, motivation, apprendre, découvrir, élève, tant d’autres encore comme enfance ou s’amuser.

 

S’amuser à compter les mascottes : Bubul, Mika ou Zarafa, avatars, objets de transition, substituts qui donnent accès à des savoirs plus ou moins complexes, réputés rébarbatifs pour certains. S’amuser à repérer dans la foule des visages déjà croisés ou des pseudos twitter dévirtualisés. S’amuser à construire dans son parcours une logique thématique dont on sait que forcément elle ne résistera pas à une déambulation ; les écoutilles de la curiosité ouvertes offrent un passeport à une découverte désordonnée.

En venant au forum, il faut se résigner à ne pas explorer tous les projets. On sait que forcément des trouvailles géniales ou modestes nous échapperont, par manque de temps ou par excès de bavardage. Se parler, se connaître, reconnaitre sur un panneau l’écho de son projet, trouver un cousinage dans les paroles recueillies, entendre ses propres difficultés à innover dans un système marqué par la lenteur dans les témoignages d’un autre enseignant. Le forum est une simple et foisonnante halte pour une communauté en créative construction. La découverte loupée ici n’est que partie remise puisque la rencontre amorcée sur les réseaux sociaux se poursuivra demain. Les cartes de visites sont collectées pour des contacts futurs et pourquoi pas d’autres projets concertés, des passerelles entre écoles, entre classes.

 

Dans la belle allée des Métiers du SEPR à Lyon, cent projets ont dessiné un paysage éducatif idéal, sans frontières entre cycles, entre disciplines ; une école ouverte où l’on aimerait s’assoir pour apprendre à nouveau ce qui nous a enfant échappé. Les lieux ne sont pas étrangers à l’ambiance détendue, sereine. Le SEPR est un site industriel réhabilité au cœur de Lyon pour accueillir une école de métiers, métiers d’art pour la plupart. La lumière y est belle ; les matériaux habillent chaleureusement les espaces . L’atmosphère estivale étire les échanges sur les bancs à l’ombre ; devant les stands ou le soir très tard sur les berges du Rhône.

De telles rencontres entre défricheurs sont rares et l’on profite du moment pour trouver sur les panneaux des autres de nouvelles pistes à explorer. Les pensées vont aussi aux absents, ceux qui n’ont pu venir faute d’autorisation. Innover n’est pas toujours chose aisée dans les établissements. La présence de Bénédicte Robert, du Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation du Ministère de l’Education Nationale est certes appréciée et rassurante. Il n’empêche que l’innovation vit et se développe par la volonté de quelques uns, souvent isolés et parfois contre le gré de leur hiérarchie. Alors dans ces moments privilégiés, on profite un maximum des temps partagés pour se ressourcer.

 

Les liens se créent aussi au cours des ateliers dont le thème cette année était la motivation. Le sujet n’est pas qu’un prétexte. Les productions diversifiées par des approches variées ont donné des résultats qui nous ont fait rire et réfléchir. On se retrouve autour de valeurs communes que Philippe Meirieu et Bruno Devauchelle énoncent avec talent. L’école a besoin d’innovateurs pour éviter que des jeunes soient en errance, sans travail, sans école ; nous dit Philippe Meirieu en citant le chiffre de 97000 jeunes dans cette situation en Rhône-Alpes. Bruno Devauchelle nous rappelle que les outils n’existent pas sans les usages, les usagers. Innover en éducation c’est se soucier avant tout des apprentissages et rechercher le partage pour ne pas devenir dans son coin qu’un empêcheur d’enseigner en rond, ouvrir des chemins de braconnage pour soi et pour les autres. Il a fallu admettre aussi la stratégie des petits pas, celle qui fait avancer les choses sans à-coups, par petites touches ici et là. Aujourd’hui pourtant, il faudrait passer à un changement structurel, à une innovation portée par le système

« Proposer de nouveaux chemins », le rôle attribué par Bruno Devauchelle aux enseignants innovants a été unanimement adopté dans la salle. Le palmarès reflète de nombreuses voies pour tracer la route d’un changement profond et souhaitable où la coopération et l’ouverture possèdent une place prépondérante. Que les deux grands prix aient été attribués à un projet en langues anciennes au collège et à une twittclasse en primaire sont un excellent reflet de ce que l’innovation produit : l’ouverture des frontières des savoirs pour favoriser les apprentissages.

 

En repartant de Lyon, nous étions rassasiés mais pas écœurés, plein d’énergie et d’appétence. Comme à chaque forum, la magie opère. Mettez cent enseignants innovants dans un lieu hospitalier, favorisez les échanges, confrontez dans un cadre amical les idées et les projets et vous obtenez ce que l’école a de meilleur : le souci de donner accès aux apprentissages et de former des futurs citoyens responsables et épanouis.

 

Monique Royer