Par Françoise Solliec
Auditionnés par la commission Pochard sur l’évolution du métier d’enseignant, trois élèves du comité national de la vie lycéenne, CNVL, ont présenté, de manière parfois naïve mais souvent pertinente, leur vision des profs et de leur métier.
Une profession socialement défavorisée, des enseignants peu accessibles
Accompagnés du délégué national à la vie lycéenne, les trois lycéens du CNVL auditionnés par la commission Pochard avaient été choisis pour représenter la diversité des filières (terminale générale, BTS, Bac Pro) et n’appartenaient à aucune organisation politique ou syndicale. Ils ont dès l’abord expliqué qu’ils ne se posaient pas en experts de l’école et de son passé, mais apportaient ici un regard neuf et une argumentation fondée sur leurs propres expériences.
Même s’ils ont tous « rencontré un prof qui nous a marqué et qu’on a admiré », l’image première renvoyée par les élèves est celle d’une profession socialement défavorisée et d’un manque de liens entre élèves et professeurs. Certains enseignants jouent bien leur rôle de cadre et de repère, mais ils ne sont pas la majorité et les élèves expriment le souhait d’enseignants plus accessibles.
Pour eux, le métier d’enseignant consiste à transmettre des connaissances, mais aussi des méthodes de travail qui permettent à l’élève de devenir plus autonome. Etre respecté par le prof leur semble essentiel, ainsi que son rôle d’accompagnateur. Guider, conseiller, valoriser la progression des élèves : trop peu d’enseignants fonctionnent ainsi. Trop souvent, le prof s’arrête à son cours et ne voit pas la vie du lycée. Il n’utilise pas assez les TICE, qui favoriseraient pourtant les rapprochements. Il semble important de retravailler l’image du métier d’enseignant auprès des jeunes.
Dans les compétences à demander aux enseignants, les élèves citent une nécessaire maîtrise des connaissances mais aussi une capacité à les faire passer, à les mettre en regard de situations réelles, à actualiser les cours et à s’adapter aux changements du monde. Ils regrettent que les explications ne soient pas toujours claires, ni les cours très structurés. Ils aimeraient que les profs soient davantage intégrés à la vie économique et sociale, aient du charisme, aiment leur métier et sachent communiquer avec leurs élèves.
Quels sont les moyens qui favoriseraient une relation aux professeurs plus conforme aux souhaits des élèves ? Il faudrait sans doute développer un système de tutorat, faire une plus large part au travail en petits groupes, utiliser davantage les TICE et faire plus de liens entre les différentes matières (un enseignant pourrait peut-être intervenir dans plusieurs d’entre elles). Il serait aussi souhaitable de faire naître une vie de classe et d’impliquer davantage les enseignants dans des activités hors la classe, voyages scolaires, clubs, CVL, etc. La formation des enseignants devrait comprendre une dimension qui leur permettrait de savoir aisément animer et dynamiser un groupe.
La société dans son ensemble a également un rôle à jouer : donner aux enseignants des conditions de vie professionnelle heureuse, redonner au métier une accessibilité et une image que la société ne lui reconnaît plus.
Les questions posées par les membres de la commission après cette introduction générale permettent aux lycéens de préciser leurs points de vue.
Sur quels éléments vous appuyez-vous pour justifier une dévalorisation de l’image du métier enseignant ?
Lorsqu’on annonce qu’on voudrait être prof, on nous renvoie une image de gens qui travaillent peu. En général la fonction publique est mal vue et le grand public n’est absolument pas conscient du travail fourni par les profs.
Quels éléments vous paraissent importants pour une campagne de communication sur le métier ?
Le prof est un être lointain. On l’imagine tout le temps comme il est dans la classe. Bien sûr, c’est différent pour les profs d’EPS et les élèves des cités ont souvent plus d’affinités avec leur prof d’EPS qu’avec leur prof de maths. Etre enseignant, c’est un métier qui fait peur, on a peur de ne pas être reconnu. Il faudrait aussi véhiculer davantage l’idée du prof qui travaille beaucoup de chez lui.
Quel regard portez-vous sur les relations enseignants direction de l’établissement ?
La relation avec le chef d’établissement, c’est ce dernier qui l’instaure. Certains profs apparaissent comme des pilotes à ses côtés, mais la plupart sont assez à l’écart. Un lycée, c’est une petite ville ; si ça marche bien, c’est parce que tout le monde s’entend.
Comment arriver mieux à cette société éducative ?
Les profs ne sont pas forcément informés. Par exemple, il y en a qui pensent que le CVL, c’est pour inciter les lycéens à descendre dans la rue. Si on sait bien leur expliquer les objectifs, beaucoup sont prêts à s’investir, car ils pensent qu’on les laisse de côté. Il y a portant beaucoup d’occasions de travailler ensemble (exposition, sorties, débats) qui favoriseraient la vie dans la classe et les processus d’apprentissage.
Que pensez-vous du discours sur les lycéens ? Avez-vous trop d’heures de cours, passez-vous trop de temps au lycée ?
En fait, on pourrait passer encore plus de temps au lycée dans des activités complémentaires, clubs ou activités sportives toujours très appréciées. L’Ecole souffre d’une mauvaise image. Il faut la reconstruire de manière positive, casser les clichés.
Pensez-vous qu’on puisse aimer son métier pendant 40 ans ?
Un enseignant peut très bien faire ce métier toute sa vie, s’il l’aime et si on lui on donne les moyens de se mettre à niveau. Il y a sûrement des moments de démotivation, mais il faut tenter de les contenir en donnant aux profs les moyens de s’épanouir : un prof de 60 ans qui aime son métier et sait faire passer son expérience, c’est formidable.
En conclusion, la formule magique du « bon prof » : de solides connaissances, une envie permanente de les transmettre, un bon charisme.