|
|
Partenaire de l'AREF 2010, Le Café pédagogique vous invite à faire de ce grand événement scientifique un grand moment du web pédagogique francophone |
18/09/2010
Pour conclure, quelques constats et annonces des organisateurs.
AREF 2010 a connu un nombre de participants en grande expansion (450 à Strasbourg en 2007, 820, à Genève), principalement des enseignants chercheurs et des doctorants. La collaboration avec e Café pédagogique a permis une forme de retour envers les potentiels usagers de la recherche. Le congrès a parfaitement joué son rôle de temps de discussion et de mise en débat. Il influe ainsi dans la structuration du domaine et dans ses pratiques scientifiques.
Il a été décidé de réaliser une cartographie de la recherche en éducation francophone. Un groupe temporaire de travail a été créé pour mettre au point une méthodologie et des objectifs à court et moyen terme. S’appuyant sur les bases de données et analyses (fiches de synthèse) existantes, il s’agira ensuite de faire mieux communiquer les différentes équipes (facilitation de collaborations, organisation de manifestation communes), de façon à rendre la recherche francophone plus visible. Pour 2013, l’ouverture vers le monde francophone africain est au programme.
C’est David Bridges, université de Cambridge et personnalité reconnue des sciences de l’éducation, qui a été invité à prononcer la conférence de clôture du colloque.
Une citation de Paul Hirst (1966) place le cadre : les sciences de l’éducation ne sont pas une discipline autonome. Il s’agit au contraire d’un domaine pluridisciplinaire où les interrogations et les concepts sont fort nombreux. Dans les années 1960-1980, les sciences de l’éducation se fondaient en fait sur 4 approches : sociologique, historique, philosophique et psychologique. Depuis, le domaine s’est énormément complexifié, avec les éclatements de la sociologie et de la psychologie et de nombreuses hybridations, déconstructions et reconstructions se sont produites. Des modalités et des activités développées dans d’autres départements de recherche y ont aussi trouvé leur place (histoire idéologique, constructivisme social, …) Les paradigmes ont proliféré, avec très peu de consensus quand à ce que devrait être une recherche en sciences de l’éducation. Dans cette confusion, par exemple, un éditeur de revues s’est interrogé sur son rôle. Il y a cependant eu de la part du gouvernement des tentatives de régulation, de définition de mesures et de repères, d’autres se montrant plus favorables à une approche pluraliste permettant de mieux comprendre les processus et les résultats scolaires et relever le défi de la diversité.
En 2008, a été lancée au Royaume Uni une grande enquête d’évaluation de la recherche en sciences de l’éducation, qui devait orienter les financements des équipes pour les 5 années à venir. Une très grande majorité des départements (86 sur 110) ont soumis à l’attention des experts (un jury composé de 20 évaluateurs choisis conjointement avec es académies) les travaux de 1697 chercheurs portant sur des aspects extrêmement divers. Après 3 ans de préparation, les travaux de lecture ont duré 6 mois. Des qualifications de 1 à 4 ont été attribués (depuis le travail d’intérêt national jusqu’aux travaux d’excellence mondiale), certains travaux n’obtenant pas de qualification, sur des critères de rigueur, d’originalité, d’importance et d’impact.
Comment évaluer la rigueur d’un travail de recherche ? Cela implique une solidité théorique et méthodologique, une intégrité, une utilisation pertinente de la littérature et une cohérence de l’argumentation. D’autres dimensions appropriées sont à définir au cas par cas (prise en compte de dimension éthique par exemple).
Plus récemment le projet européen EERQI, indicateurs de qualité pour la recherche en éducation, cherche à améliorer les indicateurs standard, largement basés sur les indices de citations, qui rencontrent beaucoup de limites dans ce domaine (pas de hiérarchie unique, aucune revue ne ublie que des articles de classe mondiale, les chercheurs ont de nombreuses raisons de placer des articles dans des environnements très différents). Il s’agit donc, à l’aide de l’ordinateur, de définir les textes de recherche et la qualité de leur contenu, tout en faisant aussi appel à l’analyse du contexte. Le processus d’évaluation doit d’abord reconnaître le type de recherche afin de l’orienter vers un évaluateur qualifié.
L’évaluation est donc ici fondée sur le discernement et l’appréciation plutôt que sur les éléments mesurés. Mais l’évaluateur doit posséder des connaissances critiques qui lui permettront de privilégier une approche d’ensemble plus que la mesure des détails. Ainsi l’appréciation de l’évaluateur devra être inspirée par la description de la beauté de l’héroïne des Ailes de la Colombe (Henry James), selon la citation donnée dans un des articles ci-dessus.
La volonté politique d’articuler les curricula dans les cantons de Suisse romande a débouché sur un concordat et un plan d’études romand, le PER, avec des répercussions obligatoires sur la formation initiale et continue des enseignants. On demande désormais aux enseignants d’avoir des capacités de communication, de créativité, de collaboration et de les faire naître chez leurs élèves, explique Marcello Giglio, HEP BEJUNE. Le PER, effectif dès cette rentrée, prévoit le regroupement des disciplines en 5 grands secteurs, par exemple mathématiques et sciences de la nature ou langues, l’acquisition d’une formation générale (TIC, projets, éducation citoyenne) et de capacités transversales. Le projet a été soumis à la connaissance des formateurs et de nombreuses discussions ont eu lieu.
Les enseignants se sont déclarés plutôt satisfaits de cette réforme, mais peu d’entre eux ont été soucieux de l’appliquer. Ils doivent apprendre à orienter l’attention de l’élève sur le travail demandé, leur confirmer qu’ils sont bien dans la bonne direction et n’apporter les connaissances qu’au fur et à mesure, de manière à augmenter la collaboration et la créativité chez les élèves. Pour mettre en place les nouvelles activités langues, il a fallu inciter les enseignants à pratiquer les TICE, à utiliser les propositions d’immersion linguistique et à introduire l’interdisciplinarité en classe.
Le projet de recherches de Marcello Giglio porte sur l’adhésion au nouveau programme, la perception des instructions, les changements de pratiques en conséquence, aussi bien chez les formateurs que chez les enseignants. Il se réalise au travers d’enquêtes et d’entretiens. La grande difficulté, pense-t-il sera de dépasser les cloisonnements disciplinaires et d’apprendre à collaborer. On ne sait pas à l’avance comment s’établiront les liens interdisciplinaires. On ne sait pas non plus comment les élèves vont réagir dans ces nouvelles modalités d’enseignement, où l’enseignant sera plutôt « un coach ». La recherche devrait amener à identifier des activités pédagogiques et des séquences professionnelles qui entraînent une véritable modification de l’activité de formation.
Bernard Wentzel, HEP BEJUNE (centre de formation multicantonal des enseignants), présente ici les résultats d’une enquête initiée en 2005, réalisée par questionnaires et entretiens et portant sur les stratégies d’insertion et l’accompagnement. Il précise que le renouvellement massif des enseignants, l’évolution du public élève (hétérogénéité linguistique et culturelle notamment), les changements de programmes ont rendu la formation professionnelle relativement difficile ces dernières années.
L’insertion professionnelle des enseignants est un processus de transition entre la fin de la formation et un emploi socialement construit. En Suisse, l’entrée dans le métier est régulée par la loi du marché, avec des procédures de sélection opaques et peu standardisées. Les jeunes enseignants passent souvent par une phase de précarité (remplacements, contrats de courte durée, temps partiel) et se sentent bien seuls dans leurs classes. Si certains vivent cette insertion comme une galère, d’autre ont le sentiment d’un parcours plus serein (nominations dans un seul établissement, élèves pas trop difficiles).
Selon l’enquête, le sentiment d(être enseignant n’est pas lié à un sentiment de compétence, mais plutôt à une représentation sociale, qui joue aussi en dehors de la classe.
Les discours des jeunes sont souvent critiques par rapport à la formation reçue, mais ils évoluent avec le temps et, quelques années après leur sortie de l’université, les enseignants admettent que le mémoire professionnel leur a permis de construire une démarche ou de solidifier des connaissances. Ils soulignent néanmoins qu’ils ont d’autres expériences formatives, souvent personnelles.
Pour Stéphane Martineau, université du Québec à Trois Rivières, il s’agit de faciliter l’insertion professionnelle des enseignants et de poser les jalons d’un modèle, car le début dans le métier est une phase qui va retentir sur toute la carrière.
Au Québec, l’insertion est un parcours long et chaotique, qui peut prendre jusqu’à 8 ans. Les jeunes doivent effectuer les « queues de tâches » (les pires élèves dans les pires écoles). Avec 5 filières de formation, ils peuvent avoir à enseigner des matières pour lesquelles ils n’ont pas été formés, de manière à accumuler les heures d’exercice.
D’une enquête, commencée en 2004 auprès de sortants de formation suivis pendant plusieurs années, il ressort qu’ils ont une vision réaliste de ce qui les attend (devoir batailler pour se faire une place au soleil). L’aide de leurs collègues plus chevronnés est assez minimale (introduction auprès des collègues et invitations à des réunions).
Ils s’attendent pour environ 20% à devoir changer de métier dès les 1ères années. Ces abandons inquiètent les politiques en raison du gâchis financier que cela représente et on commence à parler de dispositif d’accompagnement (soutien et ressources). En effet, il n’est pas facile d’enseigner dans 5 niveaux différents et pas toujours dans la même matière.
Les jeunes enseignants ont suivi une formation initiale spécialisée de 4 années avec plusieurs stages, le dernier étant un stage en situation de 12 semaines. Ils sont donc assez préparés à ce qui les attend, mais aimeraient que le système leur donne de bonnes conditions de travail, et c’est là que la confrontation à la réalité est difficile.
16/09/2010Le clin d’œil de David Bridges lors de la conférence de clôture :
« Elle était belle, d’une beauté qui n’empruntait rien aux détails, particularité qui jouait un grand rôle dans l’impression qu’elle produisait. Cette impression était durable, mais impossible à analyser. Elle avait de l’allure sans être grande, de la grâce sans faire de gestes, de la prestance sans la lourdeur. Simple et svelte, souvent silencieuse, on la remarquait cependant toujours avec un plaisir singulier".
Henry James, 1902
Merci à l’AREF et à Genève de permettre des moments comme ça
Evaluation
Le symposium va discuter la notion de compétences en
éducation. Attention, risque de turbulence.
Nathalie Younès
(Clermont) essaie de comprendre comment la prescription de
l'évaluation par compétences se met en oeuvre
dans un collège "ordinaire", sans formation ni
accompagnement particulier, comme c'est
généralement le cas. Elle met sous sa loupe les
pratiques d'enseignants en matière d'évaluation
des compétences rédactionnelles, dans un
établissement dont les élèves
eux-mêmes jugent que l'ambiance n'est pas au travail soutenu.
Lorsqu'elle interroge les enseignants sur le sens qu'ils donnent
à l'évaluation, ils sont relativement peu
satisfaits de leurs pratiques, un peu coincés entre la
volonté de ne pas stigmatiser les
élèves en difficultés et de continuer
à pouvoir étalonner le niveau des uns et des
autres. Les élèves sont plus directs : pour eux,
la note de la copie, c'est l'attribution de valeur et de rang dans la
classe. Il faut dire que nombre d'entre eux ne voient pas
forcément non plus à quoi leur sert d'apprendre
à produire des textes, si ce n'est pour rédiger
une lettre de motivation... Selon ses observations, N.
Younès considère que chaque enseignant bricole
ses pratiques d'évaluations sans en être
très content, mais sans que ce soit un objet
d'échanges collectifs. Peut-on pratiquer une
"évaluation encourageante" sans être
considéré comme un prof laxiste par ses pairs et
par les élèves ? Comment ne pas passer trop de
temps à réaliser des évaluations dont
on n'est même pas sûr qu'elles changent quoi que ce
soit ? Dans un contexte social où
élèves et familles semblent surtout chercher dans
les notes un moyen de "passer" dans les bonnes filières, de
décrocher les diplômes ou d'obtenir des places,
rien qui semble susceptible de susciter des
évolutions dans les pratiques et représentations
des uns et des autres...
Dans l'approche formative de l'évaluation, on
s'intéresse beaucoup aux feedbacks, aux
régulations faites par les enseignants, mais aussi aux
diverses régulations qui traversent la classe, qui ont des
effets sur les comportements et l'activité cognitive des
élèves. C'est l'objet de recherche Lucie de Motier-Lopez
(Genève).
Une question habituelle posée à
l'évaluation formative est aussi l'articulation entre les
"situations complexes" et les "tâches spécifiques".
Travaillant avec des élèves de 8 à 12
ans, elle filme des leçons de maths, et demande aux
enseignants de sélectionner le passage qui leur semble
pouvoir illustrer une situation d'évaluation formative, puis
co-analyse avec eux ce qu'on peut en penser. Ce travail permet au
groupe de tirer de conclusions sur les "manières de faire "
qu'ils jugent pertinentes. Lorsqu'il est sollicité par les
élèves qui n'arrivent pas à faire ce
qu'on leur demande, l'enseignant passe du temps à
écouter l'explicitation de ce qu'il a fait, des
procédures qu'il a utilisées, afin de mesurer ce
qu'il a fait pour arriver à ce résultat. Lorsque
ces explicitations ne semblent pas satisfaisante, l'enseignant fait
alors des choix explicatifs : expliquer une procédure
particulière, revenir à
l'énoncé ou sur le sens du problème,
décomplexifier la tâche, rappeler des
connaissances qui peuvent faire ressource... L'enseignant doit donc
mobiliser des compétences professionnelles pour pouvoir
anticiper, ajuster, évaluer à la
volée, cadrer, identifier les obstacles, penser la
progression des apprentissages à la fois dans des
temporalités courtes et des progressions longues... Une
longue liste qui amènera de l'eau au moulin de ceux qui
pensent qu'enseigner est un métier qui s'apprend, nombreux
dans les travées de l'AREF...
La réflexivité est-elle une garantie
d'acquisition de compétences et de capacité de
transfert ? C'est en tout cas ce que prônent les adeptes des
compétences lorsqu'ils définissent le mot comme
la capacité à "transférer" un
apprentissage d'une situation à l'autre. Lorsqu'il interroge
des adultes, en entreprise ou à l'université, il
constate que tous sont loin d'avoir le même point de vue sur
la "similarité" éventuelle de deux situations. Florent Chenu est
donc aller voir du côté des analyses de la didactique
professionnelle
pour comprendre ce qui fait que deux situations pourraient avoir des
similarités. Il rencontre donc un nouveau groupe de
professionnels avec qui il réalise des entretiens
d'explicitations pour mesurer ce qu'ils peuvent dire de ce qu'ils font
en situation, des ressorts de leur activité.. Il constate
que pour une même opération, les raisonnements qui
les sous-tendent peuvent être très
différents, même quand la tâche est
réussie, et conclut en remettant en cause le
modèle de référence des "classes de
situation".
Comment les enseignants réagissent-ils au modèle
d'évaluation "en trois phases" mis au point par son groupe
de recherche ? se demande Vincent
Carette au début de son intervention. En effet,
beaucoup de monde parle des compétences, le terme envahit
l'espace sans qu'on soit en capacité de le discuter. Les
Etats veulent à la fois piloter le système en le
régulant par l'évaluation des
établissements, sous la prission des parents-clients, et
modifier les pratiques pédagogiques par les enseignants sur
la base de ces résultats. Or, on ne sait pas si la notion
d'efficacité en éducation se ramène
à ces injonctions : est-on réduit à
choisir entre enseignant dirigiste ou enseignant animateur ? entre
évaluation de procédure ou évaluation
formative ? entre "apprentissages de base" et démarche de
problème ? entre approche "scientifique" et enseignement
socio-constructiviste ?
Carette refuse de jeter les compétences avec l'eau du bain :
"on attache la notion de compétences. avec le
modèle du socio-constructiviste. Mais vouloir former des
élèves "compétents" ne signifie pas un
enseignement par compétence. Quelles que soient les
légitimes critiques contre les attaques libérales
contre l'école, je propose de rester modeste devant
l'ampleur de ce qui nous échappe. On ne peut pas
actuellement garantir qu'un type d'enseignement amène
nécessairement la construction de compétences.
Commençons par informer et former les enseignants
à développer leur capacité collective
à se poser les questions de l'efficacité de leurs
pratiques, plutôt que de prescrire la "bonne"
manière d'enseigner".
C'est pourquoi son équipe a proposé aux
enseignants belges un
outil basé sur une
évaluation en trois phases, dans laquelle on
cherche à évaluer d'abord
les compétences mobilisées par
l'élève sur une tâche
inédite (phase 1),
avant de proposer aux élèves une seconde phase :
la même tâche est découpée en
tâche élémentaires, avec des consignes
explicites, présentées dans l'ordre où
elles doivent être accomplies. Enfin, si
nécessaire, on évalue dans une
troisième phase la maîtrise des
procédures de base à utiliser dans les
différentes phases du problème à
réaliser.
Dans ce cas, les enseignants peuvent à la fois mieux
comprendre les référentiels, évaluer
leurs propres pratiques, réaliser un diagnostic sur les
compétences des élèves, et travailler
à comprendre "en situation" comment agir. Mais il pose des
limites qu'il a constatées lorsqu'il regarde les enseignants
contruire et utiliser ce genre d'épreuves : "cela nous prend
beaucoup de temps", le fait que les épreuves "papier-crayon"
ne permettent pas de "faire" (et donc de mesurer ce que les
élèves savent faire effectivement !). Mais la
"phase 2" (décomposition de la phase complexe) se fait
toujours selon une certains logique, dont on constate qu'elle "bloque"
certains enfants qui ne parviennent plus à avancer lorsqu'on
les contraint à passer par un cheminement de
pensée et d'action.
Prenant un exemple dans le second degré avec la correction
de dissertations en SES, Marc
Vantourout et Rémi Goasdoué focalisent
leur attention sur l'activité de l'évaluateur, et
des problèmes posés par la correction
à l'enseignant. Bien sûr, ils retrouvent les biais
qui influencent la notation. Ils postulent que lorsqu'ils
évaluent, les enseignants infèrent, à
partir de la production des élèves, sur ce qu'ils
ont compris du texte qu'ils ont lu, de leurs connaissances dans la
discipline d'enseignement, de leurs capacité de
raisonnement. Ils en concluent que les correcteurs pratiquant
l'évaluation par compétences relèvent
légèrement les notes des copies moyennes, sans
pour autant valoriser les copies considérées
comme "mauvaises". Leur grille de référence leur
sert sans doute de "garde-fou" : elle comorte des indicateurs, des
niveaux d'exigence et un barème. Mais même ceux
qui utilisent cette grille peuvent avoir une notation très
différente sur un critère particulier. C'est sans
doute parce que les "inférences" faites par les enseignants
sur les phrases de la copie ne sont pas toutes identiques : certains
concluent qu'une phrase définissant approximativement un
concept est le signe d'une ébauche de
compréhension, quand d'autres attendent une terminologie
précise pour valider l'attendu. Certains prennent
l'élève "au pied de la lettre" quand d'autres
infèrent que l'élève à
compris, malgré les formulations maladroites. Pas de magie
des outils, donc, et la professionnalité de l'enseignant ne
se résume pas à son appropriation d'une grille de
compétences. Bonne nouvelle, non ?
15/09/2010
Bien que le sujet ne soit pas au cœur de ses activités de recherche, Agnès van Zanten, Sciences po/CNRS, le connaît bien y compris d’un point de vue personnel.
Elle rappelle tout d’abord que la recherche en éducation est relativement jeune, fortement adossée dans tous les pays au système éducatif, avec dans le cas français, un Etat construit autour de son école. Elle est, en France, faiblement financée et ses résultats sont peu utilisés par les décideurs . Elle est de plus mal reconnue, car pratiquée dans des équipes très fragmentées , avec peu de paradigmes et de théories, et ne bénéficie pas d’une image intégrée. De plus la production des données est institutionnellement confiée à d’autres structures (DEPP, IG) et la production des chercheurs n’est pas forcément bien prise en compte.
La recherche en éducation est pourtant très tournée vers l’extérieur, au premier chef enseignants et formateurs, mais aussi l’administration, et bénéficie pour certains sujets d’un bon écho dans les médias et auprès du grand public. Elle a connu une forte expansion de 1960 à 1980, avec les questions d’échec scolaire et d’inégalités et depuis 1980, analyse davantage les conséquences de l’action étatique.
Les pressions internationales, en amenant les recherches comparatistes et les financements plus ou moins ciblés de l’union européenne, ont modifié le fonctionnement de la recherche en éducation. Les agendas politiques internationaux ont contribué à focaliser les thématiques (efficience, équité, coût, poids du marché). Les chercheurs qui répondent aux projets correspondant risquent d’y perdre en autonomie.
Pour l’UE, la recherche en éducation est un outil de « gouvernance douce » pour faire évoluer les états. Elle fait appel aux chercheurs pour participer à des réseaux qui interviendront dans la rédaction de directives ou de recommandations. Les études internationales comme Pisa contribuent également à cette gouvernance. Dans beaucoup de pays les données n’existaient pas. Mais dans les autres, comme la France, ces données jouent un rôle de plus en plus important dans les politiques éducatives et se révèlent facilement appropriables par les décideurs, en mettant en avant telle ou telle conclusion.
Les nouveaux programmes de recherche européens reposent sur des partenariats entre pays, pour lesquels la production de connaissances se fait en phase avec la construction de l’espace européen. Il faut alors faire travailler ensemble des chercheurs dont les cultures sont très différentes (par exemple la notion de méthodologie d’entretien est très différente dans les pays de l’est, au Royaume Uni et en France). Les équipes ainsi formées ont du mal à entretenir le dialogue et ceux qui ne maîtrisent pas l’anglais sont rapidement mis sur la touche.
De plus, ces programmes, limités dans le temps ont une contrainte forte de production et sont désormais suivis de près, avec des observateurs présents aux réunions de travail. Cela peut conditionner les recherches, en obligeant à livrer des données brutes, avant que leur analyse n’ait été réfléchie. Cela impose aussi des modes de communication et de diffusion dont les chercheurs n’ont pas l’habitude.
Certes, l’européanisation, et au-delà, l’internationalisation est une opportunité à saisir, car elle favorise les recherches comparatistes et permet d’utiliser différentes approches ainsi que différentes échelles (locales, nationales, internationales). Mais ce mode de financement privilégie des équipes bien constituées, sachant présenter un dossier et à terme risque de mener à des recherches plus ciblées de manière externe, davantage assujetties aux souhaits des décideurs.
Françoise Solliec
De quoi parle-t-on dans les ateliers ce mercredi ? Une journée un peu décevante pour un reporter en quête de pratiques et de recommandations à transmettre à ses lecteurs.
Pourtant les intervenants des 3 ateliers que j’ai suivis, en majorité des doctorants, sont souvent des personnes de terrain, en train de mener des observations. Mais leurs travaux ne sont pas encore aboutis et ils sont légitimement plus préoccupés de les installer dans des courants de recherche que d’analyser les pratiques des observés. Les thématiques abordées n’en sont pas moins intéressantes, comme on le verra dans les 3 exemples ci-dessous.
Géry Marcoux, de l’université de Genève, s’est penché sur l’importance des croyances émotionnelles des élèves dans la résolution en mathématiques de tâches simples ou de problèmes complexes. Dans 8 classes (4 éducation prioritaire, 4 ordinaires) il a proposé la résolution d’un problème complexe, décomposable en tâches simples, accompagne de questionnaires assez détaillés, avant, immédiatement avant et après l’épreuve. Le premier questionnaire visait à définir les attitudes des élèves vis-à-vis des tâches mathématiques (aiment-ils plutôt ceci ou cela), le second leurs représentations sur leurs capacités (avaient-ils peur de l’échec), le troisième sur leur appréciation de l’épreuve (ont-ils aimé ce type d’exercice, ont-ils le sentiment d’avoir bien réussi).
Selon les résultats, près de la moitié des élèves ne se sentent pas a priori très compétents en maths, près de 40% ont peur de l’échec et plus de 70% ont peur de la note. Un tiers ont le sentiment de ne pas contrôler ce qui arrive en mathématiques, 62% affirme aimer le « par cœur », 88% les tâches simples et 82% les problèmes complexes. Reste maintenant à mettre en perspective les performances des élèves et leurs croyances.
Joëlle Droux, université de Genève, a présenté les mesures élaborées par l’Organisation internationale et du travail et son bureau, le BIT, pour aider les nations à résoudre le problème du chômage massif des jeunes apparu au début du 20 ème siècle, en raison de la mécanisation des tâches industrielles et de la crise économique. Une recommandation de 1935 donne une nouvelle mission sociale à l’école, dans un cadre international, relayé par de nombreux réseaux, syndicats, partis politiques, associations de jeunes, alors que les gouvernements se trouvaient relativement impuissants à traiter ce phénomène nouveau et portant sur une population qui ne relevait ni du système scolaire, ni de celui du travail.
La recommandation, très largement votée par les nations, comportait 3 points : allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ou 15 ans, réorganisation de l’enseignement technique et professionnel et organisation d’une organisation de l’orientation professionnelle dans le cadre scolaire, établissant pour la 1ère fois une connexion forte et les établissements scolaires et l’orientation professionnelle.
Dans l’atelier animé par Patrick Rayou, Paris 8, c’est la notion d’accompagnement, « cette nébuleuse », qui a été discutée, au travers de la bibliographie sur l’accompagnement à la scolarité par Patrick Rayou et au travers de 2 situations par des doctorants du CNAM et de Paris 12.
L’une de ces interventions porte sur l’accompagnement des managers. Elle met en valeur la communauté de pensée entre accompagnant et accompagné (« on est dans le même bateau » ) et insiste sur le processus d’autoprescription qui se met en place pour l’accompagné. L’intervention de l’accompagnant finit par porter non sur l’activité de l’accompagné, mais sur la gestion de son activité.
L’autre s’intéresse au hors temps professionnel (personnes à hobbies, réseau des ateliers de pédagogie personnalisée) pour essayer de faire ressortir les modes d’accompagnement et les interactions sociales qui en découlent dans le cas d’un projet personnel précis.
Françoise Solliec
individualisation ?
Un double symposium, c'est comme un symposium, mais plus long.
Toute la journée. Un truc pour accros. Celui-ci s'appelle
"Personnalisation et individualisation des parcours des
élèves".
Acte 1. Introduisant la journée, Patrice Bourdon
insiste sur les changements induits dans les métiers de
l’enseignement. « Institutionnaliser des parcours
d’aide personnalisée, par des enseignants
ordinaires ou des maîtres spécialisés,
voire des partenaires extérieures, dans ou hors du temps
scolaire : c’est la prescription grandissante des
institutions. Avec quels effets ? ».
Olivier Maulini
et Cynthia Munier, de l'Université de
Genève, soulignent les tensions de l'Ecole, le conflit entre
l'interne et l'exerne de l'Ecole, la rupture des
continuités. Ils citent une directrice
d'école genevoise qui prend position devant l'empilement des
dispositifs : "Les enseignants s'occupent plus de les orienter vers les
bons casiers que de les garder dans les classes". Les constats de
l'étude qu'ils ont conduite montrent que les
évolutions des plans d'études genevois mettent
les enseignants en situation instable, tant les injonctions sont
multiples et diffuses. Suite à la votation populaire qui
s'est aussi prononcée pour le retour des notes et des
filères, et la fin des cycles, les
élèves identifiés en fin
d'année comme "en difficulté" sont
désignés pour des dispositifs
spécifique l'année suivante. "Mais les
mesures bureaucratiques, si elles rassurent, permettent-elles de ne pas
rendre les enseignants fous, entre l'injonction paradoxale de la
réussite de tous et la reconstruction des
filières..." conclut O. Maulini.
Réagissant aux propos, Christine
Felix invite à préciser davantage
les différents types de difficultés auxquelles
les élèves sont confrontés,
mais aussi celles des enseignants. "Si élèves et
enseignants sont chacun dans la classe, ils ne sont pas
confrontés aux mêmes registres de
problèmes". Elle questionne l'a-priori positif des auteurs
sur "l'efficacité de l'aide inclusive" par rapport
aux aides extérieures.
Valérie Vincent
interroge l'idée-même de la
différenciation, en observant des séances
d'enseignement de l'histoire. Elle s'appuie sur les travaux de Jacques
Bernardin (Comment les élèves entrent dans la
culture écrite) pour comprendre le rapport au
savoir des enseignants. Elle veut mieux comprendre comment il
influence les pratiques de l'enseignement, en cherchant s'il est
possible de "vivre le savoir comme une aventure humaine" pour donner
sens et chair à ce qu'il y a à apprendre, et
faire comprendre aux élèves que les savoirs ont
une histoire. Lorsque elle voit un enseignant qui lit aux
élèves "La Guerre du Feu" en classe, elle observe
qu'il rassemble les élèves autour d'un
récit fondateur. Mais, précise la jeune
chercheuse, "ça ne suffit pas pour opérer chez
les élèves les rutures
épistémologiques nécessaires", surtout
s'il "décide lui-même de répondre aux
questions qu'il pose dans des situations de cours magistral
dialogué". M.-P.
Vannier réagit : "On peut toujours se demander
ce qu'il aurait pu faire de mieux, mais ne faites-vous pas fi des
contraintes et ressources disponibles pour l'enseignant ?"
Pascal Ponté,
Serge Thomazet et Corinne Mérini observent,
eux, les modalités de collaboration entre les enseignants
dans l'organisation de l'aide. Dans le cadre d'une recherche
réalisée pour la FNAME
(fédération des "maîtres E", en
France), ils observent comment la nouvelle circulaire sur l'aide
individualisée réorganise le travail du
maître E qui devient "maître-ressource" en
matière de difficulté, pour ses
colègues "ordinaires". Leur métier est donc
questionné, le temps réorganisé : il
faut articuler les emplois du temps des uns et des autres, les
contraintes des programmes et le temps de l'enfant. Il faut "construire
des histoires communes dans le but de remettre ensemble
l'élève au travail", confronter les approches
epistémiques des uns et des autres. "L'idée que
le maître E doive collaborer avec l'enseignant est au coeur
du métier depuis 1990", précise C. Pierrisnard,
même si la "sédentarisation" va sans doute
renforcer les sollicitations.
Serge Thomazet intervient dans la discussion : "Mais on ne
peut décider que le maître E devienne conseiller
pédagogique sans qu'il n'en n'ait ni l'autorité,
ni la formation, ni la reconnaissance. Cette tension ne se
résoud pas dans un compromis, mais dans une difficile
conjugaison : aider un enseignant peut passer par la
visibilité qu'on donne au type d'aide à
l'élève qu'on organise dans et hors la classe".
Comment les enseignants en formation se représentent-ils les
difficultés des élèves ?
Questionnés par Sandrine Breithaupt,
enseignante à l'école des Hautes Etudes
Professionnelle vaudoise, les jeunes enseignants citent d'abord les
problèmes de comportement et de motivation, puis de
"pré-requis" ou d'habilété cognitives
défaillantes. Ils s'intéressent aux
symptômes plus qu'à l'origine des
difficultés, et s'impliquent peu dans le
problème. Les pistes d'action qu'ils proposent dont donc
davantage tournées vers des structures exernes que vers
l'intérieur de la classe. Cela interroge, dit-elle, la
capacité des formateurs à les outiller sur les
types de difficultés rencontrées par les
élèves, sans attendre une "bascule implicite" des
conceptions des formés. Carole
Boudreau retrouve la réalité
québécoise dans ces propos, et se demande ce
qu'il est raisonnable d'attendre des étudiants en formation
initiale. "Qui a besoin d'aide, les élèves ou les
enseignants débutants ? Ne peuvent-ils aussi avoir des
difficultés dans la maîtrise des contenus
disciplinaires ? A force de multiplier les dispositifs
extérieurs ou les intervenants
spécialisés, les enseignants se questionnent-ils
assez sur ce qu'ils pourraient faire dans la classe pour les
élèves ? Font-il le lien avec les
théories qu'on leur enseigne et la pratique de classe"
Devant la tournure prise par la discussion, qui
égrène la longue liste de ce que ne font pas les
enseignants débutants, Patrice Bourdon
réagit : " Au lieu de disserter sur ce qu'il ne font pas, ne
pourrait-on pas passer plus de temps à tenter de comprendre
ce qu'ils font, et pourquoi ils le font, comme ils le peuvent ? Cela ne
pourrait-il pas nous aider à pouvoir mieux les accompagner
?" La salle rebondit : "sans cadre collectif pour le travail des
enseignants sur ces questions, comment voulez-vous que les choses
avancent ? Il ne suffit pas de prescrire !"
Laetitia Progin
met entre parenthèses la discussion avec la
présentation de sa recherche sur l'influence des
directeurs sur le travail des enseignants, et l'émergence du
"leadership" présumé favorable à
l'efficacité de l'enseignement dans les écoles.
Pourtant, on sait que les chefs d'établissements vont peu
dans les classes, qu'ils sont très absorbés par
le travail administratif. Dans l'enquête
réalisée, elle décrypte que
derrière les discours généreux, la
diversité des conceptions est grande : certains valorisent
le changement dans le travail en classe, d'autres les dispositifs
extérieurs. D'ailleurs, si certains redoutent de s'investir
dans le leadership pédagogique, d'autres y voient une
valorisation de leur mission de directeur, même s'ils doivent
pour cela se confronter à des épreuves
relationnelles redoutables, notamment dans la fonction d'interface
entre les injonctions du haut et la complexité du
métier réel. Réagissant, C. Mérini
veut revenir aux enjeux plus globaux du symposium : "il existe une
chaine organisationnelle des différents métiers
(enseignants, réseaux d'aide, directeurs, personnels
municipaux...) qu'il faut prendre en compte pour comprendre ce qui est
en jeu dans l'organisation de l'aide". Il faut donc, pour elle,
s'interroger sur les conditions de mise en collaboration des
différents métiers, sans en rester à
des discours prescriptifs.
Tension, articulation, ajustement, indentification,
évolution, collaboration... Patrice Bourdon reprend les mots
de la matinée comme autant de pointés, de leviers
à manipuler. Pause.
Acte 2. 13h30, ça
reprend. Guillaume Serres
(Clermont) est à la baguette de la seconde ligne droite. Il
revient sur sa vision des discussions du matin : "Ce qui est flagrant,
ce sont les différents niveaux d'analyse des communications
présentées ici, que nous pouvons tenter de
regrouper pour reproblématiser la question des
difficultés. Organisation du travail, pratiques
enseignantes, conceptions des difficultés des
élèves ou des difficultés du
métier d'enseignant peuvent être
inerrogés par les uns ou les autres. La diversité
des approches scientifiques (ergonomie ou didactique notamment) peuvent
être autant de focales pour regarder une part de
l'activité". Il pointe la question de l'activité
de l'élève, dont parfois les travaux de recherche
ne disent pas grand chose. "Comment décrire
précisément l'activité
réelle déployée par les
élèves pour mieux en comprendre les ressorts ?
Pour cela, il est sans doute aussi nécessaire d'interroger
dans le détail les conceptions sur les apprentissages qui
sous-tendent nos analyses"...
Christine Perrisnard
et Marie-Paule Vannier
s'intéressent aux pratiques "ordinaires" et aux
pratiques "spécialisées" des maîtres E
dans l'aide aux élèves. Elles ont construit une
équipe de recherche pluricatégorielle, incluant
même des inspecteurs. Grâce à des textes
produits par les membres du groupe, les chercheurs estiment
pouvoir mesurer l'état de conceptualisation des membres, et
dégager des spécificités de l'aide
spécialisée, telles que la pensent les
maîtres E : "prendre le temps de la préparation
à l'activité, prendre le temps des interactions
en petits groupes, laisser le temps pour la réflexion de
chacun à son rythme...". Toutes choses qui, selon eux, n'est
que peu accessible aux enseignants ordinaires. CQFD.
Evidemment, la circulaire de 2009 invite le groupe à se
pencher sur l'articulation du travail avec les enseignants
chargés de classe ou l'aide aux devoirs, notamment les PPRE.
L'occasion d'y confronter les discours et les
représentations des uns et des autres ?
Isabelle
Nédélec poursuit sur cette
thématique de la collaboration. Elle
décortique un dispositif d’aide
dispensé par un maître
spécialisé en coopération avec un
maître ordinaire, en mathématiques, dans une
classe de CE2, deux heures par semaine, pendant douze semaines.
Les enseignants cherchent ainsi à
éviter la "fragmentation du temps des apprentissages", en
co-élaborant et en co-animant les séances. Le
maître E qui intervient dans la classe travaille soit
à reprendre des notions vues en classe, soit à de
nouveaux apprentissages en bénéficiant d'un
accompagnement particulier. Pour elle, cette "migration
spécifique dans la classe de nouvelles manières
de faire par l'enseignant spécialisé profite non
seulement aux élèves, mais aussi à
l'enseignant chargé de la classe qui peut ainsi percevoir de
nouvelles manières de travailler les difficultés
scolaires.
Serge Thomazet
réagit : "une question qui me semble cruciale (et ancienne)
est ce que fait l'enseignant pendant que certains de ces
élèves ne sont pas dans la classe". Il souligne
que la situation de l'école observée peut
être atypique par rapport à ce qu'est l'ordinaire
des écoles : le contenu des aides proposées dans
les regroupement d'adaptation par le maître E peut souvent
être discuté, notamment lorsqu'il entend
travailler des savoirs en réduisant tellement la
complexité de la situation qu'il prend le risque de ne pas
être très opératoire..." Mais il
retient l'idée que les connaissances issues des
connaissances professionnelles du maître E puissent
"diffuser" sur les enseignants.
Aide personnalisée
et aide ordinaire : quel degré de parenté
? C'est une des questions de recherche de Corinne Marlot et Marie
Toullec-Thery, cherchant à évaluer
l'efficacité des pratiques d'aide et la
compréhension des choix des enseignants. Ainsi, selon elles,
l'aide en classe repose souvent sur une simplification des objets et
des situations didactiques, cherchant plus à
répondre à la question posée
qu'à comprendre ce qui est en jeu. De même, les
professeurs sont surtout concentrés sur
"l'avancée collective du temps didactique"
(l'avancée des objets de savoir sur l'axe du temps). Elles
présentent deux situations contrastées : certains
enseignants aménagent le milieu ou focalisent sur les
progrès des élèves, d'autres
simplifient la tâche ou se concentrent sur son
exécution, en éclatant les tâches par
rapport à la complexité des problèmes
à régler. Dans ce cas, elles concluent que la
"reconnexion" avec les objets de savoir ne se fait pas. C'est sans
doute le signe que les représentations de ces enseignants
placent l'origine de la difficulté sur le plan du
comportement. Sans vouloir caractériser les "bonnes" et les
"mauvaises" pratiques, elles considèrent que la
centration de la tâche sur des "procédures de bas
niveau" nuit à l'efficacité. La "posture
surplombante" est pour elles trop guidantes, trop verticales. "C'est
l'effet Jourdain, on fait comme s'il y avait du savoir produit, mais on
reste sur des leurres". Frédéric
Saujat
confronte cette approche à son propre cadre
théorique : "l'activité réelle" de
l'enseignant ne peut pas se réduire à son action
didactique. Les pratiques sont toujours multi-finalisées,
avec des micro-décisions et compromis à faire en
tension. "Nous avons tout intérêt
à travailler ces questions sans concession entre nous, et
à confronter les conceptions (l'epistémologie
pratique, diriez-vous) des chercheurs sur les apprentissages, comme
l'indique ce que vous dites sur la place des procédures de
bas niveau dans les apprentissages. Le travail technique, la place de
la répétition ou de l'enseignement explicite
méritent pour le moins discussion. Les chercheurs ne sont
pas moins que d'autres porteurs de valeurs et de conceptions que les
enseignants." Les oratrices acquièscent sur l'importance des
automatisations dans les apprentisages, mais souligne l'importance de
ne pas faire disparaitre, dans les situations d'aide, les enjeux
d'apprentissage derrière les tâches scolaires. "Il
ne suffit pas de mettre les élèves en petit
groupe pour qu'ils apprennent !"
Pier Carlo Bocchi présente
son travail sur les "formes de régulation de
l'activité des élèves", qu'elles
soient en régulation courte (sur les règles
d'action pour réussir la tâche) ou longue (sur le
fond de ce qu'il y a à comprendre), selon la
théorie des schèmes Vergnaud. Lorsque des
élèves cherchent à comprendre des mots
dans un texte, l'enseignant peut donner des aides aux deux
niveaux, qui orientent l'activité de
l'élève soit vers le "réussir" soit
vers le "comprendre". Il constate d'importants écarts dans
la répartition des différentes aides, selon les
enseignants qu'il observe, sans que les enseignants en aient
conscience. "Cette dynamique échappe à la
volonté, et peut avoir des conséquences sur les
discriminations et accroitre les inégalités de
départ entre élèves", en rendant plus
difficile leur lecture du "contrat didactique" proposé par
l'enseignant, et plus difficile le chemin pour comprendre ce qu'il y a
à apprendre, et pas seulement ce que demandent leurs
enseignants.
Christine Felix conclut
les présentations. Présentant le "mille-feuille"
des dispositifs d'aide et de prise en charge de la
difficulté, elle souligne
l'hétérogénéité
des temps, des contenus et des lieux. Quelle lisibilité,
tant pour les concepteurs que pour les usagers que sont les
élèves en difficulté, passant d'un
milieu à l'autre au risque de diluer le coeur du travail.
Pour les enseignants aussi, quel travail produire dans ces
différentes situations, et quand ils
"récupèrent" le travail
réalisé dans d'autres dispositifs ? Quels
légitimités pour les savoirs construits avec un
aide-éducateur ou un animateur que quartier ? Etudier
comment ces prescriptions sont mises en oeuvre dans les
différents lieux sont en soi un objet d'étude !
Son propos se centre sur l'enseignement comme un travail : "ce que
ça demande de faire, de faire ce qu'on nous demande de
faire, dans les conditions où on doit le faire...". Pour
accéder à l'activité des enseignants,
elle s'appuie sur une co-construction : le professionnel n'est pas
l'observé, mais le co-observateur de sa propre
activité.
Pour ce faire, on filme le travail et on organise avec les
professionnels eux-mêmes l'analyse de leur
activité. Concernant l'aide, ce croisement de
différents "milieux" peut "développer de
nouvelles formes d'activité" à la condition que
les collectifs permettent d'organiser les controverses
nécessaires sur les différentes
"manières de faire" pour permettre à chacun de
trouver des nouvelels ressources professionnelles inscrites dans le
métier.
Olivier Maulini voit
dans l'empilement des dispositifs la preuve que les ministres
successifs cherchent plus à "marquer l'opinion" par des
affichages qu'à donner aux enseignants et aux formateurs la
responsabilité de trouver les meilleures voies pour
résoudre les problèmes professionnels auxquels
ils doivent s'attaquer. Le risque de l'isolement des enseignants dans
la jungle des prescriptions lui semble au moins aussi signifiante que
l'inquiétude des élèves devant celle
des dispositifs... "
14/09/2010
C’est la question qui était au centre des débats auxquels j’ai assisté ce mardi. Une question significative puisque tous les intervenants s’accordaient sur l’importance de cette première rencontre avec les élèves, la classe, le métier, quant à son impact sur l’avenir professionnel des nouveaux enseignants.
Plusieurs études et enquêtes ont permis de mieux cerner les profils de ces enseignants, leurs attentes, leurs réactions au cours de ces premières confrontations, et leur devenir éventuel.
Ainsi Eric Roditi, Paris 5, a réalisé sur près de 10 ans le suivi d’un professeur des écoles, depuis son entrée comme stagiaire jusqu’au moment où il est devenu formateur. Réalisé sous formes de videos et d’entretiens, ce suivi porte particulièrement sur la façon dont Benoît, l’enseignant, aborde avec ses élèves des notions de géométrie, d’abord en tant que stagiaire et néotitulaire, puis en tant qu’enseignant plus chevronné, à 7 et 9 ans d’exercice. Les séances du début portent sur la notion de rectangle, notamment dans des activités de repérage. Les documents montrent que les élèves ont d’abord un temps de recherche individuelle puis un temps de mise en commun. Bien que Benoît soit à l’aise avec les notions à faire passer et suive de près le manuel, les conditions d’apprentissage des élèves ne sont visiblement pas assez maîtrisées. Les attentes de Benoît sont bien au-delà de ce que les élèves fournissent (le temps individuel est sans doute trop court, les explicitations insuffisantes). Les élèves qui ne voient pas où il faut en venir se dissipent et Benoît doit effectuer maints rappels à l’ordre.
Dans la seconde série de documents, les élèves sont plus autonomes, le dialogue est moins tendu et les élèves participent avec enthousiasme. Les pratiques de Benoît ont changé et se sont stabilisées : il a réalisé qu »il aimait être en classe et privilégie désormais le contact avec les élèves, en étant moins rigide par rapport aux formes de transmission des savoirs. Cette évolution est en partie due au travail collectif mené dans différents groupes (de recherche à l’IREM, de formation avec des collègues). Il estime avoir manqu é d’une formation en didactique des mathématiques, mais il veut plus probablement parles des situations à mettre en place avec les élèves que de contenus proprement dits.
Pour Luc Ria de l’INRP, le contexte actuel (effets de la masterisation, classes de plus en plus hétérogènes) risque d’entraîner pour les nouveaux enseignants des moments critiques « avec des répercussions profondes sur l’identité professionnelle en construction ». Dans ces conditions, le rôle des personnes ressource devra être repensé : les formateurs et les accompagnateurs devront éviter des approches trop dogmatiques ou trop normées et pondérer leurs conseils en tant qu’experts. Ils devront aussi s’inscrire dans la dynamique de l’activité professionnelle et se recentrer sur la réalité que vivent les jeunes enseignants, en traitant en priorité « les questions les plus saillantes et les plus fréquemment posées.
Une action recherche formation a porté l’an dernier sur 15 néotitulaires exerçant dans des collèges EP2 du 93. Entretiens, regroupements , tournage des activités en classe puis présentation de ces vidéos aux collègues ont été des temps forts qui ont ponctué l’année. L’exploitation des vidéos a été considérée comme une véritable action de professionnalisation qui a permis d’une part de prendre conscience des difficultés d’une communauté débutante et d’autre part d’apprécier la façon dont un professeur plus expérimenté pouvait travailler avec ces mêmes classes ressenties comme difficiles par les néos.
Selon Luc Ria, on se trouve ici dans des espaces de formation hybrides, dans lesquels le risque de formation disparate est grand. Il est donc utile de la compléter par un espace national en ligne, par exemple la plate-forme NeoPass@action sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir prochainement.
Pour Pascal Guibert, université de Nantes, l’acquisition de l’expérience professionnelle n’est jamais une construction linéaire. Mais les nouveaux enseignants se voient proposer un modèle de compétences normées et référencées, une nouvelle identité enseignante rejetée par la plupart des enseignants du secondaire en exercice.
En collaboration avec l’IUFM des Pays de la Loire, un suivi de cohorte a été réalisé sur plusieurs années (questionnaires + entretiens approfondis). Les résultats font apparaître 3 types de difficultés pour les néotitulaires : des difficultés liées au lieu d’exercice (déménagement, isolement, classes plus difficiles) pour ceux qui sont mutés hors académie, la nécessité de faire face et la maîtrise du métier. Même s’ils ont tous le sentiment de vivre dans l’urgence et de ne pas pouvoir se poser pour analyser leur pratique, les situations sont très différentes en raison de l’établissement où ils sont nommés, de leur histoire personnelle et de leur appartenance ou non à des collectifs.
Quelles sont les demandes qui transparaissent à la lecture des retours ? Les néos voudraient bien avoir davantage de connaissance sur la psychologie des adolescents pour arriver à établir avec leurs élèves une relation affectivement correcte. Ils ont aussi du mal avec l’évaluation. Enfin, ils estiment être très peu accompagnés, même en ZEP où ils le sont quand même davantage.
A leur prise de fonction, deux profils émergent nettement chez les enseignants.
Les « héritiers » sont souvent issus de la classe moyenne intellectuelle, sont bien diplômés, aiment leur discipline et croient au modèle de l’excellence scolaire. Ils sont souvent venus dans le métier par vocation.
Les « oblats » , moins diplômés et de classes sociales plus défavorisées, se considèrent davantage comme pédagogues et sont plus en adéquation avec les objectifs de formation de l’UFM.
Ces deux profils ont une conception assez différente du système éducatif et de la place de l’élève.
Après 5 ans d’exercice, ces profils s’estompent et l’on relève plutôt des typologies. Les enseignants se répartissent entre ceux qui sont toujours de passage (TZR), ceux qui ont une position fixe qui leur convient bien, ceux qui travaillent par conviction en zone prioritaire et attachent une grande importance au relationnel et ceux dont la position d’ « héritier » est inchangée, qui considèrent toujours la discipline en premier et le métier en second.
Vincent Troger, de l’université de Nantes, a réalisé avec l’IUFM une enquête portant à la fois sur des enseignants stagiaires et des élèves de LP.
La 1ère confrontation avec les élèves est une épreuve identitaire décisive, dans laquelle les difficultés concernent aussi bien le pédagogique (relations avec les élèves) que la didactique (quels contenus choisir). Ces élèves sont dans un rapport au savoir douleureux, avec une surreprésentation de redoublants et d’élèves en difficulté dès le primaire, qui ont de plus vécu le système comme très contraignant.
Les stagiaires enseignants partagent une éthique commune : ils comprennent assez bien les difficultés des élèves et souhaitent permettre à chacun de se reconstruire, dans une logique d’égalité des chances. Les formateurs partagent ce point de vue et aident les stagiaires à basculer dans une posture d’accompagnateur. Les enseignants pratiquent l’argumentation, le dialogue et utilisent une pédagogie très instrumentée par les médias, en donnant souvent aux élèves des repères visuels ou sonores. Ils acceptent de prendre l’élève là où il et sont en référence permanente au monde du travail. Comme ils ont souvent connu eux-mêmes des parcours un peu compliqués, ils sont naturellement en phase avec leurs élèves et savent qu’on peut rebondir sur un échec scolaire.
Pierre Périer, de l’université de Rennes, considère que les premiers moments professionnels des stagiaires et des débutants sont « une mise en épreuve de soi ». Il est important de les analyser pour aider d’autres jeunes à les aborder.
Une enquête a été menée de 2005 à 2007 sur les sites de formation de Créteil, Versailles et Lyon. Les résultats sont-ils seulement propres aux débutants ? On ne dispose que de très peu d’enquêtes comparatives.
Il ressort de cette enquête que les enseignants débutant ont une légitimité à construire, une autorité pédagogique à affirmer. Ils vont devoir s’engager dans une négociation continue avec des élèves qui n’ont pas les appétences au savoir qu’ils espéraient. Ils vont devoir élaborer des stratégies locales pour compenser le fait que les élèves n’acceptent plus l’attitude hiérarchique et ne respectent pas automatiquement le savoir incarné par le prof.
Ils ont l’impression que la formation qu’ils ont reçue n’est pas opérationnelle ; il faut qu’ils apprennent (tout seuls ? ) à mobiliser un savoir-faire professionnel. Ils ressentent le besoin de pouvoir s’exprimer sans crainte de jugement. A ce niveau, l’IUFM offrait un espace bien intéressant de socialisation entre pairs. Ils notent enfin la tension induite entre les deux objectifs nécessaires, transmission du savoir et établissement d’un protocole relationnel qui favorise la mise au travail des élèves. C’est sur ce point que va se construire l’identité professionnelle et que la mise à l’épreuve va se substituer à la formation.
Modifier dans le navigateur | /_layouts/images/icxddoc.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/formserver.aspx?XsnLocation={ItemUrl}&OpenIn=Browser | 0x0 | 0x1 | FileType | xsn | 255 | Modifier dans le navigateur | /_layouts/images/icxddoc.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/formserver.aspx?XmlLocation={ItemUrl}&OpenIn=Browser | 0x0 | 0x1 | ProgId | InfoPath.Document | 255 | Modifier dans le navigateur | /_layouts/images/icxddoc.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/formserver.aspx?XmlLocation={ItemUrl}&OpenIn=Browser | 0x0 | 0x1 | ProgId | InfoPath.Document.2 | 255 | Modifier dans le navigateur | /_layouts/images/icxddoc.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/formserver.aspx?XmlLocation={ItemUrl}&OpenIn=Browser | 0x0 | 0x1 | ProgId | InfoPath.Document.3 | 255 | Modifier dans le navigateur | /_layouts/images/icxddoc.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/formserver.aspx?XmlLocation={ItemUrl}&OpenIn=Browser | 0x0 | 0x1 | ProgId | InfoPath.Document.4 | 255 | Afficher dans le navigateur Web | /_layouts/images/ichtmxls.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/xlviewer.aspx?listguid={ListId}&itemid={ItemId}&DefaultItemOpen=1 | 0x0 | 0x1 | FileType | xlsx | 255 | Afficher dans le navigateur Web | /_layouts/images/ichtmxls.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/xlviewer.aspx?listguid={ListId}&itemid={ItemId}&DefaultItemOpen=1 | 0x0 | 0x1 | FileType | xlsb | 255 | Instantané dans Excel | /_layouts/images/ewr134.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/xlviewer.aspx?listguid={ListId}&itemid={ItemId}&Snapshot=1 | 0x0 | 0x1 | FileType | xlsx | 256 | Instantané dans Excel | /_layouts/images/ewr134.gif | /communautes/Aref2010/_layouts/xlviewer.aspx?listguid={ListId}&itemid={ItemId}&Snapshot=1 | 0x0 | 0x1 | FileType | xlsb | 256 |
|
|
|
|
|
|
|