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Aref2010 > Messages > Aider les élèves ? A quels prix ?
Aider les élèves ? A quels prix ?
individualisation ?

Un double symposium, c'est comme un symposium, mais plus long. Toute la journée. Un truc pour accros. Celui-ci s'appelle "Personnalisation et individualisation des parcours des élèves".

Acte 1. Introduisant la journée,  Patrice Bourdon insiste sur les changements induits dans les métiers de l’enseignement. « Institutionnaliser des parcours d’aide personnalisée, par des enseignants ordinaires ou des maîtres spécialisés, voire des partenaires extérieures, dans ou hors du temps scolaire : c’est la prescription grandissante des institutions. Avec quels effets ? ».

mauliniMunier

Olivier Maulini et Cynthia Munier, de l'Université de Genève, soulignent les tensions de l'Ecole, le conflit entre l'interne et l'exerne de l'Ecole, la rupture des continuités.  Ils citent une directrice d'école genevoise qui prend position devant l'empilement des dispositifs : "Les enseignants s'occupent plus de les orienter vers les bons casiers que de les garder dans les classes". Les constats de l'étude qu'ils ont conduite montrent que les évolutions des plans d'études genevois mettent les enseignants en situation instable, tant les injonctions sont multiples et diffuses. Suite à la votation populaire qui s'est aussi prononcée pour le retour des notes et des filères, et la fin des cycles, les élèves identifiés en fin d'année comme "en difficulté" sont désignés pour des dispositifs spécifique l'année suivante.  "Mais les mesures bureaucratiques, si elles rassurent, permettent-elles de ne pas rendre les enseignants fous, entre l'injonction paradoxale de la réussite de tous et la reconstruction des filières..." conclut O. Maulini.


Réagissant aux propos, Christine Felix invite à préciser davantage les différents types de difficultés auxquelles les élèves sont confrontés, mais aussi celles des enseignants. "Si élèves et enseignants sont chacun dans la classe, ils ne sont pas confrontés aux mêmes registres de problèmes". Elle questionne l'a-priori positif des auteurs sur "l'efficacité de l'aide inclusive" par rapport aux aides extérieures.


Valérie Vincent interroge l'idée-même de la différenciation, en observant des séances d'enseignement de l'histoire. Elle s'appuie sur les travaux de Jacques Bernardin (Comment les élèves entrent dans la culture écrite) pour comprendre le rapport au savoir des enseignants. Elle veut mieux comprendre comment il influence les pratiques de l'enseignement, en cherchant s'il est possible de "vivre le savoir comme une aventure humaine" pour donner sens et chair à ce qu'il y a à apprendre, et faire comprendre aux élèves que les savoirs ont une histoire. Lorsque elle voit un enseignant qui lit aux élèves "La Guerre du Feu" en classe, elle observe qu'il rassemble les élèves autour d'un récit fondateur. Mais, précise la jeune chercheuse, "ça ne suffit pas pour opérer chez les élèves les rutures épistémologiques nécessaires", surtout s'il "décide lui-même de répondre aux questions qu'il pose dans des situations de cours magistral dialogué".  M.-P. Vannier réagit : "On peut toujours se demander ce qu'il aurait pu faire de mieux, mais ne faites-vous pas fi des contraintes et ressources disponibles pour l'enseignant ?"


Pascal Ponté, Serge Thomazet et Corinne Mérini observent, eux, les modalités de collaboration entre les enseignants dans l'organisation de l'aide. Dans le cadre d'une recherche réalisée pour la FNAME (fédération des "maîtres E", en France), ils observent comment la nouvelle circulaire sur l'aide individualisée réorganise le travail du maître E qui devient "maître-ressource" en matière de difficulté, pour ses colègues "ordinaires". Leur métier est donc questionné, le temps réorganisé : il faut articuler les emplois du temps des uns et des autres, les contraintes des programmes et le temps de l'enfant. Il faut "construire des histoires communes dans le but de remettre ensemble l'élève au travail", confronter les approches epistémiques des uns et des autres. "L'idée que le maître E doive collaborer avec l'enseignant est au coeur du métier depuis 1990", précise  C. Pierrisnard, même si la "sédentarisation" va sans doute renforcer les sollicitations. Serge Thomazet intervient dans la discussion : "Mais on ne peut décider que le maître E devienne conseiller pédagogique sans qu'il n'en n'ait ni l'autorité, ni la formation, ni la reconnaissance. Cette tension ne se résoud pas dans un compromis, mais dans une difficile conjugaison : aider un enseignant peut passer par la visibilité qu'on donne au type d'aide à l'élève qu'on organise dans et hors la classe".



Comment les enseignants en formation se représentent-ils les difficultés des élèves ? Questionnés par Sandrine Breithaupt,  enseignante à l'école des Hautes Etudes Professionnelle vaudoise, les jeunes enseignants citent d'abord les problèmes de comportement et de motivation, puis de "pré-requis" ou d'habilété cognitives défaillantes. Ils s'intéressent aux symptômes plus qu'à l'origine des difficultés, et s'impliquent peu dans le problème. Les pistes d'action qu'ils proposent dont donc davantage tournées vers des structures exernes que vers l'intérieur de la classe. Cela interroge, dit-elle, la capacité des formateurs à les outiller sur les types de difficultés rencontrées par les élèves, sans attendre une "bascule implicite" des conceptions des formés. Carole Boudreau retrouve la réalité québécoise dans ces propos, et se demande ce qu'il est raisonnable d'attendre des étudiants en formation initiale. "Qui a besoin d'aide, les élèves ou les enseignants débutants ? Ne peuvent-ils aussi avoir des difficultés dans la maîtrise des contenus disciplinaires ? A force de multiplier les dispositifs extérieurs ou les intervenants spécialisés, les enseignants se questionnent-ils assez sur ce qu'ils pourraient faire dans la classe pour les élèves ? Font-il le lien avec les théories qu'on leur enseigne et la pratique de classe"

Devant la tournure prise par la discussion, qui égrène la longue liste de ce que ne font pas les enseignants débutants,  Patrice Bourdon réagit : " Au lieu de disserter sur ce qu'il ne font pas, ne pourrait-on pas passer plus de temps à tenter de comprendre ce qu'ils font, et pourquoi ils le font, comme ils le peuvent ? Cela ne pourrait-il pas nous aider à pouvoir mieux les accompagner ?" La salle rebondit : "sans cadre collectif pour le travail des enseignants sur ces questions, comment voulez-vous que les choses avancent ? Il ne suffit pas de prescrire !"

progin


Laetitia Progin met entre parenthèses la discussion avec la présentation de sa recherche sur l'influence des directeurs sur le travail des enseignants, et l'émergence du "leadership" présumé favorable à l'efficacité de l'enseignement dans les écoles. Pourtant, on sait que les chefs d'établissements vont peu dans les classes, qu'ils sont très absorbés par le travail administratif. Dans l'enquête réalisée, elle décrypte que derrière les discours généreux, la diversité des conceptions est grande : certains valorisent le changement dans le travail en classe, d'autres les dispositifs extérieurs. D'ailleurs, si certains redoutent de s'investir dans le leadership pédagogique, d'autres y voient une valorisation de leur mission de directeur, même s'ils doivent pour cela se confronter à des épreuves relationnelles redoutables, notamment dans la fonction d'interface entre les injonctions du haut et la complexité du métier réel. Réagissant, C. Mérini veut revenir aux enjeux plus globaux du symposium : "il existe une chaine organisationnelle des différents métiers (enseignants, réseaux d'aide, directeurs, personnels municipaux...) qu'il faut prendre en compte pour comprendre ce qui est en jeu dans l'organisation de l'aide". Il faut donc, pour elle, s'interroger sur les conditions de mise en collaboration des différents métiers, sans en rester à des discours prescriptifs.

Tension, articulation, ajustement, indentification, évolution, collaboration... Patrice Bourdon reprend les mots de la matinée comme autant de pointés, de leviers à manipuler. Pause. 


SerresActe 2. 13h30, ça reprend. Guillaume Serres (Clermont) est à la baguette de la seconde ligne droite. Il revient sur sa vision des discussions du matin : "Ce qui est flagrant, ce sont les différents niveaux d'analyse des communications présentées ici, que nous pouvons tenter de regrouper pour reproblématiser la question des difficultés. Organisation du travail, pratiques enseignantes,  conceptions des difficultés des élèves ou des difficultés du métier d'enseignant peuvent être inerrogés par les uns ou les autres. La diversité des approches scientifiques (ergonomie ou didactique notamment) peuvent être autant de focales pour regarder une part de l'activité". Il pointe la question de l'activité de l'élève, dont parfois les travaux de recherche ne disent pas grand chose. "Comment décrire précisément l'activité réelle déployée par les élèves pour mieux en comprendre les ressorts ? Pour cela, il est sans doute aussi nécessaire d'interroger dans le détail les conceptions sur les apprentissages qui sous-tendent nos analyses"...


Christine Perrisnard  et Marie-Paule Vannier  s'intéressent aux pratiques "ordinaires" et aux pratiques "spécialisées" des maîtres E dans l'aide aux élèves. Elles ont construit une équipe de recherche pluricatégorielle, incluant même des inspecteurs. Grâce à des textes produits par les membres du groupe,  les chercheurs estiment pouvoir mesurer l'état de conceptualisation des membres, et dégager des spécificités de l'aide spécialisée, telles que la pensent les maîtres E : "prendre le temps de la préparation à l'activité, prendre le temps des interactions en petits groupes, laisser le temps pour la réflexion de chacun à son rythme...". Toutes choses qui, selon eux, n'est que peu accessible aux enseignants ordinaires. CQFD.  Evidemment, la circulaire de 2009 invite le groupe à se pencher sur l'articulation du travail avec les enseignants chargés de classe ou l'aide aux devoirs, notamment les PPRE. L'occasion d'y confronter les discours  et les représentations des uns et des autres ?

Isabelle Nédélec poursuit sur cette thématique de la collaboration. Elle décortique un dispositif d’aide dispensé par un maître spécialisé en coopération avec un maître ordinaire, en mathématiques, dans une classe de CE2, deux heures par semaine, pendant douze semaines.  Les enseignants cherchent ainsi à éviter la "fragmentation du temps des apprentissages", en co-élaborant et en co-animant les séances. Le maître E qui intervient dans la classe travaille soit à reprendre des notions vues en classe, soit à de nouveaux apprentissages en bénéficiant d'un accompagnement particulier. Pour elle, cette "migration spécifique dans la classe de nouvelles manières de faire par l'enseignant spécialisé profite non seulement aux élèves, mais aussi à l'enseignant chargé de la classe qui peut ainsi percevoir de nouvelles manières de travailler les difficultés scolaires.

therySerge Thomazet réagit : "une question qui me semble cruciale (et ancienne) est ce que fait l'enseignant pendant que certains de ces élèves ne sont pas dans la classe". Il souligne que la situation de l'école observée peut être atypique par rapport à ce qu'est l'ordinaire des écoles : le contenu des aides proposées dans les regroupement d'adaptation par le maître E peut souvent être discuté, notamment lorsqu'il entend travailler des savoirs en réduisant tellement la complexité de la situation qu'il prend le risque de ne pas être très opératoire..." Mais il retient l'idée que les connaissances issues des connaissances professionnelles du maître E puissent "diffuser" sur les enseignants.


theryAide personnalisée et aide ordinaire : quel degré de parenté ?  C'est une des questions de recherche de Corinne Marlot et Marie Toullec-Thery, cherchant à évaluer l'efficacité des pratiques d'aide et la compréhension des choix des enseignants. Ainsi, selon elles, l'aide en classe repose souvent sur une simplification des objets et des situations didactiques, cherchant plus à répondre à la question posée qu'à comprendre ce qui est en jeu. De même, les professeurs sont surtout concentrés sur "l'avancée collective du temps didactique" (l'avancée des objets de savoir sur l'axe du temps). Elles présentent deux situations contrastées : certains enseignants aménagent le milieu ou focalisent sur les progrès des élèves, d'autres simplifient la tâche ou se concentrent sur son exécution, en éclatant les tâches par rapport à la complexité des problèmes à régler. Dans ce cas, elles concluent que la "reconnexion" avec les objets de savoir ne se fait pas. C'est sans doute le signe que les représentations de ces enseignants placent l'origine de la difficulté sur le plan du comportement. Sans vouloir caractériser les "bonnes" et les "mauvaises" pratiques,  elles considèrent que la centration de la tâche sur des "procédures de bas niveau" nuit à l'efficacité. La "posture surplombante" est pour elles trop guidantes, trop verticales. "C'est l'effet Jourdain, on fait comme s'il y avait du savoir produit, mais on reste sur des leurres". Frédéric Saujat

confronte cette approche à son propre cadre théorique : "l'activité réelle" de l'enseignant ne peut pas se réduire à son action didactique. Les pratiques sont toujours multi-finalisées, avec des micro-décisions et compromis à faire en tension.  "Nous avons tout intérêt à travailler ces questions sans concession entre nous, et à confronter les conceptions (l'epistémologie pratique, diriez-vous) des chercheurs sur les apprentissages, comme l'indique ce que vous dites sur la place des procédures de bas niveau dans les apprentissages. Le travail technique, la place de la répétition ou de l'enseignement explicite méritent pour le moins discussion. Les chercheurs ne sont pas moins que d'autres porteurs de valeurs et de conceptions que les enseignants." Les oratrices acquièscent sur l'importance des automatisations dans les apprentisages, mais souligne l'importance de ne pas faire disparaitre, dans les situations d'aide, les enjeux d'apprentissage derrière les tâches scolaires. "Il ne suffit pas de mettre les élèves en petit groupe pour qu'ils apprennent !"


Pier Carlo Bocchi présente son travail sur les "formes de régulation de l'activité des élèves", qu'elles soient en régulation courte (sur les règles d'action pour réussir la tâche) ou longue (sur le fond de ce qu'il y a à comprendre), selon la théorie des schèmes Vergnaud. Lorsque des élèves cherchent à comprendre des mots dans un texte,  l'enseignant peut donner des aides aux deux niveaux, qui orientent l'activité de l'élève soit vers le "réussir" soit vers le "comprendre". Il constate d'importants écarts dans la répartition des différentes aides, selon les enseignants qu'il observe, sans que les enseignants en aient conscience. "Cette dynamique échappe à la volonté, et peut avoir des conséquences sur les discriminations et accroitre les inégalités de départ entre élèves", en rendant plus difficile leur lecture du "contrat didactique" proposé par l'enseignant, et plus difficile le chemin pour comprendre ce qu'il y a à apprendre, et pas seulement ce que demandent leurs enseignants.

maulini

Christine Felix conclut les présentations. Présentant le "mille-feuille" des dispositifs d'aide et de prise en charge de la difficulté, elle souligne l'hétérogénéité des temps, des contenus et des lieux. Quelle lisibilité, tant pour les concepteurs que pour les usagers que sont les élèves en difficulté, passant d'un milieu à l'autre au risque de diluer le coeur du travail. Pour les enseignants aussi, quel travail produire dans ces différentes situations, et quand ils "récupèrent" le travail réalisé dans d'autres dispositifs ? Quels légitimités pour les savoirs construits avec un aide-éducateur ou un animateur que quartier ? Etudier comment ces prescriptions sont mises en oeuvre dans les différents lieux sont en soi un objet d'étude ! Son propos se centre sur l'enseignement comme un travail : "ce que ça demande de faire, de faire ce qu'on nous demande de faire, dans les conditions où on doit le faire...". Pour accéder à l'activité des enseignants, elle s'appuie sur une co-construction : le professionnel n'est pas l'observé, mais le co-observateur de sa propre activité. 
Pour ce faire, on filme le travail et on organise avec les professionnels eux-mêmes l'analyse de leur activité. Concernant l'aide, ce croisement de différents "milieux" peut "développer de nouvelles formes d'activité" à la condition que les collectifs permettent d'organiser les controverses nécessaires sur les différentes "manières de faire" pour permettre à chacun de trouver des nouvelels ressources professionnelles inscrites dans le métier.

mauliniOlivier Maulini voit dans l'empilement des dispositifs la preuve que les ministres successifs cherchent plus à "marquer l'opinion" par des affichages qu'à donner aux enseignants et aux formateurs la responsabilité de trouver les meilleures voies pour résoudre les problèmes professionnels auxquels ils doivent s'attaquer. Le risque de l'isolement des enseignants dans la jungle des prescriptions lui semble au moins aussi signifiante que l'inquiétude des élèves devant celle des dispositifs... "

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