Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
Autres blogs
Il n'y a aucun élément dans la liste.
Aref2010 > Catégories
Recherche et formation, l'Arlésienne ?
intro
Ouvrant la table-ronde, Richard Wittorski pose la longue liste des questions vives et récurrentes du lien entre la recherche, la formation et les milieux professionnels. Quelles attentes, quelle commandes ? Quels usages de la recherche par les milieux professionnels ?
amade-escot
Chantal Amade-Escot
, didacticienne de l'EPS, professeur à Toulouse le Mirail, cite la longue histoire de l'étude des rapports entre les recherches en didactique et les pratiques enseignantes. Mais le développement de "recherches contextualisées" produisant des alliances entre les deux reste problématique. La didactique est parfois vue comme très prescriptive, théorisante sans prise avec les pratiques. Se pose, pour elle, la question de la "reproblématisation" des savoirs de la recherche par les professionnels. Elle interroge donc la "normativité" (les bonnes raisons de faire ce qu'on fait) des milieux de la formation, de l'inspection, chacun avec ses attentes et ses modes d'évaluation de "ce qui vaut". Mais les normes professionnelles sont souvent floues, peu explicitées ni controversées. Ainsi, les conflits sont nombreux entre les différents milieux, avec la "surprescription" de ce qu'il faut faire, et la"sous-prescription" de comment le faire, pour reprendre les mots de l'équipe de recherche ERGAPE. Par exemple, la prescription d'individualisation de l'enseignement, actuellement forte dans les programmes, est critiquée par les savoirs de plusieurs courant de recherche. "Certaines normes didactiques recommandent de "faire produire le savoir par les élèves" au nom d'une norme socio-constructiviste, mais dans la pratique, le retrait du professeur inquiet d'intervenir n'aide pas les élèves à progresser. 

Alors, est-il possible de rapprocher les milieux ? Sans doute en inventant des "cadres coopératifs" entre recherche et enseignement. Elle cite  les premiers chantiers en didactique de l'EPS à l'INRP il y a 30 ans, construisant les "ingenieries coopératives" utiles à l'avancée des pratiques, permettant de comprendre pourquoi enseignants et élèves font ce qu'ils font. "C'est une source de développement et pour le chercheur et pour le praticien".
dolz
Jean Pierre Jurmand, formateur des éducateurs PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) pour le ministère de la Justice,  constate des évolutions législatives fortes sur les politiques de prévention, qui sont autant de défis pour les éducateurs sur le terrain, remis en cause dans leurs pratiques professionnelles. Il doute que la recherche soit en capacité de répondre aux questions auxquelles la formation "presse de répondre", surtout dans des organisations aussi centralisées. On commande une recherche pour avoir des réponses qui permettent de formater la formation. "Il faut nous écarter de cette vision idéale d'une recherche qui éclairerait les savoirs professionnels, car les recommandations de bonnes pratiques sont peu efficaces". Il appelle, comme l'oratrice précédente, à des "collaborations" respectueuses.

Jean-Marie Barbier,
professeur au CNAM se définit comme "chercheur en formation des adultes". Pour lui, la formation se réfère à des activités, et non à des savoirs. Inutile de demander à la recherche, dit-il, si son travail est utile. C'est à la "maîtrise d'ouvrage" de le décider. Dans une situation de formation, les formés ne formulent pas des questions de recherche, mais des questions professionnelles : comment réussir ce qu'on n'arrive pas à faire ? comment répondre à la demande de l'encadrement et de la prescription ? Les outils d'analyse produits par son équipe "peuvent servir" à analyser l'activité professionnelle, dans ses transformations. L'émergence des différents courants d'analyse du travail dans la recherche en témoigne. "Mais ce n'est pas directement le travail traditionnel des sciences de l'éducation", qui doivent selon Barbier s'ouvrir à ces nouveaux courants pour enrichir leur palette explicative. Parce que travailler à partir de l'expérience des acteurs fait prendre un autre point de vue pour la recherche et la formation. A condition qu'on soit capable de "ne pas en rester aux mots explicatifs des chercheurs",  afin que les "construits de la recherche" ne deviennent pas naturalisés, qu'on garde centrale la compréhension du point de vue des acteurs, la signification qu'ils donnent à leurs actes, sans vouloir parler et expliquer à leur place. "Bref, parler modestement du point de vue du chercheur sur le point de vue de l'acteur" : ce n'est pas le rôle du chercheur de définir ce que sont les compétences professionnelles, même s'il peut donner une définition scientifique de la notion de compétence. Savoir n'est pas connaissance : un savoir porte des attributions sociales de valeur, mais pas de valeur en soi. Au contraire, les connaissances sont des catégories mentales qui changent sans arrêt, qui sont à la fois en amont et en aval des savoirs. La formation doit en tenir compte".

dolzDominique Vandroz, de l'ANAT (Agence Nationale pour l'Amélioration des conditions de travail, en France), a formé des inspecteurs du travail, des cadres de la fonction publique... "Souvent, nous butions sur les différentes fonctions qu'on pouvait demander à ces métiers, et aussi sur l'écart entre les contenus de formation et ce que vivaient les stagiaires sur les lieux d'alternance, en situation. Fréquemment, il a constaté que les formateurs étaient d'abord de bons professionnels, répérés pour celà, qui n'avaient pas forcément de compétences de formateurs. "C'est à ce moment là qu'on fait appel à la recherche, pour comprendre pourquoi les modèles de formation ne fonctionnent pas bien. Les connaissances des institutions, y compris de formation, sur la professionnalisation, sont faibles." Ces situations sont souvent conflictuelles, y compris avec les organisations syndicales et les logiques qui cherchent à impliquer l'ensemble des acteurs : la formation est parfois suspectée d'être au service de la direction... "Mais quand l'expérience est positive, quand on travaille dans le sens précisé par Jean-Marie Barbier dans l'intervention précédente, on ne parle plus jamais de la même façon de la formation dans les commissions paritaires". Même si le rapport de recherche livré pour répondre au cahier des charges risque de ne servir qu'à caler une armoire, si on ne prend pas garde que les professionnels eux-mêmes aient été capables de mettre des mots sur les expériences...