16/09/2010
Evaluation
Le symposium va discuter la notion de compétences en
éducation. Attention, risque de turbulence.
Nathalie Younès
(Clermont) essaie de comprendre comment la prescription de
l'évaluation par compétences se met en oeuvre
dans un collège "ordinaire", sans formation ni
accompagnement particulier, comme c'est
généralement le cas. Elle met sous sa loupe les
pratiques d'enseignants en matière d'évaluation
des compétences rédactionnelles, dans un
établissement dont les élèves
eux-mêmes jugent que l'ambiance n'est pas au travail soutenu.
Lorsqu'elle interroge les enseignants sur le sens qu'ils donnent
à l'évaluation, ils sont relativement peu
satisfaits de leurs pratiques, un peu coincés entre la
volonté de ne pas stigmatiser les
élèves en difficultés et de continuer
à pouvoir étalonner le niveau des uns et des
autres. Les élèves sont plus directs : pour eux,
la note de la copie, c'est l'attribution de valeur et de rang dans la
classe. Il faut dire que nombre d'entre eux ne voient pas
forcément non plus à quoi leur sert d'apprendre
à produire des textes, si ce n'est pour rédiger
une lettre de motivation... Selon ses observations, N.
Younès considère que chaque enseignant bricole
ses pratiques d'évaluations sans en être
très content, mais sans que ce soit un objet
d'échanges collectifs. Peut-on pratiquer une
"évaluation encourageante" sans être
considéré comme un prof laxiste par ses pairs et
par les élèves ? Comment ne pas passer trop de
temps à réaliser des évaluations dont
on n'est même pas sûr qu'elles changent quoi que ce
soit ? Dans un contexte social où
élèves et familles semblent surtout chercher dans
les notes un moyen de "passer" dans les bonnes filières, de
décrocher les diplômes ou d'obtenir des places,
rien qui semble susceptible de susciter des
évolutions dans les pratiques et représentations
des uns et des autres...
Dans l'approche formative de l'évaluation, on
s'intéresse beaucoup aux feedbacks, aux
régulations faites par les enseignants, mais aussi aux
diverses régulations qui traversent la classe, qui ont des
effets sur les comportements et l'activité cognitive des
élèves. C'est l'objet de recherche Lucie de Motier-Lopez
(Genève).
Une question habituelle posée à
l'évaluation formative est aussi l'articulation entre les
"situations complexes" et les "tâches spécifiques".
Travaillant avec des élèves de 8 à 12
ans, elle filme des leçons de maths, et demande aux
enseignants de sélectionner le passage qui leur semble
pouvoir illustrer une situation d'évaluation formative, puis
co-analyse avec eux ce qu'on peut en penser. Ce travail permet au
groupe de tirer de conclusions sur les "manières de faire "
qu'ils jugent pertinentes. Lorsqu'il est sollicité par les
élèves qui n'arrivent pas à faire ce
qu'on leur demande, l'enseignant passe du temps à
écouter l'explicitation de ce qu'il a fait, des
procédures qu'il a utilisées, afin de mesurer ce
qu'il a fait pour arriver à ce résultat. Lorsque
ces explicitations ne semblent pas satisfaisante, l'enseignant fait
alors des choix explicatifs : expliquer une procédure
particulière, revenir à
l'énoncé ou sur le sens du problème,
décomplexifier la tâche, rappeler des
connaissances qui peuvent faire ressource... L'enseignant doit donc
mobiliser des compétences professionnelles pour pouvoir
anticiper, ajuster, évaluer à la
volée, cadrer, identifier les obstacles, penser la
progression des apprentissages à la fois dans des
temporalités courtes et des progressions longues... Une
longue liste qui amènera de l'eau au moulin de ceux qui
pensent qu'enseigner est un métier qui s'apprend, nombreux
dans les travées de l'AREF...
La réflexivité est-elle une garantie
d'acquisition de compétences et de capacité de
transfert ? C'est en tout cas ce que prônent les adeptes des
compétences lorsqu'ils définissent le mot comme
la capacité à "transférer" un
apprentissage d'une situation à l'autre. Lorsqu'il interroge
des adultes, en entreprise ou à l'université, il
constate que tous sont loin d'avoir le même point de vue sur
la "similarité" éventuelle de deux situations. Florent Chenu est
donc aller voir du côté des analyses de la didactique
professionnelle
pour comprendre ce qui fait que deux situations pourraient avoir des
similarités. Il rencontre donc un nouveau groupe de
professionnels avec qui il réalise des entretiens
d'explicitations pour mesurer ce qu'ils peuvent dire de ce qu'ils font
en situation, des ressorts de leur activité.. Il constate
que pour une même opération, les raisonnements qui
les sous-tendent peuvent être très
différents, même quand la tâche est
réussie, et conclut en remettant en cause le
modèle de référence des "classes de
situation".
![chenu](../Photos/carette.jpg)
Comment les enseignants réagissent-ils au modèle
d'évaluation "en trois phases" mis au point par son groupe
de recherche ? se demande Vincent
Carette au début de son intervention. En effet,
beaucoup de monde parle des compétences, le terme envahit
l'espace sans qu'on soit en capacité de le discuter. Les
Etats veulent à la fois piloter le système en le
régulant par l'évaluation des
établissements, sous la prission des parents-clients, et
modifier les pratiques pédagogiques par les enseignants sur
la base de ces résultats. Or, on ne sait pas si la notion
d'efficacité en éducation se ramène
à ces injonctions : est-on réduit à
choisir entre enseignant dirigiste ou enseignant animateur ? entre
évaluation de procédure ou évaluation
formative ? entre "apprentissages de base" et démarche de
problème ? entre approche "scientifique" et enseignement
socio-constructiviste ?
Carette refuse de jeter les compétences avec l'eau du bain :
"on attache la notion de compétences. avec le
modèle du socio-constructiviste. Mais vouloir former des
élèves "compétents" ne signifie pas un
enseignement par compétence. Quelles que soient les
légitimes critiques contre les attaques libérales
contre l'école, je propose de rester modeste devant
l'ampleur de ce qui nous échappe. On ne peut pas
actuellement garantir qu'un type d'enseignement amène
nécessairement la construction de compétences.
Commençons par informer et former les enseignants
à développer leur capacité collective
à se poser les questions de l'efficacité de leurs
pratiques, plutôt que de prescrire la "bonne"
manière d'enseigner".
C'est pourquoi son équipe a proposé aux
enseignants belges un
outil basé sur une
évaluation en trois phases, dans laquelle on
cherche à évaluer d'abord
les compétences mobilisées par
l'élève sur une tâche
inédite (phase 1),
avant de proposer aux élèves une seconde phase :
la même tâche est découpée en
tâche élémentaires, avec des consignes
explicites, présentées dans l'ordre où
elles doivent être accomplies. Enfin, si
nécessaire, on évalue dans une
troisième phase la maîtrise des
procédures de base à utiliser dans les
différentes phases du problème à
réaliser.
Dans ce cas, les enseignants peuvent à la fois mieux
comprendre les référentiels, évaluer
leurs propres pratiques, réaliser un diagnostic sur les
compétences des élèves, et travailler
à comprendre "en situation" comment agir. Mais il pose des
limites qu'il a constatées lorsqu'il regarde les enseignants
contruire et utiliser ce genre d'épreuves : "cela nous prend
beaucoup de temps", le fait que les épreuves "papier-crayon"
ne permettent pas de "faire" (et donc de mesurer ce que les
élèves savent faire effectivement !). Mais la
"phase 2" (décomposition de la phase complexe) se fait
toujours selon une certains logique, dont on constate qu'elle "bloque"
certains enfants qui ne parviennent plus à avancer lorsqu'on
les contraint à passer par un cheminement de
pensée et d'action.
Prenant un exemple dans le second degré avec la correction
de dissertations en SES, Marc
Vantourout et Rémi Goasdoué focalisent
leur attention sur l'activité de l'évaluateur, et
des problèmes posés par la correction
à l'enseignant. Bien sûr, ils retrouvent les biais
qui influencent la notation. Ils postulent que lorsqu'ils
évaluent, les enseignants infèrent, à
partir de la production des élèves, sur ce qu'ils
ont compris du texte qu'ils ont lu, de leurs connaissances dans la
discipline d'enseignement, de leurs capacité de
raisonnement. Ils en concluent que les correcteurs pratiquant
l'évaluation par compétences relèvent
légèrement les notes des copies moyennes, sans
pour autant valoriser les copies considérées
comme "mauvaises". Leur grille de référence leur
sert sans doute de "garde-fou" : elle comorte des indicateurs, des
niveaux d'exigence et un barème. Mais même ceux
qui utilisent cette grille peuvent avoir une notation très
différente sur un critère particulier. C'est sans
doute parce que les "inférences" faites par les enseignants
sur les phrases de la copie ne sont pas toutes identiques : certains
concluent qu'une phrase définissant approximativement un
concept est le signe d'une ébauche de
compréhension, quand d'autres attendent une terminologie
précise pour valider l'attendu. Certains prennent
l'élève "au pied de la lettre" quand d'autres
infèrent que l'élève à
compris, malgré les formulations maladroites. Pas de magie
des outils, donc, et la professionnalité de l'enseignant ne
se résume pas à son appropriation d'une grille de
compétences. Bonne nouvelle, non ?
15/09/2010
individualisation ?
Un double symposium, c'est comme un symposium, mais plus long.
Toute la journée. Un truc pour accros. Celui-ci s'appelle
"Personnalisation et individualisation des parcours des
élèves".
Acte 1. Introduisant la journée, Patrice Bourdon
insiste sur les changements induits dans les métiers de
l’enseignement. « Institutionnaliser des parcours
d’aide personnalisée, par des enseignants
ordinaires ou des maîtres spécialisés,
voire des partenaires extérieures, dans ou hors du temps
scolaire : c’est la prescription grandissante des
institutions. Avec quels effets ? ».
![mauliniMunier](../Photos/maulini.jpg)
Olivier Maulini
et Cynthia Munier, de l'Université de
Genève, soulignent les tensions de l'Ecole, le conflit entre
l'interne et l'exerne de l'Ecole, la rupture des
continuités. Ils citent une directrice
d'école genevoise qui prend position devant l'empilement des
dispositifs : "Les enseignants s'occupent plus de les orienter vers les
bons casiers que de les garder dans les classes". Les constats de
l'étude qu'ils ont conduite montrent que les
évolutions des plans d'études genevois mettent
les enseignants en situation instable, tant les injonctions sont
multiples et diffuses. Suite à la votation populaire qui
s'est aussi prononcée pour le retour des notes et des
filères, et la fin des cycles, les
élèves identifiés en fin
d'année comme "en difficulté" sont
désignés pour des dispositifs
spécifique l'année suivante. "Mais les
mesures bureaucratiques, si elles rassurent, permettent-elles de ne pas
rendre les enseignants fous, entre l'injonction paradoxale de la
réussite de tous et la reconstruction des
filières..." conclut O. Maulini.
Réagissant aux propos, Christine
Felix invite à préciser davantage
les différents types de difficultés auxquelles
les élèves sont confrontés,
mais aussi celles des enseignants. "Si élèves et
enseignants sont chacun dans la classe, ils ne sont pas
confrontés aux mêmes registres de
problèmes". Elle questionne l'a-priori positif des auteurs
sur "l'efficacité de l'aide inclusive" par rapport
aux aides extérieures.
Valérie Vincent
interroge l'idée-même de la
différenciation, en observant des séances
d'enseignement de l'histoire. Elle s'appuie sur les travaux de Jacques
Bernardin (Comment les élèves entrent dans la
culture écrite) pour comprendre le rapport au
savoir des enseignants. Elle veut mieux comprendre comment il
influence les pratiques de l'enseignement, en cherchant s'il est
possible de "vivre le savoir comme une aventure humaine" pour donner
sens et chair à ce qu'il y a à apprendre, et
faire comprendre aux élèves que les savoirs ont
une histoire. Lorsque elle voit un enseignant qui lit aux
élèves "La Guerre du Feu" en classe, elle observe
qu'il rassemble les élèves autour d'un
récit fondateur. Mais, précise la jeune
chercheuse, "ça ne suffit pas pour opérer chez
les élèves les rutures
épistémologiques nécessaires", surtout
s'il "décide lui-même de répondre aux
questions qu'il pose dans des situations de cours magistral
dialogué". M.-P.
Vannier réagit : "On peut toujours se demander
ce qu'il aurait pu faire de mieux, mais ne faites-vous pas fi des
contraintes et ressources disponibles pour l'enseignant ?"
Pascal Ponté,
Serge Thomazet et Corinne Mérini observent,
eux, les modalités de collaboration entre les enseignants
dans l'organisation de l'aide. Dans le cadre d'une recherche
réalisée pour la FNAME
(fédération des "maîtres E", en
France), ils observent comment la nouvelle circulaire sur l'aide
individualisée réorganise le travail du
maître E qui devient "maître-ressource" en
matière de difficulté, pour ses
colègues "ordinaires". Leur métier est donc
questionné, le temps réorganisé : il
faut articuler les emplois du temps des uns et des autres, les
contraintes des programmes et le temps de l'enfant. Il faut "construire
des histoires communes dans le but de remettre ensemble
l'élève au travail", confronter les approches
epistémiques des uns et des autres. "L'idée que
le maître E doive collaborer avec l'enseignant est au coeur
du métier depuis 1990", précise C. Pierrisnard,
même si la "sédentarisation" va sans doute
renforcer les sollicitations.
Serge Thomazet intervient dans la discussion : "Mais on ne
peut décider que le maître E devienne conseiller
pédagogique sans qu'il n'en n'ait ni l'autorité,
ni la formation, ni la reconnaissance. Cette tension ne se
résoud pas dans un compromis, mais dans une difficile
conjugaison : aider un enseignant peut passer par la
visibilité qu'on donne au type d'aide à
l'élève qu'on organise dans et hors la classe".
Comment les enseignants en formation se représentent-ils les
difficultés des élèves ?
Questionnés par Sandrine Breithaupt,
enseignante à l'école des Hautes Etudes
Professionnelle vaudoise, les jeunes enseignants citent d'abord les
problèmes de comportement et de motivation, puis de
"pré-requis" ou d'habilété cognitives
défaillantes. Ils s'intéressent aux
symptômes plus qu'à l'origine des
difficultés, et s'impliquent peu dans le
problème. Les pistes d'action qu'ils proposent dont donc
davantage tournées vers des structures exernes que vers
l'intérieur de la classe. Cela interroge, dit-elle, la
capacité des formateurs à les outiller sur les
types de difficultés rencontrées par les
élèves, sans attendre une "bascule implicite" des
conceptions des formés. Carole
Boudreau retrouve la réalité
québécoise dans ces propos, et se demande ce
qu'il est raisonnable d'attendre des étudiants en formation
initiale. "Qui a besoin d'aide, les élèves ou les
enseignants débutants ? Ne peuvent-ils aussi avoir des
difficultés dans la maîtrise des contenus
disciplinaires ? A force de multiplier les dispositifs
extérieurs ou les intervenants
spécialisés, les enseignants se questionnent-ils
assez sur ce qu'ils pourraient faire dans la classe pour les
élèves ? Font-il le lien avec les
théories qu'on leur enseigne et la pratique de classe"
Devant la tournure prise par la discussion, qui
égrène la longue liste de ce que ne font pas les
enseignants débutants, Patrice Bourdon
réagit : " Au lieu de disserter sur ce qu'il ne font pas, ne
pourrait-on pas passer plus de temps à tenter de comprendre
ce qu'ils font, et pourquoi ils le font, comme ils le peuvent ? Cela ne
pourrait-il pas nous aider à pouvoir mieux les accompagner
?" La salle rebondit : "sans cadre collectif pour le travail des
enseignants sur ces questions, comment voulez-vous que les choses
avancent ? Il ne suffit pas de prescrire !"
![progin](../Photos/progin.jpg)
Laetitia Progin
met entre parenthèses la discussion avec la
présentation de sa recherche sur l'influence des
directeurs sur le travail des enseignants, et l'émergence du
"leadership" présumé favorable à
l'efficacité de l'enseignement dans les écoles.
Pourtant, on sait que les chefs d'établissements vont peu
dans les classes, qu'ils sont très absorbés par
le travail administratif. Dans l'enquête
réalisée, elle décrypte que
derrière les discours généreux, la
diversité des conceptions est grande : certains valorisent
le changement dans le travail en classe, d'autres les dispositifs
extérieurs. D'ailleurs, si certains redoutent de s'investir
dans le leadership pédagogique, d'autres y voient une
valorisation de leur mission de directeur, même s'ils doivent
pour cela se confronter à des épreuves
relationnelles redoutables, notamment dans la fonction d'interface
entre les injonctions du haut et la complexité du
métier réel. Réagissant, C. Mérini
veut revenir aux enjeux plus globaux du symposium : "il existe une
chaine organisationnelle des différents métiers
(enseignants, réseaux d'aide, directeurs, personnels
municipaux...) qu'il faut prendre en compte pour comprendre ce qui est
en jeu dans l'organisation de l'aide". Il faut donc, pour elle,
s'interroger sur les conditions de mise en collaboration des
différents métiers, sans en rester à
des discours prescriptifs.
Tension, articulation, ajustement, indentification,
évolution, collaboration... Patrice Bourdon reprend les mots
de la matinée comme autant de pointés, de leviers
à manipuler. Pause.
Acte 2. 13h30, ça
reprend. Guillaume Serres
(Clermont) est à la baguette de la seconde ligne droite. Il
revient sur sa vision des discussions du matin : "Ce qui est flagrant,
ce sont les différents niveaux d'analyse des communications
présentées ici, que nous pouvons tenter de
regrouper pour reproblématiser la question des
difficultés. Organisation du travail, pratiques
enseignantes, conceptions des difficultés des
élèves ou des difficultés du
métier d'enseignant peuvent être
inerrogés par les uns ou les autres. La diversité
des approches scientifiques (ergonomie ou didactique notamment) peuvent
être autant de focales pour regarder une part de
l'activité". Il pointe la question de l'activité
de l'élève, dont parfois les travaux de recherche
ne disent pas grand chose. "Comment décrire
précisément l'activité
réelle déployée par les
élèves pour mieux en comprendre les ressorts ?
Pour cela, il est sans doute aussi nécessaire d'interroger
dans le détail les conceptions sur les apprentissages qui
sous-tendent nos analyses"...
Christine Perrisnard
et Marie-Paule Vannier
s'intéressent aux pratiques "ordinaires" et aux
pratiques "spécialisées" des maîtres E
dans l'aide aux élèves. Elles ont construit une
équipe de recherche pluricatégorielle, incluant
même des inspecteurs. Grâce à des textes
produits par les membres du groupe, les chercheurs estiment
pouvoir mesurer l'état de conceptualisation des membres, et
dégager des spécificités de l'aide
spécialisée, telles que la pensent les
maîtres E : "prendre le temps de la préparation
à l'activité, prendre le temps des interactions
en petits groupes, laisser le temps pour la réflexion de
chacun à son rythme...". Toutes choses qui, selon eux, n'est
que peu accessible aux enseignants ordinaires. CQFD.
Evidemment, la circulaire de 2009 invite le groupe à se
pencher sur l'articulation du travail avec les enseignants
chargés de classe ou l'aide aux devoirs, notamment les PPRE.
L'occasion d'y confronter les discours et les
représentations des uns et des autres ?
Isabelle
Nédélec poursuit sur cette
thématique de la collaboration. Elle
décortique un dispositif d’aide
dispensé par un maître
spécialisé en coopération avec un
maître ordinaire, en mathématiques, dans une
classe de CE2, deux heures par semaine, pendant douze semaines.
Les enseignants cherchent ainsi à
éviter la "fragmentation du temps des apprentissages", en
co-élaborant et en co-animant les séances. Le
maître E qui intervient dans la classe travaille soit
à reprendre des notions vues en classe, soit à de
nouveaux apprentissages en bénéficiant d'un
accompagnement particulier. Pour elle, cette "migration
spécifique dans la classe de nouvelles manières
de faire par l'enseignant spécialisé profite non
seulement aux élèves, mais aussi à
l'enseignant chargé de la classe qui peut ainsi percevoir de
nouvelles manières de travailler les difficultés
scolaires.
Serge Thomazet
réagit : "une question qui me semble cruciale (et ancienne)
est ce que fait l'enseignant pendant que certains de ces
élèves ne sont pas dans la classe". Il souligne
que la situation de l'école observée peut
être atypique par rapport à ce qu'est l'ordinaire
des écoles : le contenu des aides proposées dans
les regroupement d'adaptation par le maître E peut souvent
être discuté, notamment lorsqu'il entend
travailler des savoirs en réduisant tellement la
complexité de la situation qu'il prend le risque de ne pas
être très opératoire..." Mais il
retient l'idée que les connaissances issues des
connaissances professionnelles du maître E puissent
"diffuser" sur les enseignants.
Aide personnalisée
et aide ordinaire : quel degré de parenté
? C'est une des questions de recherche de Corinne Marlot et Marie
Toullec-Thery, cherchant à évaluer
l'efficacité des pratiques d'aide et la
compréhension des choix des enseignants. Ainsi, selon elles,
l'aide en classe repose souvent sur une simplification des objets et
des situations didactiques, cherchant plus à
répondre à la question posée
qu'à comprendre ce qui est en jeu. De même, les
professeurs sont surtout concentrés sur
"l'avancée collective du temps didactique"
(l'avancée des objets de savoir sur l'axe du temps). Elles
présentent deux situations contrastées : certains
enseignants aménagent le milieu ou focalisent sur les
progrès des élèves, d'autres
simplifient la tâche ou se concentrent sur son
exécution, en éclatant les tâches par
rapport à la complexité des problèmes
à régler. Dans ce cas, elles concluent que la
"reconnexion" avec les objets de savoir ne se fait pas. C'est sans
doute le signe que les représentations de ces enseignants
placent l'origine de la difficulté sur le plan du
comportement. Sans vouloir caractériser les "bonnes" et les
"mauvaises" pratiques, elles considèrent que la
centration de la tâche sur des "procédures de bas
niveau" nuit à l'efficacité. La "posture
surplombante" est pour elles trop guidantes, trop verticales. "C'est
l'effet Jourdain, on fait comme s'il y avait du savoir produit, mais on
reste sur des leurres". Frédéric
Saujat
confronte cette approche à son propre cadre
théorique : "l'activité réelle" de
l'enseignant ne peut pas se réduire à son action
didactique. Les pratiques sont toujours multi-finalisées,
avec des micro-décisions et compromis à faire en
tension. "Nous avons tout intérêt
à travailler ces questions sans concession entre nous, et
à confronter les conceptions (l'epistémologie
pratique, diriez-vous) des chercheurs sur les apprentissages, comme
l'indique ce que vous dites sur la place des procédures de
bas niveau dans les apprentissages. Le travail technique, la place de
la répétition ou de l'enseignement explicite
méritent pour le moins discussion. Les chercheurs ne sont
pas moins que d'autres porteurs de valeurs et de conceptions que les
enseignants." Les oratrices acquièscent sur l'importance des
automatisations dans les apprentisages, mais souligne l'importance de
ne pas faire disparaitre, dans les situations d'aide, les enjeux
d'apprentissage derrière les tâches scolaires. "Il
ne suffit pas de mettre les élèves en petit
groupe pour qu'ils apprennent !"
Pier Carlo Bocchi présente
son travail sur les "formes de régulation de
l'activité des élèves", qu'elles
soient en régulation courte (sur les règles
d'action pour réussir la tâche) ou longue (sur le
fond de ce qu'il y a à comprendre), selon la
théorie des schèmes Vergnaud. Lorsque des
élèves cherchent à comprendre des mots
dans un texte, l'enseignant peut donner des aides aux deux
niveaux, qui orientent l'activité de
l'élève soit vers le "réussir" soit
vers le "comprendre". Il constate d'importants écarts dans
la répartition des différentes aides, selon les
enseignants qu'il observe, sans que les enseignants en aient
conscience. "Cette dynamique échappe à la
volonté, et peut avoir des conséquences sur les
discriminations et accroitre les inégalités de
départ entre élèves", en rendant plus
difficile leur lecture du "contrat didactique" proposé par
l'enseignant, et plus difficile le chemin pour comprendre ce qu'il y a
à apprendre, et pas seulement ce que demandent leurs
enseignants.
![maulini](../Photos/felix.jpg)
Christine Felix conclut
les présentations. Présentant le "mille-feuille"
des dispositifs d'aide et de prise en charge de la
difficulté, elle souligne
l'hétérogénéité
des temps, des contenus et des lieux. Quelle lisibilité,
tant pour les concepteurs que pour les usagers que sont les
élèves en difficulté, passant d'un
milieu à l'autre au risque de diluer le coeur du travail.
Pour les enseignants aussi, quel travail produire dans ces
différentes situations, et quand ils
"récupèrent" le travail
réalisé dans d'autres dispositifs ? Quels
légitimités pour les savoirs construits avec un
aide-éducateur ou un animateur que quartier ? Etudier
comment ces prescriptions sont mises en oeuvre dans les
différents lieux sont en soi un objet d'étude !
Son propos se centre sur l'enseignement comme un travail : "ce que
ça demande de faire, de faire ce qu'on nous demande de
faire, dans les conditions où on doit le faire...". Pour
accéder à l'activité des enseignants,
elle s'appuie sur une co-construction : le professionnel n'est pas
l'observé, mais le co-observateur de sa propre
activité.
Pour ce faire, on filme le travail et on organise avec les
professionnels eux-mêmes l'analyse de leur
activité. Concernant l'aide, ce croisement de
différents "milieux" peut "développer de
nouvelles formes d'activité" à la condition que
les collectifs permettent d'organiser les controverses
nécessaires sur les différentes
"manières de faire" pour permettre à chacun de
trouver des nouvelels ressources professionnelles inscrites dans le
métier.
Olivier Maulini voit
dans l'empilement des dispositifs la preuve que les ministres
successifs cherchent plus à "marquer l'opinion" par des
affichages qu'à donner aux enseignants et aux formateurs la
responsabilité de trouver les meilleures voies pour
résoudre les problèmes professionnels auxquels
ils doivent s'attaquer. Le risque de l'isolement des enseignants dans
la jungle des prescriptions lui semble au moins aussi signifiante que
l'inquiétude des élèves devant celle
des dispositifs... "
14/09/2010
C’est la question qui était au centre des débats auxquels j’ai assisté ce mardi. Une question significative puisque tous les intervenants s’accordaient sur l’importance de cette première rencontre avec les élèves, la classe, le métier, quant à son impact sur l’avenir professionnel des nouveaux enseignants.
Plusieurs études et enquêtes ont permis de mieux cerner les profils de ces enseignants, leurs attentes, leurs réactions au cours de ces premières confrontations, et leur devenir éventuel.
Ainsi Eric Roditi, Paris 5, a réalisé sur près de 10 ans le suivi d’un professeur des écoles, depuis son entrée comme stagiaire jusqu’au moment où il est devenu formateur. Réalisé sous formes de videos et d’entretiens, ce suivi porte particulièrement sur la façon dont Benoît, l’enseignant, aborde avec ses élèves des notions de géométrie, d’abord en tant que stagiaire et néotitulaire, puis en tant qu’enseignant plus chevronné, à 7 et 9 ans d’exercice. Les séances du début portent sur la notion de rectangle, notamment dans des activités de repérage. Les documents montrent que les élèves ont d’abord un temps de recherche individuelle puis un temps de mise en commun. Bien que Benoît soit à l’aise avec les notions à faire passer et suive de près le manuel, les conditions d’apprentissage des élèves ne sont visiblement pas assez maîtrisées. Les attentes de Benoît sont bien au-delà de ce que les élèves fournissent (le temps individuel est sans doute trop court, les explicitations insuffisantes). Les élèves qui ne voient pas où il faut en venir se dissipent et Benoît doit effectuer maints rappels à l’ordre.
Dans la seconde série de documents, les élèves sont plus autonomes, le dialogue est moins tendu et les élèves participent avec enthousiasme. Les pratiques de Benoît ont changé et se sont stabilisées : il a réalisé qu »il aimait être en classe et privilégie désormais le contact avec les élèves, en étant moins rigide par rapport aux formes de transmission des savoirs. Cette évolution est en partie due au travail collectif mené dans différents groupes (de recherche à l’IREM, de formation avec des collègues). Il estime avoir manqu é d’une formation en didactique des mathématiques, mais il veut plus probablement parles des situations à mettre en place avec les élèves que de contenus proprement dits.
Pour Luc Ria de l’INRP, le contexte actuel (effets de la masterisation, classes de plus en plus hétérogènes) risque d’entraîner pour les nouveaux enseignants des moments critiques « avec des répercussions profondes sur l’identité professionnelle en construction ». Dans ces conditions, le rôle des personnes ressource devra être repensé : les formateurs et les accompagnateurs devront éviter des approches trop dogmatiques ou trop normées et pondérer leurs conseils en tant qu’experts. Ils devront aussi s’inscrire dans la dynamique de l’activité professionnelle et se recentrer sur la réalité que vivent les jeunes enseignants, en traitant en priorité « les questions les plus saillantes et les plus fréquemment posées.
Une action recherche formation a porté l’an dernier sur 15 néotitulaires exerçant dans des collèges EP2 du 93. Entretiens, regroupements , tournage des activités en classe puis présentation de ces vidéos aux collègues ont été des temps forts qui ont ponctué l’année. L’exploitation des vidéos a été considérée comme une véritable action de professionnalisation qui a permis d’une part de prendre conscience des difficultés d’une communauté débutante et d’autre part d’apprécier la façon dont un professeur plus expérimenté pouvait travailler avec ces mêmes classes ressenties comme difficiles par les néos.
Selon Luc Ria, on se trouve ici dans des espaces de formation hybrides, dans lesquels le risque de formation disparate est grand. Il est donc utile de la compléter par un espace national en ligne, par exemple la plate-forme NeoPass@action sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir prochainement.
Pour Pascal Guibert, université de Nantes, l’acquisition de l’expérience professionnelle n’est jamais une construction linéaire. Mais les nouveaux enseignants se voient proposer un modèle de compétences normées et référencées, une nouvelle identité enseignante rejetée par la plupart des enseignants du secondaire en exercice.
En collaboration avec l’IUFM des Pays de la Loire, un suivi de cohorte a été réalisé sur plusieurs années (questionnaires + entretiens approfondis). Les résultats font apparaître 3 types de difficultés pour les néotitulaires : des difficultés liées au lieu d’exercice (déménagement, isolement, classes plus difficiles) pour ceux qui sont mutés hors académie, la nécessité de faire face et la maîtrise du métier. Même s’ils ont tous le sentiment de vivre dans l’urgence et de ne pas pouvoir se poser pour analyser leur pratique, les situations sont très différentes en raison de l’établissement où ils sont nommés, de leur histoire personnelle et de leur appartenance ou non à des collectifs.
Quelles sont les demandes qui transparaissent à la lecture des retours ? Les néos voudraient bien avoir davantage de connaissance sur la psychologie des adolescents pour arriver à établir avec leurs élèves une relation affectivement correcte. Ils ont aussi du mal avec l’évaluation. Enfin, ils estiment être très peu accompagnés, même en ZEP où ils le sont quand même davantage.
A leur prise de fonction, deux profils émergent nettement chez les enseignants.
Les « héritiers » sont souvent issus de la classe moyenne intellectuelle, sont bien diplômés, aiment leur discipline et croient au modèle de l’excellence scolaire. Ils sont souvent venus dans le métier par vocation.
Les « oblats » , moins diplômés et de classes sociales plus défavorisées, se considèrent davantage comme pédagogues et sont plus en adéquation avec les objectifs de formation de l’UFM.
Ces deux profils ont une conception assez différente du système éducatif et de la place de l’élève.
Après 5 ans d’exercice, ces profils s’estompent et l’on relève plutôt des typologies. Les enseignants se répartissent entre ceux qui sont toujours de passage (TZR), ceux qui ont une position fixe qui leur convient bien, ceux qui travaillent par conviction en zone prioritaire et attachent une grande importance au relationnel et ceux dont la position d’ « héritier » est inchangée, qui considèrent toujours la discipline en premier et le métier en second.
Vincent Troger, de l’université de Nantes, a réalisé avec l’IUFM une enquête portant à la fois sur des enseignants stagiaires et des élèves de LP.
La 1ère confrontation avec les élèves est une épreuve identitaire décisive, dans laquelle les difficultés concernent aussi bien le pédagogique (relations avec les élèves) que la didactique (quels contenus choisir). Ces élèves sont dans un rapport au savoir douleureux, avec une surreprésentation de redoublants et d’élèves en difficulté dès le primaire, qui ont de plus vécu le système comme très contraignant.
Les stagiaires enseignants partagent une éthique commune : ils comprennent assez bien les difficultés des élèves et souhaitent permettre à chacun de se reconstruire, dans une logique d’égalité des chances. Les formateurs partagent ce point de vue et aident les stagiaires à basculer dans une posture d’accompagnateur. Les enseignants pratiquent l’argumentation, le dialogue et utilisent une pédagogie très instrumentée par les médias, en donnant souvent aux élèves des repères visuels ou sonores. Ils acceptent de prendre l’élève là où il et sont en référence permanente au monde du travail. Comme ils ont souvent connu eux-mêmes des parcours un peu compliqués, ils sont naturellement en phase avec leurs élèves et savent qu’on peut rebondir sur un échec scolaire.
Pierre Périer, de l’université de Rennes, considère que les premiers moments professionnels des stagiaires et des débutants sont « une mise en épreuve de soi ». Il est important de les analyser pour aider d’autres jeunes à les aborder.
Une enquête a été menée de 2005 à 2007 sur les sites de formation de Créteil, Versailles et Lyon. Les résultats sont-ils seulement propres aux débutants ? On ne dispose que de très peu d’enquêtes comparatives.
Il ressort de cette enquête que les enseignants débutant ont une légitimité à construire, une autorité pédagogique à affirmer. Ils vont devoir s’engager dans une négociation continue avec des élèves qui n’ont pas les appétences au savoir qu’ils espéraient. Ils vont devoir élaborer des stratégies locales pour compenser le fait que les élèves n’acceptent plus l’attitude hiérarchique et ne respectent pas automatiquement le savoir incarné par le prof.
Ils ont l’impression que la formation qu’ils ont reçue n’est pas opérationnelle ; il faut qu’ils apprennent (tout seuls ? ) à mobiliser un savoir-faire professionnel. Ils ressentent le besoin de pouvoir s’exprimer sans crainte de jugement. A ce niveau, l’IUFM offrait un espace bien intéressant de socialisation entre pairs. Ils notent enfin la tension induite entre les deux objectifs nécessaires, transmission du savoir et établissement d’un protocole relationnel qui favorise la mise au travail des élèves. C’est sur ce point que va se construire l’identité professionnelle et que la mise à l’épreuve va se substituer à la formation.
Un symposium, c'est un moment de rencontre entre plusieurs équipes de recherche qui travaillent sur des thématiques qui peuvent se croiser, tout en travaillant chacun "à leur façon", avec leur lexique, leur terrain, leurs concepts, leurs méthodes. En introduisant le symposium long "Dimensions cachées, dimensions clandestines du travail", Patricia Remoussenard insiste sur l'intérêt de la transversalité. Sa contribution va être "discutée" (sous entendu passée à la moulinette...) par Yves Schwartz, dont la parole fait référence. Dans le même bateau, Pierre Imbert et Marc Durand, et Richard Wittorski, qui ont précédemment donné à moudre leur production écrite au "discutant".
![dolz](../Photos/schwartz.jpg) Yves Schwartz retient la dimension "polémique" de la proposition du symposium : si on s'en tient à la dimension apparente du travail et de la prescription, on ne comprend rien. Aborder la dimension cachée du travail, c'est dériver vers l'activité de travail des sujets. Au titre des convergences entre les approches des trois contributions, c'est la totalité de la vie dans son énigme qui entre dans cette problématique, le travail n'en étant qu'une des facettes. Les frontières entre travail et vie privée sont floues, la transversalité générale. On ne peut segmenter type d'activité par type d'activité. Même dans un colloque sur le travail éducatif, refuserait-on de limiter l'éducatif à sas dimension éducative, s'amuse Y. Schwartz. "Si on manque cette porte d'entrée riche, on va limiter l'activité de travail à son aspect utilitaire, ce qui limite la force de l'analyse. Ainsi, comment définir la compétence au travail sans parler du travail caché ? Comment intégrer dans l'évaluation de la compétence cette dimension ? Comment définir le travail d'un emploi-jeune, en reléguant le relationnel au pourtour du légitime ? Rendre visible la part cachée de l'activité, c'est bien aussi valoriser, professionnaliser, reconnaître, en renouvelant l'approche par compétences. C'est aussi rompre les conditions habituelles de la recherche "traditionnelle" qui pose le principe de sa nécessaire distance, de sa capacité d'expertise ou de sa capacité à accéder à l'essence des situations. Il faut au contraire d'abord se mettre d'accord sur ce qu'on a à faire ensemble, en formation ou dans l'analyse des systèmes. Ces "débats de norme" chers à Y. Schwartz sont ce qui rend le travail humain si problématique, si difficile à comprendre. (pour voir le détail de l'approche d'Yves Schwartz, voir ce dossier)
Alors, quelle conclusion provisoire ? Patricia Remoussenard revient sur le paradoxe : en s'intéressant à des univers du travail très éloignés des situations d'enseignement, on peut nourrir des ressources fécondes pour comprendre le travail enseignant, considéré comme un travail "comme un autre". "Désenclaver les métiers de l'enseignement pour mieux les comprendre, ça n'a l'air de rien, mais ça change tout, intervient Françoise Lantheaume (Lyon 2) de la salle. Les métiers émergeants dans la sphère éducative ont sans doute contribué à ce rapprochement".
Dans la seconde phase du symposium, c'est à Françoise Lantheaume, Nicole Mencacci et Jean Clenet de passer sur le grill, à travers le regard de Frédéric Saujat. S'intéressant aux différentes "traductions" qui doivent s'opérer dans la mise en oeuvre de la prescription, de l'écriture de la circulaire rédigée dans le cabinet ministériel à l'exercice de la situation d'enseignement dans la classe, Françoise Lantheaume a d'abord le souci de la description modeste des différentes dimensions de l'activité professionnelle, la "façon dont les gens travaillent" étant dépendante du cadre normatif qui définit leur activité singulière. "Or, l'évolution du cadre normatif amène des suprescriptions, à la fois dans ce qu'on demande de faire, et dans ce que chacun se dit qu'il doit faire pour être conforme". Elle invite à "découvrir le gisement des trésors cachés de l'activité", en se gardant des pièges de l'auto-surprescription. Nicole Mencacci s'intéresse aux "ingéniosités éducatives de l'instant", dans ce moment particulier où on doit résoudre une tâche sans avoir de solution toute faite, où l'enseignant doit à la fois se garder de la guidance excessive et de la non-intervention, sans "prêt-à-faire" ni "prêt-à-dire", saisissant le bon moment pour agir. Jean Clenet veut rendre compte des "pratiques peu visibles", entre le "cristal et la fumée", dans l'entre-deux entre le prescrit et le réel. Il voudrait "donner un statut scientifique et éthique au flou", parce qu'il cache des choses qu'il n'est pas toujours nécessaire de dévoiler. S'il est un champ de recherche important en physique, pourquoi ne le serait-il pas en éducation ?
Tentant une "discussion", Frédéric Saujat extrait la notion d'"épreuve", de débat avec le milieu. "C'est la trace d'un sujet capable, créatif, acteur", qui ne se contente pas d'exécuter ce qu'on lui demande de faire, mais prend en compte "ce que ça lui demande de faire". Ni girouette, ni prisme qui dévierait les rayons lumineux, mais barreur d'un bateau à voile faisant des choix concernant l'activité et l'usage de soi. S'il y a du travail caché, c'est bien parce que le travail est une épreuve qui expose le sujet au vent de l'activité. Du coup, Saujat invite à dépasser la notion de "sujet" pour aller vers les dimensions collectives de l'activité, du travail. A qui, et par qui le travail serait-il caché ? Et comment le rend-on visible, avec quels outils et dispositifs ? Frédéric Saujat invite les auteurs à creuser quelques questions : la prescription est-elle une contrainte extérieure, ou fait-elle l'objet de retraductions qui l'amènent aussi à pouvoir devenir ressource ? A quelles conditions ce qui peut être rendu public dans le collectif de travail peut l'être devant le chercheur ? Quelles raisons ont ceux qui travaillent à rendre visibles leurs pratiques cachées devant un intervenant ? Ont-ils une demande ? Et leur expérience est-elle verbalisable, comme se le demande aussi Philippe Astier ? A quelles conditions langagières ? Avec quelle définition de ce que serait "faire du bon travail" ?
Françoise Lantheaume profite de la perche tendue : "C'est d'autant plus important pour les métiers qui commencent, comme les assistants d'éducation, qui n'ont pas de normes antécédantes. Pour revenir aux enseignants, on constate à la fois du trop-plein et du "trop vide" quand a prescription leur dit "débrouillez-vous", voire leur donne un mandat contradictoire (transmettre un patrimoine et de la culture collective, mais en même temps individualiser ; faire du chiffre aux examens tout en tenant compte de chacun...) . On est en train de passer à un nouveau régime d'engagement, qui exige une plus grande plasticité, une plus grande capacité de réaction à l'inattendu, une énergie pharamineuse des individus pour combler les vides de la prescription qui risque de les épuiser si on n'a pas les espace de retravailler collectivement ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. Sans l'aller et retour avec le collectif, la crise n'arrive pas à reconstituer de nouvelles normes de métier. Le chercheur ne révèle rien, il peut juste contribuer à remettre en mots et à faire le pas de côté. Je ne crois que modérément aux révélations..."
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