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Aref2010 > Messages > Comment se construit l’identité professionnelle des enseignants débutants ?
Comment se construit l’identité professionnelle des enseignants débutants ?
 

C’est la question qui était au centre des débats auxquels j’ai assisté ce mardi. Une question significative puisque tous les intervenants s’accordaient sur l’importance de cette première rencontre avec les élèves, la classe, le métier, quant à son impact sur l’avenir professionnel  des nouveaux enseignants.

Plusieurs études et enquêtes ont permis de mieux cerner les profils de ces enseignants, leurs attentes,  leurs réactions  au cours de ces premières confrontations, et leur devenir éventuel.

 

Ainsi Eric Roditi, Paris 5, a réalisé sur près de 10 ans le suivi d’un professeur des écoles, depuis son entrée comme stagiaire jusqu’au moment où il est devenu formateur. Réalisé sous formes de videos et d’entretiens, ce suivi porte particulièrement sur la façon dont  Benoît, l’enseignant, aborde avec ses élèves des notions de géométrie, d’abord en tant que stagiaire et néotitulaire, puis en tant qu’enseignant plus chevronné, à 7 et 9 ans d’exercice.  Les séances du début portent sur la notion de rectangle, notamment dans des activités de repérage. Les documents montrent que les élèves ont d’abord un temps de recherche individuelle puis un temps de mise en commun. Bien que Benoît soit à l’aise avec les notions à faire passer et suive de près le manuel, les conditions d’apprentissage des élèves ne sont visiblement pas assez maîtrisées. Les attentes de Benoît sont bien au-delà de ce que les élèves fournissent (le temps individuel est sans doute trop court, les explicitations insuffisantes). Les élèves qui ne voient pas où il faut en venir se dissipent et Benoît doit effectuer maints rappels à l’ordre.

Dans la seconde série de documents, les élèves sont plus autonomes, le dialogue est moins tendu et les élèves participent avec enthousiasme. Les pratiques de Benoît ont changé et se sont stabilisées : il a réalisé qu »il aimait être en classe et privilégie désormais le contact avec les élèves, en étant moins rigide par rapport aux formes de transmission des savoirs. Cette évolution est en partie due au travail collectif mené dans différents groupes (de recherche à l’IREM, de formation avec des collègues). Il estime avoir manqu é d’une formation en didactique des mathématiques, mais il veut plus probablement parles des situations à mettre en place avec les élèves que de contenus proprement dits.

 

Pour Luc Ria de l’INRP, le contexte actuel (effets de la masterisation, classes de plus en plus hétérogènes) risque d’entraîner pour les nouveaux enseignants des moments critiques «  avec des répercussions profondes sur l’identité professionnelle en construction ». Dans ces conditions, le rôle des personnes ressource devra être repensé : les formateurs et les accompagnateurs devront éviter des approches trop dogmatiques ou trop normées et pondérer leurs conseils en tant qu’experts. Ils devront aussi s’inscrire dans la dynamique de l’activité professionnelle et se recentrer sur la réalité que vivent les jeunes enseignants, en traitant en priorité « les questions les plus saillantes et les plus fréquemment posées.

Une action recherche formation a porté l’an dernier sur 15 néotitulaires exerçant dans des collèges EP2 du 93. Entretiens, regroupements , tournage des activités en classe puis présentation de ces vidéos aux collègues ont été des temps forts qui ont ponctué l’année. L’exploitation des vidéos a été considérée comme une véritable action de professionnalisation qui a permis d’une part de prendre conscience des difficultés d’une communauté débutante et d’autre part d’apprécier la façon dont un professeur plus expérimenté pouvait travailler avec ces mêmes classes ressenties comme difficiles par les néos.

Selon Luc Ria, on se trouve ici dans des espaces de formation hybrides, dans lesquels le risque de formation disparate est grand. Il est donc utile de la compléter par un espace national en ligne, par exemple la plate-forme NeoPass@action sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir prochainement.

 

Pour Pascal Guibert, université de Nantes, l’acquisition de l’expérience professionnelle n’est jamais une construction linéaire. Mais les nouveaux enseignants se voient proposer un modèle de compétences normées et référencées, une nouvelle identité enseignante rejetée par la plupart des enseignants du secondaire en exercice.

En collaboration avec l’IUFM des Pays de la Loire, un suivi de cohorte a été réalisé sur plusieurs années (questionnaires + entretiens approfondis). Les résultats font apparaître 3 types de difficultés pour les néotitulaires : des difficultés liées au lieu d’exercice (déménagement, isolement, classes plus difficiles) pour ceux qui sont mutés hors académie,  la nécessité de faire face et la maîtrise du métier. Même s’ils ont tous le sentiment de vivre dans l’urgence et de ne pas pouvoir se poser pour analyser leur pratique, les situations sont très différentes en raison de l’établissement où ils sont nommés, de leur histoire personnelle et de leur appartenance ou non à des collectifs.

Quelles sont les demandes qui transparaissent à la lecture des retours ? Les néos voudraient bien avoir davantage de connaissance sur la psychologie des adolescents pour arriver à établir avec leurs élèves une relation affectivement correcte. Ils ont aussi du mal avec l’évaluation. Enfin, ils estiment être très peu accompagnés, même en ZEP où ils le sont quand même davantage.

A leur prise de fonction, deux profils émergent nettement chez les enseignants.

Les « héritiers » sont souvent issus de la classe moyenne intellectuelle, sont bien diplômés, aiment leur discipline et croient au modèle de l’excellence scolaire. Ils sont souvent venus dans le métier par vocation.

Les « oblats » , moins diplômés et de classes sociales plus défavorisées, se considèrent davantage comme pédagogues et sont plus en adéquation avec les objectifs de formation de l’UFM.

Ces deux profils ont une conception assez différente du système éducatif et de la place de l’élève.

Après 5 ans d’exercice, ces profils s’estompent  et l’on relève plutôt des typologies. Les enseignants se répartissent entre ceux qui sont toujours de passage (TZR), ceux qui ont une position fixe qui leur convient bien, ceux qui travaillent par conviction en zone prioritaire et attachent une grande importance au relationnel et ceux dont la position d’  « héritier » est  inchangée, qui considèrent toujours la discipline en premier et le métier en second.

 

Vincent Troger, de l’université de Nantes, a réalisé avec l’IUFM une enquête portant à la fois sur des enseignants stagiaires et des élèves de LP.

La 1ère confrontation avec les élèves est une épreuve identitaire décisive, dans laquelle les difficultés concernent aussi bien le pédagogique (relations avec les élèves) que la didactique (quels contenus choisir). Ces élèves sont dans un rapport au savoir douleureux, avec une surreprésentation de redoublants et d’élèves en difficulté dès le primaire, qui ont de plus vécu le système comme très contraignant.

Les stagiaires enseignants partagent une éthique commune : ils comprennent assez bien les difficultés des élèves et souhaitent  permettre à chacun de se reconstruire, dans une logique d’égalité des chances. Les formateurs partagent ce point de vue et aident les stagiaires à basculer dans une posture d’accompagnateur. Les enseignants pratiquent l’argumentation, le dialogue et utilisent une pédagogie très instrumentée par les médias, en donnant souvent aux élèves des repères visuels ou sonores. Ils acceptent de prendre l’élève là où il et sont en référence permanente au monde du travail. Comme ils ont souvent connu eux-mêmes des parcours un peu compliqués, ils sont naturellement en phase avec leurs élèves et savent qu’on peut rebondir sur un échec scolaire.

 

Pierre Périer, de l’université de Rennes, considère que les premiers moments professionnels des stagiaires et des débutants sont « une mise en épreuve de soi ». Il est important de les analyser pour aider d’autres jeunes à les aborder.

Une enquête a été menée de 2005 à 2007 sur les sites de formation de Créteil, Versailles et Lyon. Les résultats sont-ils seulement propres aux débutants ? On ne dispose que de très peu d’enquêtes comparatives.

Il ressort de cette enquête que les enseignants débutant ont une légitimité à construire, une autorité pédagogique à affirmer. Ils vont devoir s’engager dans une négociation continue avec des élèves qui n’ont pas les appétences au savoir qu’ils espéraient. Ils vont devoir élaborer des stratégies locales pour compenser le fait que les élèves n’acceptent plus l’attitude hiérarchique et ne respectent pas automatiquement le savoir incarné par le prof.

Ils ont l’impression que la formation qu’ils ont reçue n’est pas opérationnelle ; il faut qu’ils apprennent (tout seuls ? ) à mobiliser un savoir-faire professionnel. Ils ressentent le besoin de pouvoir s’exprimer sans crainte de jugement. A ce niveau, l’IUFM offrait un espace bien intéressant de socialisation entre pairs. Ils notent enfin la tension induite entre les deux objectifs nécessaires, transmission du savoir et établissement d’un protocole relationnel qui favorise la mise au travail des élèves. C’est sur ce point que va se construire l’identité professionnelle et que la mise à l’épreuve va se substituer à la formation.

 

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