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Evaluer la qualité de la recherche en sciences de l’éducation, une conférence de David Bridges
 

 

C’est David Bridges, université de Cambridge et personnalité reconnue des sciences de l’éducation, qui a été invité à prononcer la conférence de clôture du colloque.

Une citation de Paul Hirst (1966) place le cadre : les sciences de l’éducation ne sont pas une discipline autonome. Il s’agit au contraire d’un domaine pluridisciplinaire où les interrogations et les concepts sont fort nombreux. Dans les années 1960-1980, les sciences de l’éducation se fondaient en fait sur 4 approches : sociologique, historique, philosophique et psychologique. Depuis, le domaine s’est énormément complexifié, avec les éclatements de la sociologie et de la psychologie et de nombreuses hybridations, déconstructions et reconstructions se sont produites. Des modalités et des activités développées dans d’autres départements de recherche y ont aussi trouvé leur place (histoire idéologique, constructivisme social, …) Les paradigmes ont proliféré, avec très peu de consensus quand à ce que devrait être une recherche en sciences de l’éducation. Dans cette confusion, par exemple, un éditeur de revues s’est interrogé sur son rôle. Il y a cependant eu de la part du gouvernement des tentatives de régulation, de définition de mesures et de repères, d’autres se montrant plus favorables à une approche pluraliste permettant de mieux comprendre les processus et les résultats scolaires et relever le défi de la diversité.

En 2008, a été lancée au Royaume Uni une grande enquête d’évaluation de la recherche en sciences de l’éducation, qui devait orienter les financements des équipes pour les 5 années à venir. Une très grande majorité des départements (86 sur 110) ont soumis à l’attention des experts (un jury composé de 20 évaluateurs choisis conjointement avec es académies) les travaux de 1697 chercheurs portant sur des aspects extrêmement divers. Après 3 ans de préparation, les travaux de lecture ont duré 6 mois. Des qualifications de 1 à 4 ont été attribués (depuis le travail d’intérêt national jusqu’aux travaux d’excellence mondiale), certains travaux n’obtenant pas de qualification, sur des critères de rigueur, d’originalité, d’importance et d’impact.

Comment évaluer la rigueur d’un travail de recherche ? Cela implique une solidité théorique et méthodologique, une intégrité, une utilisation pertinente de la littérature et une cohérence de l’argumentation. D’autres dimensions appropriées sont à définir au cas par cas (prise en compte de dimension éthique par exemple).

Plus récemment le projet européen EERQI, indicateurs de qualité pour la recherche en éducation, cherche à améliorer les indicateurs standard, largement basés sur les indices de citations, qui rencontrent beaucoup de limites dans ce domaine (pas de hiérarchie unique, aucune revue ne ublie que des articles de classe mondiale, les chercheurs ont de nombreuses raisons de placer des articles dans des environnements très différents). Il s’agit donc, à l’aide de l’ordinateur, de définir les textes de recherche et la qualité de leur contenu, tout en faisant aussi appel à l’analyse du contexte. Le processus d’évaluation doit d’abord reconnaître le type de recherche afin de l’orienter vers un évaluateur qualifié.

L’évaluation est donc ici fondée sur le discernement et l’appréciation plutôt que sur les éléments mesurés. Mais l’évaluateur doit posséder des connaissances critiques qui lui permettront de privilégier une approche d’ensemble plus que la mesure des détails. Ainsi l’appréciation de l’évaluateur devra être inspirée par la description de la beauté de l’héroïne des Ailes de la Colombe (Henry James), selon la citation donnée dans un des articles ci-dessus.

 

Internationalisation et recherche en éducation, une conférence d’Agnès van Zanten
 

Bien que le sujet ne soit pas au cœur de ses activités de recherche, Agnès van Zanten, Sciences po/CNRS,  le connaît bien y compris d’un point de vue personnel.

Elle rappelle tout d’abord que la recherche en éducation est relativement jeune, fortement adossée dans tous les pays au système éducatif, avec dans le cas français, un Etat construit autour de son école. Elle est, en France, faiblement financée et ses résultats sont peu utilisés par les décideurs . Elle est de plus mal reconnue, car pratiquée dans des équipes très fragmentées , avec peu de paradigmes et de théories, et ne bénéficie pas d’une image intégrée. De plus la production des données est institutionnellement confiée à d’autres structures (DEPP, IG) et la production des chercheurs n’est pas forcément bien prise en compte.

La recherche en éducation est pourtant très tournée vers l’extérieur, au premier chef enseignants et formateurs,  mais  aussi l’administration, et bénéficie pour certains sujets  d’un bon écho dans les médias et auprès du grand public. Elle a connu une forte expansion de 1960 à 1980, avec les questions d’échec scolaire et d’inégalités et depuis 1980, analyse davantage les conséquences de l’action étatique.

 

Les pressions internationales, en amenant les recherches comparatistes et les financements plus ou moins ciblés de l’union européenne, ont modifié le fonctionnement de la recherche en éducation. Les agendas politiques internationaux ont contribué à focaliser les thématiques (efficience, équité, coût, poids du marché). Les chercheurs qui répondent aux  projets correspondant risquent d’y perdre en autonomie.

 

Pour l’UE, la recherche en éducation est un outil de « gouvernance douce » pour faire évoluer les états. Elle fait appel aux chercheurs pour participer à des réseaux qui interviendront dans la rédaction de directives ou de recommandations. Les études internationales comme Pisa contribuent également à cette gouvernance. Dans beaucoup de pays les données n’existaient pas. Mais dans les autres, comme la France, ces données jouent un rôle de plus en plus important dans les politiques éducatives et se révèlent facilement appropriables par les décideurs, en mettant en avant telle ou telle conclusion.

Les nouveaux programmes de recherche européens reposent sur des partenariats entre pays, pour lesquels la production de connaissances se fait en phase avec la construction de l’espace européen. Il faut alors faire travailler ensemble des chercheurs dont les cultures sont très différentes (par exemple la notion de méthodologie d’entretien  est très différente dans les pays de l’est, au Royaume Uni et en France). Les équipes ainsi formées ont du mal à entretenir le dialogue et ceux qui ne maîtrisent pas l’anglais sont rapidement mis sur la touche.

De plus, ces programmes, limités dans le temps ont une contrainte forte de production et sont désormais suivis de près, avec des observateurs présents aux réunions de travail. Cela peut conditionner les recherches, en obligeant à livrer des données brutes, avant que leur analyse n’ait été réfléchie. Cela impose aussi des modes de communication et de diffusion dont les chercheurs n’ont pas l’habitude.

Certes, l’européanisation, et au-delà, l’internationalisation est une opportunité à saisir, car elle favorise les recherches comparatistes et permet d’utiliser différentes approches ainsi que différentes échelles (locales, nationales, internationales). Mais ce mode de financement privilégie des équipes bien constituées, sachant présenter un dossier et à terme risque de mener à des recherches plus ciblées de manière externe, davantage assujetties aux souhaits des décideurs.

 

Françoise Solliec

 

Propos introductifs
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L. Mottier Lopez, présidente du comité d'organisation, ouvre avec une certaine jubilation la séance inaugurale, tant le travail de son équipe inscrit cette nouvelle session du Congrès AREF (actualité de la Recherche en Education et en Formation) s'inscrit sous de favorables auspices, même si l'actualité de l'Education, et pas seulement en France, ne prédit pas forcément d'avenir radieux pour les sciences de l'Education. "L'excellence ? Mais c'est la réussite du plus grand nombre, c'est bien la véritable excellence, et pas celle des "meilleurs" dont on nous vante le mérite" précise une enseignante croisée en terrasse. Assurément, un enjeu pour les débats à venir.

dolzJacquim Doltz, président de la section des sciences de l'Education de l'Université de Genève, insiste sur la longue tradition locale des sciences de l'Education depuis le XIXe siècle, avec Calparède ou Piaget, mais aussi la création d'équipes de recherches qui dépassent "les affaires individuelles," qui valorisent les croisements de champs disciplinaires et défendent la diversité de point de vue, dans une période où les crédits n'augmentent pas aussi vite que la demande sociale envers l'Education... "Il faut privilégier l'interface entre les disciplines", abonde le recteur de l'Université de Genève, J.-D. Vassalli. "Les mutations amènent à renforcer le rôle de l'évaluation dans les processus d'apprentissage". 

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Les représentants des associations de chercheurs insistent eux aussi sur l'intérêt du recul historique : pour P. Remoussenard, le nombre de participants des sessions de l'AREF augmente, et ce congrès international doit être l'occasion de saisir les tendances de la recherche en train de se faire, de mieux percevoir l'émergence des nouveaux savoirs sur l'Education. "Nous avons été amenés à être plus rigoureux sur les qualités des commnunications proposées, ce qui contribue à professionnaliser nos pratiques et doit permettre d'améliorer la reconnaissance de nos manifestations scientifiques" insiste Richard Wittorski pour l'AECSE (association des enseignants et chercheurs en sciences de l'Education). Nous devons aussi mieux évaluer les domaines encore trop lacunaires dans nos travaux", rendre plus lisible et visible nos travaux pour montrer aux décideurs les usages possibles des retombées de ces recherches." K. Maag Merki, pour la société suisse en sciences de l'Education (SSRE), et J.-L. Wolfs, pour la belge ABC-educ, insistent sur l'importance des échanges de la communauté francophone.
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Quelles thématiques ?

 Bernard Schneuwly a la charge de faire un premier commentaire sur le contenu des contributions proposées. Pas de surprise : ici, les contributions françaises restent écrasantes. Mais il invite à mesurer l'influence du développement récent des recherches anglo-saxonnes, qui depuis les années 1960-1970 se développent avec la modification structurelle de l'école liée à l'accès massif des nouvelles générations au secondaire, mais aussi le développement de la formation des enseignants à l'université qui entraine un développement des sciences de l'Education.
Dans les contributions de cette édition, les recherches sur le métier d'enseignant et l'analyse du travail montent en flèche (surtout en France), devant les didactiques. La thématique de l'évaluation (des élèves ou des politiques publiques...) fait beaucoup moins recette, sauf chez les Belges. Concernant les publics, les recherches sur la formation des adultes sont peu nombreuses, de même que la problématique de l'enseignement spécialisé.