18/09/2010
C’est David Bridges, université de Cambridge et personnalité reconnue des sciences de l’éducation, qui a été invité à prononcer la conférence de clôture du colloque.
Une citation de Paul Hirst (1966) place le cadre : les sciences de l’éducation ne sont pas une discipline autonome. Il s’agit au contraire d’un domaine pluridisciplinaire où les interrogations et les concepts sont fort nombreux. Dans les années 1960-1980, les sciences de l’éducation se fondaient en fait sur 4 approches : sociologique, historique, philosophique et psychologique. Depuis, le domaine s’est énormément complexifié, avec les éclatements de la sociologie et de la psychologie et de nombreuses hybridations, déconstructions et reconstructions se sont produites. Des modalités et des activités développées dans d’autres départements de recherche y ont aussi trouvé leur place (histoire idéologique, constructivisme social, …) Les paradigmes ont proliféré, avec très peu de consensus quand à ce que devrait être une recherche en sciences de l’éducation. Dans cette confusion, par exemple, un éditeur de revues s’est interrogé sur son rôle. Il y a cependant eu de la part du gouvernement des tentatives de régulation, de définition de mesures et de repères, d’autres se montrant plus favorables à une approche pluraliste permettant de mieux comprendre les processus et les résultats scolaires et relever le défi de la diversité.
En 2008, a été lancée au Royaume Uni une grande enquête d’évaluation de la recherche en sciences de l’éducation, qui devait orienter les financements des équipes pour les 5 années à venir. Une très grande majorité des départements (86 sur 110) ont soumis à l’attention des experts (un jury composé de 20 évaluateurs choisis conjointement avec es académies) les travaux de 1697 chercheurs portant sur des aspects extrêmement divers. Après 3 ans de préparation, les travaux de lecture ont duré 6 mois. Des qualifications de 1 à 4 ont été attribués (depuis le travail d’intérêt national jusqu’aux travaux d’excellence mondiale), certains travaux n’obtenant pas de qualification, sur des critères de rigueur, d’originalité, d’importance et d’impact.
Comment évaluer la rigueur d’un travail de recherche ? Cela implique une solidité théorique et méthodologique, une intégrité, une utilisation pertinente de la littérature et une cohérence de l’argumentation. D’autres dimensions appropriées sont à définir au cas par cas (prise en compte de dimension éthique par exemple).
Plus récemment le projet européen EERQI, indicateurs de qualité pour la recherche en éducation, cherche à améliorer les indicateurs standard, largement basés sur les indices de citations, qui rencontrent beaucoup de limites dans ce domaine (pas de hiérarchie unique, aucune revue ne ublie que des articles de classe mondiale, les chercheurs ont de nombreuses raisons de placer des articles dans des environnements très différents). Il s’agit donc, à l’aide de l’ordinateur, de définir les textes de recherche et la qualité de leur contenu, tout en faisant aussi appel à l’analyse du contexte. Le processus d’évaluation doit d’abord reconnaître le type de recherche afin de l’orienter vers un évaluateur qualifié.
L’évaluation est donc ici fondée sur le discernement et l’appréciation plutôt que sur les éléments mesurés. Mais l’évaluateur doit posséder des connaissances critiques qui lui permettront de privilégier une approche d’ensemble plus que la mesure des détails. Ainsi l’appréciation de l’évaluateur devra être inspirée par la description de la beauté de l’héroïne des Ailes de la Colombe (Henry James), selon la citation donnée dans un des articles ci-dessus.
15/09/2010
Bien que le sujet ne soit pas au cœur de ses activités de recherche, Agnès van Zanten, Sciences po/CNRS, le connaît bien y compris d’un point de vue personnel.
Elle rappelle tout d’abord que la recherche en éducation est relativement jeune, fortement adossée dans tous les pays au système éducatif, avec dans le cas français, un Etat construit autour de son école. Elle est, en France, faiblement financée et ses résultats sont peu utilisés par les décideurs . Elle est de plus mal reconnue, car pratiquée dans des équipes très fragmentées , avec peu de paradigmes et de théories, et ne bénéficie pas d’une image intégrée. De plus la production des données est institutionnellement confiée à d’autres structures (DEPP, IG) et la production des chercheurs n’est pas forcément bien prise en compte.
La recherche en éducation est pourtant très tournée vers l’extérieur, au premier chef enseignants et formateurs, mais aussi l’administration, et bénéficie pour certains sujets d’un bon écho dans les médias et auprès du grand public. Elle a connu une forte expansion de 1960 à 1980, avec les questions d’échec scolaire et d’inégalités et depuis 1980, analyse davantage les conséquences de l’action étatique.
Les pressions internationales, en amenant les recherches comparatistes et les financements plus ou moins ciblés de l’union européenne, ont modifié le fonctionnement de la recherche en éducation. Les agendas politiques internationaux ont contribué à focaliser les thématiques (efficience, équité, coût, poids du marché). Les chercheurs qui répondent aux projets correspondant risquent d’y perdre en autonomie.
Pour l’UE, la recherche en éducation est un outil de « gouvernance douce » pour faire évoluer les états. Elle fait appel aux chercheurs pour participer à des réseaux qui interviendront dans la rédaction de directives ou de recommandations. Les études internationales comme Pisa contribuent également à cette gouvernance. Dans beaucoup de pays les données n’existaient pas. Mais dans les autres, comme la France, ces données jouent un rôle de plus en plus important dans les politiques éducatives et se révèlent facilement appropriables par les décideurs, en mettant en avant telle ou telle conclusion.
Les nouveaux programmes de recherche européens reposent sur des partenariats entre pays, pour lesquels la production de connaissances se fait en phase avec la construction de l’espace européen. Il faut alors faire travailler ensemble des chercheurs dont les cultures sont très différentes (par exemple la notion de méthodologie d’entretien est très différente dans les pays de l’est, au Royaume Uni et en France). Les équipes ainsi formées ont du mal à entretenir le dialogue et ceux qui ne maîtrisent pas l’anglais sont rapidement mis sur la touche.
De plus, ces programmes, limités dans le temps ont une contrainte forte de production et sont désormais suivis de près, avec des observateurs présents aux réunions de travail. Cela peut conditionner les recherches, en obligeant à livrer des données brutes, avant que leur analyse n’ait été réfléchie. Cela impose aussi des modes de communication et de diffusion dont les chercheurs n’ont pas l’habitude.
Certes, l’européanisation, et au-delà, l’internationalisation est une opportunité à saisir, car elle favorise les recherches comparatistes et permet d’utiliser différentes approches ainsi que différentes échelles (locales, nationales, internationales). Mais ce mode de financement privilégie des équipes bien constituées, sachant présenter un dossier et à terme risque de mener à des recherches plus ciblées de manière externe, davantage assujetties aux souhaits des décideurs.
Françoise Solliec
13/09/2010
intro
![dolz](../Photos/mottierLopez.jpg)
L. Mottier Lopez, présidente du comité
d'organisation, ouvre avec une certaine jubilation la séance
inaugurale, tant le travail de son équipe inscrit cette
nouvelle session du Congrès AREF (actualité de la
Recherche en Education et en Formation) s'inscrit sous de favorables
auspices, même si l'actualité de l'Education, et
pas seulement en France, ne prédit pas forcément
d'avenir radieux pour les sciences de l'Education. "L'excellence ? Mais
c'est la réussite du plus grand nombre, c'est bien la
véritable excellence, et pas celle des "meilleurs" dont on
nous vante le mérite" précise une enseignante
croisée en terrasse. Assurément, un enjeu pour
les débats à venir.
![dolz](../Photos/dolz.jpg) Jacquim
Doltz, président de la section des sciences de l'Education
de
l'Université de Genève, insiste sur la longue
tradition
locale des sciences de l'Education depuis le XIXe siècle,
avec
Calparède ou Piaget, mais aussi la création
d'équipes de recherches qui dépassent "les
affaires
individuelles," qui valorisent les croisements de champs disciplinaires
et défendent la diversité de point de vue, dans
une
période où les crédits n'augmentent
pas aussi vite
que la demande sociale envers l'Education... "Il faut
privilégier l'interface entre les disciplines", abonde le
recteur
de l'Université de Genève, J.-D. Vassalli. "Les
mutations
amènent à renforcer le rôle de
l'évaluation
dans les processus d'apprentissage".
![dolz](../Photos/salle.jpg)
Les représentants des
associations de chercheurs insistent eux aussi sur
l'intérêt du recul historique : pour P.
Remoussenard, le nombre de participants
des sessions de l'AREF augmente, et ce congrès
international doit être l'occasion de saisir les tendances de
la recherche en train de se faire, de mieux percevoir
l'émergence des nouveaux savoirs sur l'Education. "Nous
avons été amenés à
être plus rigoureux sur les qualités des
commnunications proposées, ce qui contribue à
professionnaliser nos pratiques et doit permettre
d'améliorer la reconnaissance de nos manifestations
scientifiques" insiste Richard Wittorski pour l'AECSE (association des
enseignants et chercheurs en sciences de l'Education). Nous devons
aussi mieux évaluer les domaines encore trop lacunaires dans
nos travaux", rendre plus lisible et visible nos travaux pour montrer
aux décideurs les usages possibles des retombées
de ces recherches." K. Maag Merki, pour la société
suisse en sciences de l'Education (SSRE), et J.-L. Wolfs, pour la belge
ABC-educ, insistent sur l'importance des échanges de la
communauté francophone.
Quelles thématiques ?
Bernard Schneuwly a la charge de faire un premier commentaire
sur le contenu des contributions proposées. Pas de surprise
: ici, les contributions françaises restent
écrasantes. Mais il invite à mesurer l'influence
du développement récent des recherches
anglo-saxonnes, qui depuis les années 1960-1970 se
développent avec la modification structurelle de
l'école liée à l'accès
massif des nouvelles générations au secondaire,
mais aussi le développement de la formation des enseignants
à l'université qui entraine un
développement des sciences de l'Education.
Dans les contributions de cette édition, les recherches sur
le métier d'enseignant et l'analyse du travail montent en
flèche (surtout en France), devant les
didactiques. La thématique de
l'évaluation (des élèves ou des
politiques publiques...) fait beaucoup moins recette, sauf chez les
Belges. Concernant les publics, les recherches sur la formation des
adultes sont peu nombreuses, de même que la
problématique de l'enseignement
spécialisé.
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