« 90 % des élèves de seconde ont déjà utilisé l’IA générative pour s’aider à faire leurs devoirs », peut-on lire dans le rapport sénatorial dédié à l’IA et l’éducation. Se former pour éduquer à l’intelligence artificielle était l’un des sujets d’une conférence très suivie au salon de l’Education de Paris. Avec « une révolution rapide de l’IA », les intervenants notent une indispensable formation à la culture générale en informatique et à l’esprit critique.
IA générative, mon amour ?
« L’IA générative va contribuer à modeler nos relations sociales et notre relation au savoir », introduit Jean Cattan, secrétaire général au conseil national du numérique. Lors de cette conférence plénière au salon Educatech ce mercredi 13 novembre, l’expert a surtout présenté « le Café IA » qui est une initiative ministérielle permettant des échanges pour mieux s’approprier l’IA.
Jean-François Lucas, directeur du think tank nommé Renaissance numérique, note qu’il y a 100 millions d’utilisateurs actifs pour ChatGPT en janvier 2024 et ce chiffre a doublé en septembre. « 3 milliards de personnes ont testé l’outil ». L’intervenant cite aussi une étude « qui indique qu’après 10 jours d’utilisation les gens commencent à moins utiliser ChatGPT puis après 40 jours, ils détestent ».
« Une urgence à se former »
Pour Axel Jean, chef du bureau de soutien à l’innovation numérique à la DNE (direction du numérique pour l’éducation), l’IA impacte tous les pans de la société. « Les enfants sont exposés à l’IA avec la messagerie, leurs jeux, les réseaux et ils ont des propositions pensées par des gens qui ne rendent de comptes à personne. Il y a une urgence absolue à se former ». L’expert évoque une révolution très rapide et « qui touche aussi les cols blancs, notamment les classes sociales concernées par le savoir. L’accélération est encore en cours. On est devant un mur de formations nécessaires ». Des moocs sont déjà disponibles pour s’autoformer. Pourtant, on pourra s’étonner d’un stand réduit du ministère de l’Education nationale pour cette édition 2024 d’Educatech et l’absence notable de Canopé, le réseau de formation des enseignants. Il en est de même pour le Clémi et le dispositif PIX… Ce rapport sénatorial invite pourtant à « faire de l’IA le 6e domaine du certificat de compétence numérique PIX ».
« Au delà de l’école, le cercle familial ne suffit pas à éduquer à l’IA » affirme Axel Jean qui rappelle la nécessité de formations massives dans l’Education nationale. « Les industriels agressent en permanence nos enfants parce-que ce sont des consommateurs. Les parents sont en grande difficulté devant l’évolution technologique et souvent dépassés. Les profs sont parfois dépassés mais peuvent et doivent se former », insiste l’expert de la DNE qui parle de « bagage minimum pas très couteux en temps ». Axel Jean évoque CREIA (Communauté de Réflexion en Éducation sur l’Intelligence Artificielle) disponible sur Magistère qui favorise « les échanges entre pairs ». Il conseille le livre de Pierre-Yves Oudeyer et de Didier Roy
De son côté, Margarida Romero, maîtresse de conférence au sein des Universités Côte d’Azur et Laval au Canada, évoque la nécessité « de développer la pensée critique. C’est un aspect dont l’éducation en France est forte ». L’autre aspect est de comprendre l’informatique et notamment « une amélioration du culture générale en informatique ». Elle propose que les compétences numériques soient davantage évaluées dans les concours de recrutement des profs.
La relation entre IA générative et élève à surveiller
« Il ne faut pas exposer avant 13 ans les élèves à l’IA générative sans le contrôle de l’enseignant », indique Axel Jean. « Il faut désambiguïser les relations entre l’élèves et la machine. Au collège, il faut ensuite développer l’esprit critique, de la pensée logique et de la pensée algorithmique ».
« Demain, il sera très difficile de se détacher du réflexe du premier brouillon issu de l’IA générative et donc une pensée algorithmique », prévient Jean Cattan. « Les élèves doivent avant tout prêter attention à ce qui vient d’eux et ne pas avoir peur de la page blanche. Il faut valoriser ce qui vient de l’élève et travailler sur l’estime de l’élève ».
Jean-François Lucas appelle à distinguer les compétences fonctionnelles et les aptitudes critiques « En Suisse, on parle d’algorithmes aux enfants dès 4 ans », glisse-t-il en citant le mathématicien Daniel Andler. « Dès 4 ans, on peut commencer à parler d’algorithme à des enfants ». Mais alors quelles disciplines diminuer en taux horaires en France ? « ça fait mal de dire que l’on doit enlever deux heures d’histoire, de maths ou de français. Je n’ai pas la solution. ça demande un grand débat de société ! ».
Après les écodélégués, bientôt des élèves responsables IA dans les classes ?
Axel Jean évoque la possibilité de s’appuyer sur l’expertise de certains élèves. « Les finlandais pratiquent la classe avec des élèves super agents. Ces élèves coaniment avec le professeur ». A la fin de la conférence, la question des inégalités face à l’IA viendra d’un enseignant d’université dans le public… « Je remarque que les bons étudiants sont encore meilleurs avec l’IA et les moins bons élèves sont encore plus faibles. Que faire avec cet IA qui enferme les plus faibles ? ». La question restera sans réponse.
Julien Cabioch
Télécharger le rapport du Sénat IA et éducation
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