« Il s’agit bel et bien est d’un naufrage au vu des annonces qui marquent une nouvelle régression éducative teintée d’un libéralisme aujourd’hui totalement assumé ! » écrit Yannick Trigance. Dans cette tribune, l’élu Yannick Trigance dénonce l’acte II du choc des savoirs lancé par la ministre Genetet.
La Ministre de l’Éducation Anne Genetet vient de lancer « l’Acte II du choc des Savoirs », s’inscrivant ainsi dans le prolongement d’un de ses prédécesseurs redevenu aujourd’hui simple député, à savoir Gabriel Attal.
Cet « Acte II » ne constitue donc pas une surprise au sens où la ministre avait annoncé lors de son arrivée aux responsabilités que « le navire ne changerait pas de cap ».
En fait de « cap », il s’agit bel et bien est d’un naufrage au vu des annonces qui marquent une nouvelle régression éducative teintée d’un libéralisme aujourd’hui totalement assumé !
Comme pour donner un vernis de crédibilité à cette politique, la ministre annonce le maintien obligatoire des évaluations en école élémentaire mais également en 6ème et 4ème auxquelles s’ajoutent des évaluations « facultatives » en 5ème et 3ème. Le lycée n’échappe pas à cette « évaluationnite » avec un test de positionnement en classe de seconde générale, technologique et professionnelle ainsi qu’en première année de CAP.
La ministre justifie cette avalanche d’évaluations et de contrôles pour « renforcer l’apprentissage des savoirs de la maternelle jusqu’à la terminale » et pour « élever le niveau des élèves », laissant ainsi croire que les enseignants ne mettraient pas en place les outils pédagogiques nécessaires à l’accompagnement individualisé de leurs élèves et au traitement de la difficulté scolaire.
Cette frénésie ministérielle de l’évaluation s’accompagne également d’une déferlante en matière de nouveaux programmes déversée sur les enseignants selon la méthode injonctive pratiquée par les ministres de l’Éducation depuis 2017.
Qu’on en juge : publication récente des nouveaux programmes de mathématiques et de français des cycles 1 et 2 pour la rentrée 2025, nouveaux programmes de mathématiques et de français du cycle 3, nouveaux programmes de langues vivantes de 6ème, 2nde,1ère et terminale toujours en 2025 et nouveaux programmes de mathématiques, de français et langues vivantes du cycle 1 au cycle 4 à la rentrée 2026. Sans oublier le nouveau socle commun de connaissances !
Sans concertation aucune, sans prise en compte de l’avis des équipes éducatives pourtant concernées au premier chef, nous assistons à une avalanche de bouleversements au seul prétexte de « l’élévation du niveau » des élèves.
Qu’en est-il de l’information et de la formation des enseignants aujourd’hui réduits à de simples exécutants qui devront de surcroît utiliser des manuels « labellisés » comme aux plus belles heures des « petits livres oranges » anti-pédagogiques imposés par Jean-Michel BLANQUER en 2018, comme si la prescription d’un manuel ou la présentation d’un modèle de leçon pouvaient supplanter l’expertise pédagogique des enseignants ?
Toujours au prétexte de travailler à la réussite de tous les élèves, la Ministre engage cet acte « Acte II » du « choc des Savoirs » en maintenant les groupes de « besoins » – en réalité groupes de niveaux – très majoritairement rejetés par les équipes pédagogiques – six collèges sur dix n’appliquaient pas ou partiellement la reforme, selon une enquête du SNES-FSU réalisée en septembre-.
Maintenu en mathématique et en français pour les 6ème et 5ème, le dispositif sera réduit pour les classes de 4ème et 3ème : comment pourrait-il en être autrement quand la suppression de 4 000 postes est annoncée au budget 2025, rendant totalement impossibles les annonces péremptoires de Gabriel ATTAL alors ministre éphémère de l’éducation ?
Comment par ailleurs faire reposer le soutien aux élèves sur les stages de réussite pendant les vacances ou sur le dispositif « Devoirs faits » quand ceux-ci sont dépendants du fameux « pacte-enseignants » fondé sur le « travailler plus pour gagner plus » massivement rejeté par les enseignants du premier degré ?
Enfin, la transformation du Diplôme nationale du Brevet en véritable barrage à l’accès au lycée dès 2027 constitue l’achèvement ultime d’un « choc des Savoirs » du tri social et du séparatisme, réduisant à néant la finalité première de ce diplôme, à savoir la validation des acquis à l’issue du collège unique aujourd’hui en phase de déconstruction.
Que deviendront les plus de 120 000 élèves – quasiment tous issus de milieux défavorisés – qui auront échoué au Brevet pour se retrouver sans perspective aucune dans des classes « prépa-seconde » sans aucun programme clairement défini ou en 1ère année de CAP, véritable politique d’éviction du système scolaire, propulsant notre jeunesse dans une impasse dévalorisante et régressive ?
L’école de la République et la réussite de tous les enfants, si chère à la Ministre GENETET, méritent mieux qu’une école du séparatisme social, de l’entre soi et de la compétition et qu’un activisme politique totalement incompatible avec les besoins réels des équipes éducatives, des élèves et des parents.
A l’opposé d’une politique éducative qui trie les élèves, qui divise et qui aggrave les inégalités, la priorité à l’éducation passe nécessairement par une école de la République juste pour tous et exigeante pour chacun, expérimentée comme telle par toute la communauté éducative et, en premier lieu, par les élèves eux-mêmes.
Une école de la République capable de détecter très tôt les fragilités scolaires, de faciliter tous les parcours choisis et de concilier apprentissages, bien-être et confiance scolaires.
Une école de la République qui fasse « grandir » ses citoyens en plaçant au cœur des enseignements et des apprentissages cette dimension civique du lien social précoce porteur de vivre ensemble futur.
Nous en sommes loin. Très loin.
Yannick Trigance
Conseiller régional Ile-de-France