Dans quelques mois auront lieu les jeux olympiques et paralympiques de Paris. L’occasion pour Claude Lelièvre de revenir sur le rôle qu’ont joué ces rencontres internationales historiques dans la construction de l’enseignement de l’éducation physique et sportive à l’École. L’historien qui fait le lien avec les initiatives prises pour cette nouvelle édition des jeux, voit dans ces dernières un opportunisme politique plus qu’une volonté de renforcer la place du sport à l’École. « Ce qui va compter avant tout dans les mois qui viennent pour Emmanuel Macron, c’est de tirer dans la mesure du possible un avantage historique de la période des Jeux olympiques en France où pourrait se jouer sa figuration dans l’Histoire. Ce sont les Jeux olympiques de Jupiter » écrit-il.
Les débuts de la cinquième République ont été marqués dans ce domaine par la réponse ‘’gaullienne ‘’ aux Jeux olympiques de Rome et Tokyo manqués par la France. A comparer avec les initiatives actuelles – en dégradé ? – sous la présidence d’Emmanuel Macron.
En 1960, aux Jeux olympiques qui se tiennent à Rome, la France se situe au 25° rang pour le nombre de médaillés : deux médailles d’argent et trois de bronze. En 1924, quand les Jeux olympiques avaient eu lieu à Paris, la France était située au 3° rang (sur 44 pays participants) avec 38 médailles dont 13 en or.
C’est un choc ! Le président de la République Charles de Gaulle nomme secrétaire d’État Maurice Herzog, un grand alpiniste, qui transforme la demi-journée de « plein air » en « éducation physique et sportive » dans l’enseignement secondaire ; et travaille, à travers deux lois-programmes d’envergure, à la construction d’installations sportives (dans et hors de l’école) : piscines, gymnases, stades.
« Ce qui était un agréable violon d’Ingres est devenu un fait social et national », dit-il, « auquel les pouvoirs publics doivent accorder la plus grande attention. […] Notre objectif est de mettre à la disposition de notre jeunesse les moyens de s’exprimer complètement. En sortira tout naturellement une élite sportive qui permettra à la France de briller dans les compétitions internationales »
En 1964, les sections sports-études sont créées après encore un camouflet de la France aux JO, ceux de Tokyo ( la France se situe alors à la 21° place : 8 en argent, 6 en bronze, et une en or). Ces sections ne sont alors pas très nombreuses, mais il en existe au moins deux (en collège et lycée) dans chaque département. L’idée n’est pas de former des champions olympiques, mais tout de même une forme d’élite sportive scolaire qui peut atteindre un niveau départemental ou régional, plus rarement national. Il en existe aujourd’hui 2 500 dans les collèges (sur 7 000) et 1 200 dans les lycées (sur 3700)
Jacques Chaban-Delmas, un héritier politique direct du ‘’gaullisme ‘’, Premier ministre sous Georges Pompidou, déclare en juin 1971 à l’occasion du vote de la troisième loi quinquennale d’équipement sportif, en juin 1971b: « C’est à l’école que l’on doit naturellement prendre goût au sport. Dans l’enseignement secondaire, nous voulons arriver à cinq heures d’éducation physique par semaine » . Cette annonce n’a pas été suivie des effets envisagés et on n’est pas allé plus loin dans cette direction depuis. Toutefois, Joseph Comiti, le secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports a recommandé en septembre de la même année d’assurer trois heures dans le premier cycle et deux dans le second, et cela a été mis en place et demeure aujourd’hui.
A l’approche de la tenue cet été des Jeux olympiques en France, certaines initiatives ont à nouveau été prises. Mais elles apparaissent d’une tout autre teneur et peu consistantes à vrai dire : peu fonctionnelles et peu matérialisées.
Selon une note de service du ministère de l’Éducation nationale, « 2023-2024 doit être une rentrée et une année olympique et paralympique » à l’école. Il s’agit de « célébrer les valeurs du sport portée par la charte olympique : engagement, excellence, égalité, respect, amitié, inclusion et partage ».
Soit, mais avec quels dispositifs renforcés ? On peut se le demander pour l’exigence des « 30 minutes d’activité physique quotidienne dans le premier degré » et les « deux heures de sport supplémentaire au collège », ou pour les recommandations en faveur de l’acquisition du « label génération 2024 » ou d’«une école, un club » (favorisant un certain ‘’entrisme’’ unilatéral des clubs sportifs).
Surtout on assiste à des initiatives promotionnelles dont le summum jusqu’ici est la distribution d’un livret (« 16 millions d’euros pour un livret et une pièce de deux euros » publié sur le Café pédagogique »).
Dans ce livret en principe destiné à des enfants (des élèves du CP au CM2…) ‘’on’’ a droit (les enfants ou leurs parents ?) à des textes écrits par Gabriel Attal lorsqu’il était encore ministre de l’Éducation nationale (et n’avait pas encore emporté avec lui l’engagement de la priorité à accorder à l’Éducation nationale dans son tout nouveau poste de Premier ministre), par Amélie Oudéa-Castéra quand elle n’était encore ( ou déjà?) que ministre des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques (et qu’elle ne s’était pas encore illustrée dans la charge supplémentaire de l’Éducation nationale et de la Jeunesse), et bien sûr par Emmanuel Macron le plus ‘’intéressé’’ (dans tous les sens du terme).
Car ce qui va compter avant tout dans les mois qui viennent pour Emmanuel Macron, c’est de tirer dans la mesure du possible un avantage historique de la période des Jeux olympiques en France où pourrait se jouer sa figuration dans l’Histoire. Ce sont les Jeux olympiques de Jupiter.
Claude Lelièvre