Lors de son passage sur BFM, le ministre de l’Éducation nationale a dévoilé les grandes lignes de ce qui attend l’École dans les prochains mois. Une revalorisation – qui ne sera finalement pas de 10% pour tous les enseignants contrairement à la promesse du président, un choc d’attractivité qui n’est pas au rendez-vous, et une heure de cours de français et/ou de maths pour sauver les élèves de sixième en difficulté…
Interrogé sur la réforme des retraites dans l’émission « Le rendez-vous d’Apolline de Maherbe » sur BFM, le ministre de l’Éducation nationale s’est étonné de la mobilisation annoncée par les syndicats de professeurs. « Les modalités de la réforme des retraites seront annoncées par la Première ministre le 10 janvier. Il est donc paradoxal que l’on parle de mobilisations alors que l’on n’en connait pas encore les détails. Je propose donc d’attendre, on avisera à ce moment-là. C’est ce que je conseille aussi aux syndicats ». Un conseil que les syndicats apprécieront. Les grandes orientations de cette réforme sont pourtant loin d’être des inconnues. Le Président rappelait lors de ses vœux qu’il faudra « travailler davantage, plus longtemps ».
Pas de choc d’attractivité
Sur le constat de l’échec du choc d’attractivité pour le métier de prof promis, le Ministre botte en touche. On rappelle que malgré un délai supplémentaire pour s’inscrire aux différents concours de l’enseignement, le nombre de candidats reste désespérément bas. À la rentrée 2022, 4000 professeurs manquaient à l’appel. La rentrée 2023 ne s’annonce guère mieux. « C’est un problème structurel » selon Pap Ndiaye. « Comme pour cette année scolaire, nous ferons appel à des contractuels dans des proportions un peu plus importantes que ce que nous espérions ». Selon lui, leur nombre est relativement « modeste », 0,5 à 1,5% dans le premier degré et de 6,5 à 8 % dans le second degré.
Pas d’augmentation de 10% comme promis par Macron
Pour faire face à cette pénurie de volontaires, le Ministre confirme un salaire minimum de 2 000 euros à l’entrée dans le métier et ce dès septembre. Sur la promesse d’augmenter de 10% tous les enseignants dès janvier, il nie farouchement. « Nous n’avons jamais dit ça. Les augmentations auront lieu à partir de septembre prochain. Il y a aura une augmentation socle pour tous les enseignants et une augmentation liée à des tâches nouvelles qui incluent un certain nombre de missions pour la transformation de l’école et la réussite des élèves ». Ces missions seraient liées à l’accompagnement et à l’orientation des élèves, à la formation des professeurs et au remplacement de courte durée. « La question des remplacements est importante. On perd 15 millions d’heures de cours, il faut donc travailler sur ces questions ». Interrogés sur la difficulté spécifique de recrutement des professeurs de mathématiques, l’occupant de la rue de Grenelle relativise. « D’autres disciplines sont en tension, comme les langues vivantes ».
Des professeurs des écoles en renfort dans les collèges
S’il faut retenir une annonce de cette interview, c’est celle qui concerne le collège, une priorité selon Pap Ndiaye. « Les résultats des évaluations d’entrée en sixième sont problématiques. 27% des élèves n’ont pas le niveau requis en français, un tiers ne l’ont pas en mathématiques ». Il cite un rapport de l’inspection générale qui conclut que temps de rédaction est trop faible en cours moyen (Cm1 et Cm2) – « je ne remets pas les enseignants en cause, je pense que c’est structurel ». Il annonce que des recommandations pédagogiques sur la pratique régulière de la dictée, de la rédaction… seront communiquées aux enseignants de Cm1 et Cm2.
Quant à la sixième, le Ministre annonce la généralisation de l’expérimentation des « 6e tremplin » testée dans l’académie d’Amiens « selon des modalités différentes ». « Il s’agit de faire en sorte que le passage en sixième soit meilleur et insister sur les fragilités des élèves » complète-t-il. Les enseignants du premier degré viendraient donc en renfort dans les collèges pour assurer une heure hebdomadaire en mathématiques ou en français selon les besoins des élèves « pour un meilleur agrafage du primaire et du secondaire ». Il précise aussi que le dispositif « devoirs faits » sera généralisé et deviendra obligatoire pour tous les sixièmes.
Plus de mixité sociale dans le privé
Sur la question de la place de l’enseignement privé, le Ministre ne l’oppose pas à l’enseignement privé. Quand la journaliste l’interroge sur son choix de scolariser ses enfants à l’école Alsacienne – établissement privé, on le sent mal à l’aise. Il ne répondra pas à la question. « Faire le choix de l’enseignement privé sous contrat n’est pas révélateur d’un échec pour l’enseignement public. Cela relève parfois de choix légitimes, comme dans les cas de harcèlement ou de convictions religieuses». Pour rappel, l’enseignement privé sous contrat est financé à 78% par le budget de l’éducation nationale. « Nous devons demander un peu plus d’efforts à l’enseignement privé sous contrat afin qu’il participe à une plus grande mixité sociale ».
Pas de loi sur l’uniforme
Et lorsqu’Appoline de Malherbe le questionne sur l’obligation du port de l’uniforme, Pap Ndiaye balaie le sujet d’un revers de la main. « Je ne veux pas de loi sur ce sujet au niveau national. En revanche, les établissements peuvent, s’ils le souhaitent, imposer une tenue scolaire par le biais de leur règlement intérieur ». À l’évocation des tenues de type abayas et kamis, le Ministre renvoie à la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux ostensibles. « Les chefs d’établissements doivent estimer si la tenue est contraire à cette loi ou pas. Nous ne pouvons définir juridiquement une abaya ou un kamis ! On ne s’en sortira pas et le port de l’uniforme n’est pas la solution »
Lilia Ben Hamouda