« C’est la première fois qu’on signe un engagement commun entre les trois académies franciliennes et la région. Je crois en la co-éducation ». Vincent Peillon s’est déplacé le 29 novembre au lycée Suger, à Saint-Denis (93), pour assister à la signature de la convention entre les 3 académies franciliennes et la région Ile-de-France. En présence de Jean-Pierre Huchon, président du Conseil régional, Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées, des trois recteurs de Créteil, Paris et Versailles ainsi que des partenaires industriels représentant l’Afinef, association des éditeurs du numérique éducatif , le Syntec, qui regroupe 600 entreprises du numérique, de Radio France et France Télévision, le ministre a aussi labellisé le Campus des métiers des métiers de la création numérique qui s’installe dans cette banlieue défavorisée du nord de l’Ile-de-France.
Un Campus des métiers unique en France
« Ce qu’il y a de bien dans ce lycée ? Les profs et le matériel ». Julie, une élève de bac pro photographie, veut travailler plus tard dans la photo de mode. Et elle est certaine que son lycée du 93 va le lui permettre. Suger est pourtant « un lycée de cités » comme le dit sa proviseure. Installé à deux pas de la cité des Francs Moisins, à Saint-Denis, Suger attire grâce à sa filière audiovisuelle des lycéens de toute la région et même d’autres régions. Le lycée propose des formations allant du bac pro au BTS audiovisuel (avec 4 options) en passant par un bac STI photo et un ingénieux bac gestion administrative (Stmg) option audiovisuel et événementiel. « Le lycée est très calme », nous confie le CPE qui souligne que la filière y est pour quelque chose. Elle apporte de la mixité sociale. Depuis 2010 le taux de réussite aux bacs généraux et technologiques est passé de 56 à 75%.
C’est qu’alors que de nombreuses sociétés de télévision, du numérique s’installent dans la Plaine Saint Denis, le lycée a développé une filière capable de leur fournir du personnel qualifié. L’éducation nationale a fait l’effort de recruter des enseignants fonctionnaires ou contractuels très engagés et un chef de travaux, Pascal Stoller, qui fait corps avec la filière. La région a mis plus de 30 millions dans la construction du lycée et 5 millions dans le matériel. Il y a 600 ordinateurs dans el lycée. La filière audio visuelle dispose de laboratoires de traitement du son, de plateaux télé, de matériel de mixage ou de travail photo professionnels.
Suger intègre le Campus des métiers du numérique, un campus unique en France. Il associe trois lycées franciliens, une école supérieure (Ensamaa) et 3 universités en premier rang. En second rang s’ajoutent 12 lycées, 5 CFA, des écoles d’art. Le Syntec et l’Afinef ont promis de prendre les élèves en stage et n’hésitent pas à envoyer leurs salariés en formation au Greta. Radio France et France télévision sont déjà très présents à Suger. Selon Jean-Pierre Huchon, l’Ile de France abrite les 2/3 des salariés de l’audiovisuel et du numérique français soit près de 340 000 emplois. On comprend qu’on vienne de partout pour bénéficier de la formation donnée par le Campus. Face au lycée, un immeuble en construction abritera à la prochaine rentrée un internat de réussite éducative pour les élèves venant d’autres régions.
Le premier accord académies – région
Mais on était là aussi pour célébrer un événement également unique : la signature de la première convention entre les trois académies et la région. Les partenaires se sont entendus sur 4 axes prioritaires : la lutte contre le décrochage, le numérique, les internats et la vie lycéenne et citoyenne. La région s’est engagée à ouvrir 3000 places d’internat d’ici 2022 dont 2000 en zone ANRU. Elle dotera les internats de lieux de vie et de travail. L’Etat devra fournir l’encadrement éducatif. L’objectif c’est d’accueillir des jeunes des quartiers prioritaires et aussi des jeunes qui veulent suivre des études rares. Les internats doivent aussi faciliter la mixité sociale. Etat et région vont aussi associer leurs efforts pour la lutte contre le décrochage. Selon JP Huchon cela représente 28 000 jeunes. 13 000 bénéficient d’une solution de formation. Restent 15 000 pour lesquels il faut chercher une solution. Un gros effort de prévention sera fait dans les établissements avec un groupe de suivi dans chaque lycée selon un engagement des académies. La région va continuer à développer la vie lycéenne y compris l’éducation à la liberté sexuelle à travers par exemple un pass contraception.
Un nouvelle ère pour le numérique ?
« Les bouts de ficelle c’est terminé ! » a promis JP Huchon à propos de la maintenance. La région et les 3 académies ont réussi à se mettre d’accord sur un dossier qui reste épineux partout. Si la loi d’orientation a bien confié aux régions la maintenance du matériel numérique des lycées, l’Etat a décidé de ne pas transférer de crédits pour cette compétence. Finalement en Ile-de-France un compromis est trouvé. La région va monter en puissance son dispositif de maintenance sur trois ans. Durant ces 3 années, les académies maintiendront leurs moyens de façon à former les nouveaux intervenants régionaux. La région investira dans les CDI et dans un « Educlab ».
De la bonne volonté aussi..
Chaque fois qu’on est capable de faire travailler ensemble des entreprises, des universités, des lycées, et des CFA, on a des résultats », a déclaré Vincent Peillon. « En regroupant toutes ces excellences, on donne la possibilité à ces jeunes de démarrer en CAP et de finir ingénieur… Je suis heureux que ce soit dans le 93… Ici il y a des rattrapages à faire ». Le ministre a souligné la « recette bonne volonté ». « On nous abreuve de gens mécontents. Mais chaque fois qu’on va en situation, on trouve des gens qui ont envie que ça marche… Nous assumons d’ouvrir l’école vers la société. Pour être le coeur battant de la République, l’école doit s’ouvrir. La contractualisation est un beau mot ».
François Jarraud
Pour H. Zoughebi la création du campus va permettre de relever le défi de l’arrivée de grands groupes dans le 93. Pour les enseignants, l’accord académies – région permettra de mettre en place un vrai service de maintenance du matériel numérique dans les lycées.
Est-ce important que le Campus des métiers s’installe ici dans le 93 ?
Le fait que le campus de la création numérique soit dans le 93, à Saint-Denis, à coté d ela cité du cinéma, avec le Syntec qui s’engage pour offrir des stages, Radio France, France TV, tout un ensemble d’entreprises qui décident de soutenir cet effort, c’est en concordance avec le développement du territoire. Ce sont 12 000 emplois qui sont arrivés dans le 93 avec l’arrivée d’Orange, de SFR. Tout l’enjeu pour moi c’est que les jeunes de ce territoire, de cette ville, de ce département puissent bénéficier de ces emplois. Avec le campus, la mise en réseau des lycées, universités et entreprises, ce sont plus de jeunes qui bénéficieront de ces emplois.
Vous avez annoncé un grand programme numérique dans l’accord académies – région. Quels changements les enseignants peuvent-ils attendre ?
Au moment où l’Etat vient de nous donner une compétence nouvelle, sans moyens, il s’engage à maintenir pour trois ans ses moyens, le temps qu’on développe notre propre réseau de maintenance. Cela va nous permettre de former nos emplois d’avenir. On se laisse le temsp de construire un vrai schéma régional numérique pour la maintenance.
L’accord évoque aussi des changements dans les CDI ?
Le mot cdi ne convient plus. Pour moi ce sont des centres de connaissances et de culture. Ces centres doivent devenir des relais de ressources numériques et de livres et encourager la coopération entre les équipes éducatives autour d’elles.
Vous annoncez un « Educlab ». De quoi s’agit-il ?
On considère qu’il y a des enseignants qui ont des compétences, des jeunes qui ont des envies et qu’on a un retard dans le domaine de la e-education. L’idée c’est de mettre en relation les jeunes et les enseignants avec les industriels qui en ont besoin. Ce sera un laboratoire chargé d’imaginer cette coopération horizontale avec les jeunes et les familles.
Propos recueillis par F. Jarraud
Comment progresser vers les contrats tripartites entre l’État, les établissements d’enseignement (EPLE) et les collectivités locales ? Éducation et Territoire proposait une journée de réflexion sur ce thème aux cadres des directions de l’éducation des Départements et des Régions, des services déconcentrés de l’Éducation nationale et aux équipes de direction des EPLE, le 26 novembre à Paris. Ces contrats relèvent-ils de la logique pragmatique, quand les charges financières qui incombent aux collectivités continuent de s’alourdir ? Ou sont-ils le signe d’un désengagement de l’État, au risque d’un accroissement de la tutelle locale qui inquiète enseignants et chefs d’établissements, quant aux contenus d’enseignement, ou à la gestion interne des EPLE ? La mesure vise à fluidifier la gestion des établissements, entravée par le croisement parfois antagoniste des tutelles et devrait obtenir, estime-t-on, l’assentiment de tous. Mais du discours à la mise en œuvre, l’écart ne semble pas si aisé à franchir.
Dans la continuité des politiques de décentralisation
Pour Bernard Toulemonde, responsable d’Éducation et Territoire et ancien recteur, le décret sur la signature d’accords tripartites est dans la continuité de la politique de décentralisation de l’éducation. Il vient entériner la participation croissante des collectivités locales à la gestion des affaires éducatives. Après les charges financières, puis les missions de service public, les collectivités fournissent des équipements pédagogiques (matériels documentaires, sportifs, numériques…) qui leur confère, de fait, un rôle dans les choix éducatifs. D’autre part, les régions ont la responsabilité de l’aménagement du territoire, de la prévision et de la carte des formations professionnelles, de la coordination de l’orientation. Les EPLE se trouvent ainsi au centre d’un « enchevêtrement complexe de compétences partagées » quand une « étroite collaboration des services académiques et de la collectivité est indispensable. » Le double partenariat bipartite, entre EPLE et État d’une part, et entre EPLE et collectivité de rattachement d’autre part, ne favorise pas le dialogue et la concertation nécessaire, alors qu’un seul contrat manifesterait « une volonté commune de conjuguer les efforts pour la réussite des élèves ».
« Tout le monde gagnerait à cet accord »
Au terme d’une journée de conférences et de débat, Nicole Belloubet, membre du Conseil constitutionnel, ancienne rectrice de l’Académie de Toulouse et ancienne vice-présidente de la région Midi-Pyrénées, propose une synthèse des échanges. Si les politiques pédagogiques du ministère prévalent, les politiques des collectivités territoriales pénètrent dans le champ éducatif, remarque-t-elle. Le croisement de ces deux volontés au sein de l’établissement doit prendre la forme d’un partenariat actif, ce que permet l’accord tripartite. Il répond à une faculté circonstancielle, à une nécessité structurelle et à des modalités différentielles, résume-t-elle. Faculté circonstancielle parce qu’il doit permettre de dépasser les accords bipartites, trop souvent vécus comme des injonctions descendantes, de l’État vers les EPLE, ou trop rarement mis à jour par les collectivités locales, au risque de mettre les chefs d’établissement en difficulté. Ces accords bipartites juxtaposent des problématiques sans les résoudre. Peut-on espérer des nouveaux contrats qu’ils surmontent les réticences réciproques et permettent de progresser vers une co-construction des compétences publiques ? « De toute façon, on ne reviendra pas en arrière, affirme Nicole Belloubet, même s’il faut prendre en compte le temps et la faisabilité pour chaque service, sans contraindre ».
Penser l’éducation en termes de territoire
Nécessité structurelle, d’autre part, pour une mise en cohérence indispensable : les régions disposent de compétences stratégiques dans le domaine des formations professionnelles, il faut y améliorer la coordination des actions. L’intégration du projet d’établissement des EPLE dans le contrat permet d’associer les enseignants et de renforcer la cohésion interne entre les acteurs. La nécessité est également celle d’une réflexion territorialisée, pour établir le lien avec les publics en fonction des caractéristiques du bassin. A l’inquiétude exprimée par le monde enseignant, d’une mise en cause des diplômes d’État, ou encore du décalage entre des contrats de moyens passés pour 3 ans et les budgets locaux, très contraints, établis pour l’année, elle objecte l’exemple des contrats de site passés dans l’enseignement supérieur, en Midi-Pyrénées, qui constituent des schémas régionaux adaptés dans un cadre national.
« Expérimentons ! »
Modalités différentielles, en fin, pour ces contrats tripartites qui laissent le champ libre aux expérimentations. Il faut créer les conditions favorables au développement de ces accords, conclut-elle, par un dialogue politique, des expériences progressives et une mise en synergie réciproque. L’État va devoir s’interroger sur la manière dont les collectivités territoriales peuvent apporter leur soutien au fonctionnement des établissements publics d’enseignement. La négociation ne pourra plus se faire à deux, mais à trois, avec un équilibre équitable dans le partage des rôles. Les représentants des collectivités, qui sont des élus, ont besoin de visibilité et de communication ; ils veulent être visiblement associés aux discussions, jusque sur les contenus scolaires. « L’Éducation nationale, est-ce que ce doit être tout le monde, en même temps, de la même manière ? » interroge Nicole Belloubet.
Dans cette avancée vers une nouvelle forme de gouvernance, peut-être plus « démocratique » ou davantage ouverte vers la co-éducation, voulue par le ministre Peillon, il faudra sans doute encore beaucoup de temps et de dialogue pour parvenir à harmoniser les exigences et les revendications de tous les acteurs. Citant Aristophane, Nicole Belloubet rappelle que « Éduquer n’est pas remplir un vase mais allumer un feu ». Souhaitons, dans ce contexte tendu, que l’image reste purement ornementale.
Jeanne-Claire Fumet
Le site d’Éducation et territoire
http://www.education-territoires.fr/
Les textes de référence à consulter :
Décret n° 2013-895 du 4 octobre 2013 sur le CA des EPLE
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT00002803[…]
Article L-421-4 sur l’organisation du Conseil d’Administration des EPLE
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=FF516419[…]
L’Ile-de-France investit un milliard dans l’éducation en 2014
Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, a présenté le 9 décembre le projet de budget pour 2014. Dans un contexte difficile, marqué par le recul des recettes, la région maintient son efforts pour l’éducation en lui consacrant un milliard d’euros. « Nos politiques éducatives seront poursuivies parce qu’elles font progresser l’égalité entre les lycéens et qu’en améliorant la réussite de chacun, nous améliorons la réussite de tous », a déclaré JP Huchon.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/12/10122013Article63[…]
600 millions pour les lycées du nord
Le Conseil régional et la Banque Européenne d’Investissement (BEI) ont signé le 25 novembre une convention de prêt de 600 millions d’euros pour contribuer au Programme Prévisionnel d’Investissement (PPI) des lycées du Nord-Pas de Calais. Cet argent permettra d’améliorer la fonctionnalité et la sécurité des lycées.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/11/26112013Article63[…]
Sur le site du Café
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