Une alerte sur la santé mentale des jeunes
Jonathan Haidt lance l’alerte : pour ce chercheur et psychologue américain, la santé mentale des jeunes est en danger. Il accuse le smartphone et les réseaux sociaux de jouer un rôle capital dans la montée des dépressions et de l’anxiété depuis le début des années 2010. Il parle d’un passage d’une enfance du jeu à une enfance du smartphone depuis les années 90 qui a modifié les relations sociales. J. Haidt qualifie cette éducation, qu’il appelle « le grand recâblage de l’enfance », d’inédite.
Les enfants, « passant beaucoup moins de temps à jouer, parler, toucher, voire ne serait-ce qu’établir un contact visuel avec leurs amis et leur famille, […] réduisent leurs interactions sociales incarnées, pourtant essentielles à un développement humain sain » écrit-il.
Il articule également ce changement à une surprotection des enfants et à une parentalité anxieuse et surprotectrice qui coupe les enfants du dehors et réduit leur autonomie dans le monde réel. Le jeu libre et non surveillé en extérieur, abandonné, décline depuis les années 80. Or, il favorise l’acquisition de compétences sociales, comme la résolution de conflits, et physiques.
Des chiffres alarmants
Les chiffres avancés par J. Haidt sur la hausse des dépressions chez les adolescents américains (+145% et 161% chez les garçons) depuis 2010 sont alarmants. L’anxiété est le trouble mental le plus répandu chez les jeunes touchant près de 25 % d’entre eux, suivie de la dépression (20 %) et des troubles de l’attention. Les filles sont particulièrement affectées, avec une hausse alarmante des épisodes dépressifs majeurs et des tentatives de suicide (+167 % chez les filles, contre +91 % chez les garçons). Les automutilations chez les filles ont augmenté, tout comme les taux de suicides. Depuis 2010, les visites d’urgences à l’hôpital pour des atteintes non létales sont en augmentation de 188 %, chez les filles et de 48 % chez les garçons.
Pour lui, la tendance est la même aux Royaume-Uni, Canada, et dans les pays nordiques. Le psychologue met en parallèle ces chiffres et l’entrée du smartphone sur le marché et notamment de l’iphone équipé d’une caméra. Les réseaux sociaux et la mise en scène de soi, du règne de l’image, des filtres seraient ainsi responsables de la montée de l’anxiété chez les filles.
Sur les dangers des réseaux sociaux, il identifie « quatre dégâts fondamentaux » : la privation sociale, le manque de sommeil, la fragmentation de l’attention et l’addiction orchestrée par les concepteurs des réseaux sociaux. Il accuse les concepteurs de technologie, les entreprises de faire du profit et d’attirer les jeunes utilisateurs. Pour lui, les gouvernements et les géants de la tech doivent protéger les mineurs, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2020 et la majorité numérique devrait être fixée à 16 ans.
A l’école, il plaide pour plus de jeu et des écoles sans smartphone. Une autre proposition est d’allonger les temps de récréation et d’améliorer les terrains de jeux. Il souligne les effets positifs sur les résultats, et l’intérêt de lâcher la pression sur les temps d’apprentissage.
Il invite les parents à sortir de la culture de la peur et à donner plus d’autonomie à leurs enfants. Aujourd’hui, les usages du smartphone d’un enfant peuvent à la fois être non contrôlés et échapper aux parents, tout en permettant à ceux-ci de surcontrôler et tracer leurs enfants…
Djéhanne Gani
Jonathan Haidt, Génération anxieuse. Comment les réseaux sociaux menacent la santé mentale des jeunes. Les arènes, 2024. (trad. J. Bussek)
Pour recevoir notre newsletter chaque jour, gratuitement, cliquez ici.