Des arts plastiques dans le second degré à l’école maternelle, Sandrine Lemoine partage son parcours professionnel, ses plaisirs et ses difficultés. « Ce changement n’a pas été une évidence », dit-elle au Café pédagogique, elle évoque le sens du métier, les conditions de travail, son sentiment d’utilité : « Cette impression d’être utile et de se dire que ça vaut vraiment le coup de faire de son mieux est un vrai moteur ».
Vous êtes aujourd’hui professeure des écoles. Pouvez-vous présenter votre parcours ?
Après un bac scientifique, je suis entrée en fac où j’ai obtenu ma licence puis un CAPES d’arts plastiques (je me disais qu’être enseignante était un métier « sûr »). J’ai ensuite enseigné deux ans en région parisienne avant de demander un rapprochement de conjoint : mon mari préparait sa thèse et enseignait à Poitiers mais le plus proche que j’ai obtenu était le sud de l’Eure-et-Loir. J’y ai donc enseigné les arts plastiques pendant encore quatre ans dans l’ambiance assez agréable d’un collège de campagne, assurant aussi les cours de l’option arts plastiques du lycée voisin lors de ma dernière année. Après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai pris un congé parental qui m’a permis de suivre mon conjoint qui avait entre temps été nommé en lycée dans le Loir-et-Cher. Pendant ce congé parental, j’ai préparé le CRPE par correspondance avec le CNED pendant les siestes de mes filles et je l’ai passé dans l’académie de Nantes (nous espérions nous rapprocher de la Bretagne). J’ai obtenu ce CRPE et un lumbago (première d’une longue série d’années de manifestations de stress dans ce métier) et me suis retrouvée affectée au Mans pour l’année d’IUFM que je devais effectuer. Mon mari a donc pris une disponibilité pour me suivre (notre règle constante étant toujours que toute la famille habite au même endroit) et nous sommes partis habiter au Mans.
Un an plus tard, à la fin de ma formation, nouveau déménagement : j’avais été affectée dans une petite école de deux classes avec une collègue qui sortait elle aussi de l’IUFM : j’avais les TPS-PS-MS-GS-CP et la direction et elle les CE1-CE2-CM1-CM2 ! Là aussi nous avons connu une ambiance de travail très chouette, avec une mairie (située entre les deux classes) et sa secrétaire très bienveillantes, des parents très investis dans la vie de l’école et très chaleureux… Le seul hic c’est que débuter avec autant de niveaux représente une énorme charge de travail : j’ai quasiment vécu à l’école cette année-là, ne voyant que très peu mes deux filles encore petites en dehors des vacances, tout en ayant une impression permanente d’échec à bien faire mon travail. A l’issue de cette année, j’ai donc demandé une disponibilité pour suivre mon conjoint qui avait obtenu un poste à l’université de Tours. Ne souhaitant pas rester sans travail, j’ai cherché à faire des remplacements, mais c’était compliqué : n’étant pas affectée dans ce département, il m’a été dit que je ne pouvais faire des remplacements que dans des IME et des ITEP privés. C’est ainsi que j’ai fini, pour les derniers mois de l’année scolaire, par remplacer une collègue dans un ITEP de Tours (expérience difficile mais enrichissante). J’ai ensuite pu intégrer ce département dans lequel j’ai enseigné en cycle 3 et en maternelle pendant les onze années qui ont suivi. Enfin, en 2017 mon mari a obtenu un poste à l’université de Bordeaux et j’ai obtenu ma mutation dès la rentrée suivante : c’est donc là que j’enseigne dans la même école maternelle depuis 7 rentrées.
Vous enseigniez les arts plastiques. Pourquoi ce changement ?
Ce changement n’a pas été une évidence… Cependant, au bout de peu d’années d’enseignement, j’ai commencé à ressentir un besoin de changement : travailler avec des adolescents était intéressant, mais ne les avoir en cours qu’une heure par semaine était assez frustrant (même s’il y avait l’avantage de les suivre sur leurs quatre années de collège) et la manière dont on nous avait appris à structurer un cours d’arts plastiques à cette époque ne rendait pas la pratique de l’enseignant très intense à mon goût : on donnait un sujet au début du cours, les élèves répondaient à ce sujet en une ou deux séances (moment pendant lequel l’enseignant était là pour relancer, questionner, aider) avant un affichage des réalisations avec verbalisation et apport de références. J’ai donc profité de ma deuxième année de congé parental pour passer le CRPE avec l’idée d’enseigner à des élèves de cycle 3 (qui ne me semblaient pas trop éloignés de mes sixièmes de collège) et en sachant que j’aurai un an pour choisir : avant d’être titularisée dans mon nouveau corps, j’avais toujours la possibilité de revenir dans le corps des enseignants d’arts plastiques (passé ce délai, le changement était irréversible par contre).
Et alors, enseigner en maternelle et collège-lycée, le même métier ?
Pas vraiment ! Deux différences essentielles de mon point de vue : en maternelle, et en primaire de manière générale, on enseigne mais on vit aussi toute la journée avec nos élèves (ce qui est très différent pour moi qui ne voyais mes élèves du secondaire qu’une heure par semaine) et de manière souvent très intense, les jeunes enfants sollicitant énormément les adultes tout au long de la journée là où les collégiens et a fortiori les lycéens sont plus autonomes. L’autre grande différence, c’est que l’on enseigne toutes les matières : on n’est donc spécialiste de rien, mais on peut faire beaucoup de liens entre tous les domaines.
La réalité de métier de professeur des écoles est telle que vous l’imaginiez ? Des surprises ?
Je n’aurais jamais pensé avant de l’exercer que ce métier était aussi prenant : d’abord en classe où l’on est très sollicité par les enfants de la première à la dernière minute d’école, mais aussi parce qu’on est enseignant 24h/24 : on pense à nos élèves, à leurs difficultés scolaires ou personnelles, aux parents, à la classe un peu tout le temps, on se rend compte qu’on en parle aussi beaucoup à la maison quand encore on n’en rêve pas ! C’est à la fois passionnant et usant ! Comme nombre de mes collègues, je m’endors donc souvent à peine posée dans le canapé le soir…
Qu’appréciez-vous particulièrement dans votre poste actuellement ?
Ce que j’apprécie particulièrement dans mon poste actuel (et qui fait que je n’ai jamais demandé de mutation depuis que j’y ai été nommée un peu par hasard…) c’est la relation avec des enfants qui ont besoin de l’école : je travaille dans un quartier qui n’est pas très favorisé dans l’ensemble et tout n’est pas déjà donné à nos élèves à la maison. Cette impression d’être utile et de se dire que ça vaut vraiment le coup de faire de son mieux est un vrai moteur. De plus, les parents nous emmènent souvent leurs enfants avec une confiance qui nous oblige et je travaille avec une bonne équipe ce qui est essentiel au quotidien et plus encore quand l’on rencontre des situations difficiles.
Propos recueillis par Djéhanne Gani