David contre Goliath. Jeudi 12 décembre 2024, des lycéens et lycéennes se sont rassemblés devant le lycée Hélène Boucher (Paris 20) pour dénoncer les violences et la répression policières qui ont accompagné leur mobilisation du mardi 3 décembre, durant laquelle des policiers munis de boucliers et LBD (lanceurs de boules de défense) les ont été frappés et arrêtés. Comme en mai et en juin 2024 dans d’autres lycées de la capitale, quatre mineurs ont été placés en garde-à-vue au commissariat où ils ont passé la nuit. En juin déjà, une mobilisation de lycéens s’était finie en garde-à-vue pour 48 d’entre eux. Criminalisation de la jeunesse et approche répressive ont été les réponses aux expressions et revendications d’une jeunesse, qui cherche à se faire entendre. L’éducation en option ?
« Le blocus, c’est le seul moyen pour qu’on nous entende »
« Le blocus, c’est le seul moyen pour qu’on nous entende » explique Armand* un des lycéens présents lors du rassemblement. Il a assisté à la fin du blocus de mardi 3 décembre, il raconte : « j’ai vu qu’au lycée Victor Hugo, c’était très violent. Un des lycéens a été frappé dans la cuisse avec le bout d’une arme, avec je crois un LBD. Les policiers n’ont pas à frapper, à gazer, à emmener en garde-à-vue ». Il poursuit : « il faut en parler, et de ce qu’on subit tous quand on veut faire un blocus ». Une autre enchaîne : « ce n’est pas une justification pour tabasser des élèves, il y a une différence entre des gaz lacrymogènes, des LBD et des œufs, c’est pas comparable. » Ils décrivent des scènes extrêmement violentes de coups, ils expriment leur incompréhension et leur surprise face à cette violence.
Des violences physiques, morales et psychologiques de la police contre des lycéennes et des lycéens
Laura* est une des lycéennes interpellées et arrêtées cette année. Elle est venue au rassemblement pour dénoncer la violence policière contre les lycéennes et lycéens. Comme quatre lycéens interpellés mardi 3 décembre, elle avait été relâchée après 24 heures de garde-à-vue, sans poursuite. En juin elle avait participé à l’occupation du lycée Hélène Boucher en soutien à la Palestine : « on a fait une occupation en soutien à la Palestine, on est resté 1h30 et on n’a rien dégradé. On a été regroupés dans une salle, ils nous ont menacés avec une arme, ils ont frappé tout le monde pour qu’on s’allonge par terre ». Elle décrit l’intervention violente de la police, les violences verbales et physiques, les gaz lacrymogènes. Une jeune fille mate de peau est traitée de Pocahantas, un garçon passé à tabac.
Elle continue : « on était seuls avec la police. Les policiers nous ont tous menottés dans une salle de classe contre les murs, fouillés un par un. Ils lançaient des insultes racistes, sexistes, tout. Ils ont voulu nous impressionner, se montrer plus forts que nous. Ils m’ont emmenée au commissariat, j’ai été examinée et mise en cellule. Ce n’est pas nous qui leur faisions peur, c’est eux qui nous terrorisaient. » Et la lycéenne de raconter, les menottes, la violence, l’horreur de la cellule, les odeurs d’urine, la saleté des murs, l’attente, la perte de la notion du temps : « on était perdus » dit-elle. Julien* aussi a été embarqué, il décrit la même violence et la même incompréhension face à une réponse policière jugée disproportionnée. Il parle de son trajet en fourgon, « heureusement j’étais pas seul, on était dix dans la cellule ».
« Une violence exorbitante, de l’interpellation jusqu’à la garde-à-vue »
Le député Pouria Amirshahi a exercé son droit de visite mardi 3 décembre au commissariat pour voir les quatre élèves en garde-à-vue. Il évoque la « violence exorbitante, de l’interpellation jusqu’à la garde-à-vue- au regard de ce que les lycéens ont fait, c’est-à-dire pas autre chose que s’inscrire dans un mouvement social ». Il s’interroge sur les effets de cet « enfermement aussi inutile que violent » qui s’inscrit dans « la criminalisation d’un mouvement social, y compris dans la jeunesse et dans une époque sécuritaire qui s’accélère ».
Face à la répression policière, un appel au dialogue et au droit d’expression des lycéennes et lycéens
Suite à ces déferlements de violences de la police, des parents d’élèves se mobilisent. La FCPE Paris « condamne fermement les conditions de l’intervention des forces de l’ordre survenue mardi 3 décembre 2024 » et « l’utilisation systématique des forces de l’ordre dans et autour des lycées ». En juin, après les arrestations violentes et les gardes à vue de 48 élèves pour la plupart mineurs, issus de 15 lycées parisiens, elle a appelé le rectorat au dialogue et « à la sanctuarisation de tous les établissements scolaires » et de leurs abords. Lors du rassemblement du 12 décembre, un parent d’élève est présent devant le lycée pour défendre le droit des lycéens à la liberté d’expression et les protéger : « on est aussi là car il y a la police, qui a réprimé avec tant de violence des gamins qui s’expriment, cette violence est inacceptable. » La FCPE Paris rappelle que « l’Ecole doit rester le lieu du savoir et de l’émancipation de notre jeunesse. Les élèves doivent pouvoir y être accompagnés et protégés. Elle ne peut en aucun cas devenir un lieu de violence. »
Djéhanne Gani
* Les prénoms ont été modifiés