Frédéric Grimaud relate des entretiens de professeur.es des écoles, qui parlent de leur métier, de l’organisation de leur travail, et de tous les choix auxquels le quotidien de la classe les confronte. Chaque semaine, retrouvez deux d’entre eux et d’entre elles qui expriment un point de vue différent sur la manière de faire leur métier, qui n’utilisent pas les mêmes outils pour réaliser leur tâche, qui ne font pas les mêmes gestes professionnels. Aucun ni aucune des deux n’a raison, aucun ni aucune des deux n’a tort, mais ils et elles assument ne pas faire exactement la même chose.
Cédric et Mylène sont professeurs en CE1. Tous les deux s’accordent sur l’importance que le travail des élèves soit daté, afin de le restituer dans la chronologie de l’année. Cependant, pour dater les copies, ils n’utilisent pas le même outil.
Mylène : « Oui bien sûr je trouve que c’est important que la date figure sur la copie de l’élève. Maintenant je ne souhaite pas qu’ils passent du temps à écrire la date. On ne dirait pas comme ça mais les CE1, surtout au début de l’année, c’est encore des bébés et ils ne sont pas super autonomes. Donc déjà, leur dire de prendre la feuille, leur expliquer correctement la consigne, leur faire sortir les bons stylos … c’est toute une aventure.
En plus, j’en ai qui ne finissent jamais leur travail donc s’ils doivent copier en plus la date, même si elle est écrite au tableau, ça va leur prendre beaucoup de temps et au final je préfère qu’ils soient dans la seule tâche que celle que je propose. Alors je trouve un truc pour ne pas qu’ils passent du temps à écrire la date, d’autant qu’ils l’ont déjà écrite plusieurs fois dans la même journée déjà alors ! Avant j’avais essayé des étiquettes avec la date que je découpais et qu’ils collaient. J’ai essayé, mais c’était pire ! Ils sortent la colle, ils en mettent partout, c’est mal collé, bref, j’ai dû trouver une autre technique.
« Un tampon dateur et franchement c’est quand même bien pratique »
Et j’ai vu que ma collègue utilise un tampon dateur et franchement c’est quand même bien pratique. Quand ils me rendent le travail je mets un coup de tampon quelque part et on n’en parle plus. Au départ j’avais un tampon pas cher avec une boite d’encre où tu trempes le tampon, des petites molettes qui bougeaient tout le temps et puis il n’y avait pas le mois écrit en entier. Cette année, j’ai investi pour la classe avec un gros tampon automatique où le mois est écrit en entier. Pas la peine d’avoir un encreur en plus, il est intégré. »
Cédric n’est pas du tout d’accord avec le choix de Mylène et il le dit : « Alors moi je ne vois pas me balader en classe avec un tampon encreur et mettre la date chaque travail sur chaque copie d’élève. J’aurais l’impression d’être une secrétaire qui tamponne à la chaine. Vraiment l’idée ne me plait pas. En plus je trouve ça super important que les enfants écrivent la date. Ça ne leur fait pas de mal d’écrire chaque fois que l’occasion s’en présente.
« Je trouve que de ritualiser ça, ça permet aussi de se mettre en condition » : « on va travailler »
J’en ai encore plein qui ne sont pas capables de te dire quel mois on est alors si ça peut leur faire rentrer que décembre c’est après novembre et avant janvier, je suis preneur. Donc dans ma classe on prend le temps. Le travail sur fiche commence par le rituel de la date, qu’on souligne, et comme ça on écrit son nom aussi et parfois un titre. Et on le met en valeur. En plus, je trouve que de ritualiser ça, ça permet aussi de se mettre en condition « on va travailler ». Les élèves voient qu’on sort une feuille, qu’on la prépare avec le nom, la date, le titre … et que à partir de là on est concentrés dans sa tête pour un travail personnel qui a un début et une fin. Le début c’est la date. »
Petite analyse : A partir d’une discussion sur un outil anodin comme un tampon dateur, Cédric et Mylène nous livrent la définition personnelle qu’ils ont de ce qui relève du bon travail avec leurs élèves. Leur permettre de se concentrer sur la tâche proposée par l’enseignant en les dégageant de la copie de la date, ou bien considérer qu’écrire la date fait partie intégrale du travail de l’élève et que ça permet même de la cadrer : les choix des uns et des autres se discutent… se disputent.
Et vous, lorsque vous mettez vos élèves en situation de travail personnel, vous êtes plutôt comme Mylène ou comme Cédric ?
Frédéric Grimaud