Avec une mise en page plus dense et un jargon plus conséquent, les différences ne sautent pas tout de suite aux yeux dans cette nouvelle mouture du programme d’éducation à la sexualité. Le projet rendu public par le CSP en mars dernier a été remanié ces jours-ci suite aux consultations du ministère de l’Education nationale. Cette version de travail que s’est procurée le Café pédagogique devrait être débattue le 12 décembre prochain au CSE.
Une nouvelle forme qui cache un peu plus le fond
Le projet remanié de 40 pages n’affiche pas les modifications engendrées par la rue de Grenelle. » Ceci pour assurer la lisibilité de la version présentée en commissions spécialisées. L’entrée en vigueur est prévue pour la rentrée de l’année scolaire 2025-2026″, peut-on lire en couverture de cette version qui doit être présentée le 12 décembre au Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Sur la forme, on passe de 65 pages aérées et claires à 40 pages beaucoup plus denses et compactes.
L’organisation des tableaux synoptiques a elle aussi changé : les objets d’étude ont été supprimés. Ainsi les entrées bien identifiables, comme « explorer la notion de consentement » ou « violences sexistes et sexuelles » ne sont plus indiquées aussi nettement. Le jardon habituel a pris le relais sur les questions simples qui étaient mises en avant dans la version du CSP. D’ailleurs de « préconisations d’activité », il est désormais écrit « propositions de démarches et d’activités ».
Les finalités de ce programme tant attendu par les équipes pédagogiques restent identiques. » Ce programme national, l’éducation à la sexualité exprime un engagement collectif de la Nation. Elle revêt un caractère obligatoire et elle est mise en œuvre sur l’ensemble du territoire, tant dans les établissements publics que dans les établissements privés sous contrat ». Le préambule est même plus affirmé sur bien des aspects et donne davantage de précisions. Ce préambule note l’importance de la lutte contre toutes les discriminations de sexe, d’identité de genre et d’orientation sexuelle (hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, asexualité). L’éducation à la sexualité sensibilise au principe du consentement et contribue à la prévention des différentes formes de violences (violences physiques, verbales, psychologiques, harcèlement, emprise), et notamment des violences sexistes et sexuelles (y compris l’inceste). Un parcours progressif est prôné « en veillant à se garder de toute intervention autoritaire ou dogmatique ».
Une plus grande latitude dans la progression en maternelle
Les 3 axes proposés par les 18 experts du CSP dont un médecin, une infirmière et une sociologue sont conservés. 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité sont toujours demandées pour cette éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). « Les parents d’élèves en sont informés ». Les principales modifications sont peut-être au niveau maternel où la progression est moins fléchée que sur le premier jet. Au lieu des niveaux MS, PS, GS, il est désormais écrit « à partir de 4 ans, à partir de 5 ans ». Cette plus grande latitude n’enlève en rien le contenu sur l’égalité filles garçons, sur les différentes structures familiales ou encore les différents types de sentiments déjà présents auparavant.
A la page 7, un tableau allant du CP à a Terminale et même au CAP, cadre davantage les thématiques. L’intimité sera abordée en CP et les changements du corps de la puberté en CM1. Les violences sexistes et sexuelles en CM2 et la sexualité en 4ème. D’ailleurs, la notion d’asexualité fait son apparition à ce niveau. « Envisager la sexualité comme un cheminement personnel singulier et comprendre sa diversité d’expression, y compris via l’asexualité », peut-on lire. En 3ème , les pratiques de mutilations sexuelles féminines et les fausses représentations associées à la sexualité comme la performance ou la première fois sont aussi indiquées. Le programme propose de faire « un jeu de questions-réponses permettant d’aborder les questions d’identité de genre et d’orientation sexuelle en les replaçant dans un contexte historique et légal » en fin de collège.
Au lycée, pas de changements non plus mais des apports qui densifient encore plus le programme.« Être soi, entre acceptation et déni », sera un thème réservé à la classe de 1ère. « À partir d’une scène de fête dans une œuvre cinématographique ou littéraire, ou de scènes de pression de groupe, ou encore de campagnes de prévention, analyser les réactions des personnages après la prise de substances psychoactives », peut-on lire dans les propositions qui citent aussi la problématique de la « soumission chimique ». Enfin en terminale, les lycéens pourront « analyser les risques des pratiques pré-prostitutionnelles et prostitutionnelles pour la santé physique et mentale » mais aussi « comprendre les fondements et les mécanismes de la fabrique culturelle de l’excitation ».
Tous ces sujets méritent un temps de formation conséquent pour les enseignants qui devront aussi s’approprier ce programme en équipe pour l’articuler sur les années scolaires.
Djéhanne Gani