« Le Plan Langevin-Wallon a rompu résolument avec le système d’enseignement qui avait prévalu tout au long de la troisième République, fondé sur des ordres verticaux d’enseignement fortement cloisonnés et hiérarchisés ». 80 ans après, ce plan est-il toujours d’actualité ? Dans cet article, l’historien Claude Lelièvre rappelle les débuts des travaux, leur contexte et leurs objectifs.
Le 8 novembre 1944, il y a tout juste 80 ans, les travaux de la commission Langevin-Wallon (du nom de ses deux présidents successifs) débutaient. La troisième République et son École avaient laissé place à l’État français dirigé par Philippe Pétain. La Libération étant en marche, il s’agissait de refonder l’École républicaine.
Le Plan Langevin-Wallon : des éléments de contexte
Le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance avait adopté un programme de gouvernement comportant la mise en œuvre d’une nouvelle « révolution par la loi » avec une réforme globale de l’enseignement à qui était assignée notamment l’objectif suivant :« la possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires. »
Le Plan Langevin -Wallon présenté en juin 1947 a proposé effectivement une réforme globale de l’Ecole, mais avec un objectif sensiblement modifié et nettement plus progressiste (mais plus difficile à mettre en œuvre). Selon le Plan, « le premier principe, celui qui par sa valeur propre et l’ampleur de ses conséquences domine tous les autres, est le principe de justice. […] Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques, ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte. Ils ne doivent trouver d’autres limitations que celle de leurs aptitudes. L’enseignement doit donc offrir à tous d’égales possibilités de développement, ouvrir à tous l’accès à la culture, se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peuple les plus doués que par une élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la nation ».
Un plan de rupture
Le Plan Langevin-Wallon a rompu résolument avec le système d’enseignement qui avait prévalu tout au long de la troisième République, fondé sur des ordres verticaux d’enseignement fortement cloisonnés et hiérarchisés. Et c’est cette architecture d’une École institutionnellement unique qui s’est finalement imposée en une cinquantaine d’années, non sans limites ou résistances persistantes d’ailleurs. L’édifice scolaire repose désormais en principe, comme le préconisait le Plan Langevin-Wallon, sur quatre strates horizontales successives : l’école maternelle (de 3 ans à 7 ans dans le Plan), l’école élémentaire (appelée premier cycle de l’école obligatoire, de 7 à 11 ans dans le Plan), le collège unique (appelé deuxième cycle de l’école obligatoire ou cycle d’orientation, de 11 à 15 ans dans le Plan), les lycées (appelé troisième cycle de l’école obligatoire ou cycle de détermination, de 15 à 18 ans dans le Plan, avec ses trois voies différenciées : la section « théorique», la section « professionnelle», la section « pratique», correspondant grosso modo, respectivement à nos voies générales, technologiques et professionnelles). On notera, même si plus de 90 % des jeunes sont encore scolarisés de fait à 18 ans actuellement, que l’âge de la fin de scolarité obligatoire n’a pas été porté à 18 ans comme le préconisait le Plan Langevin-Wallon, et reste fixé à 16 ans (non sans mises en cause récurrentes plus ou moins ouvertes d’ailleurs).
Un objectif toujours à atteindre
Mais cela n’a pas suffi pour que l’objectif préconisé par la Plan Langevin-Wallon soit atteint, sans doute parce qu’on n’a pas été – tant s’en faut – résolument dans le sens des modifications pédagogiques ou de culture scolaire esquissées par les rédacteurs du Plan. En définitive, le plan Langevin-Wallon s’était prononcé pour une sorte de « compromis historique » : « L’enseignement doit offrir à tous d’égales possibilités de développement, ouvrir à tous l’accès à la culture, se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peuple les plus doués que par une élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la nation. » Mais à vrai dire, ce qui l’a généralement emporté de fait depuis – dans les résultats scolaires comme dans les politiques scolaires – c’est moins « une élévation continue du niveau culturel de la nation » qu’une « sélection qui éloigne du peuple les plus »doués » ». Et la France se retrouve régulièrement, lors des différentes livraisons ‘’PISA’’, parmi les pays où les origines socioculturelles des élèves discriminent le plus les résultats.
Claude Lelièvre
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