Au cœur du débat public, l’école privée sous contrat « réclame de la sérénité » selon son secrétaire général Philippe Delorme. Sous le feu des projecteurs pour ses financements, l’absence de contrôle et ses scandales comme Stanislas, la question de l’école privée sous contrat s’est imposée avec des rapports parlementaires, de la cour des comptes et les dires de la ministre Oudéa-Castera. Que retenir de la conférence de presse de rentrée de ses dirigeants ?
La question centrale de la mixité
L’enseignement catholique a signé un protocole non contraignant avec le ministre Pap Ndiaye en 2023. Les dirigeants de l’enseignement catholique ont mis en place leur propre outil de mesure de mixité. Nommé Items, cette base de données « permettra une transparence sur la réalité sociale et économique » des établissements. Un premier bilan est annoncé pour janvier 2025. L’enseignement catholique prépare donc une base de données différente de celle du ministère qui fonctionne elle avec les IPS (indice de position sociale).
Philippe Delorme complète en réaffirmant l’objectif de « doublement des élèves boursiers » mais sous la condition des aides sociales venant des collectivités notamment pour la restauration. Le risque est d’attirer ou de sélectionner, les élèves boursiers aux bons résultats, c’est-à-dire de favoriser la mixité sociale mais pas la mixité scolaire.
« Une école non lucrative, une école associative »
Dans un contexte de baisse démographique, la stabilité relative des effectives atteste de la forte attractivité de l’école privée sous contrat. Certaines académies ont même des hausses d’effectifs. L’école privée sous contrat se porte bien comme à la rentrée dernière. Elle compte 2 millions d’élèves dans 7200 établissements, 138 000 enseignants.
Pour Philippe Delorme, l’attractivité de l’école privée n’est pas « un miroir conjoncturel des dysfonctionnements grandissants de l’école publique » qui prospérerait « sur le dos de l’enseignement public, du seul fait de ses manquements ». Il dit refuser « le procès en carences » et insiste sur la liberté d’enseignement comme « la proposition éducative, fondée sur l’Evangile » de l’enseignement catholique. Le secrétaire général récuse également le procès d’intention contre l’enseignement privé taxé de modèle de la privatisation : « notre fonctionnement, qui est celui d’une école non lucrative, une école associative, qui appartient au secteur de l’économie sociale et solidaire »
Sur le plan politique, Philippe Delorme dénonce la valse des réformes et revendique « une école de la sérénité (qui) a besoin de temps long et de stabilité » : tel sera le message qu’il portera au futur ministre.
« La guerre scolaire n’a pas de raison d’être »
Philippe Delorme récuse l’accusation d’une école privée privilégiée : il souligne les 4600 postes supprimés de professeurs depuis 15 ans au regard des 25 000 postes du public, soit 18,5% qui correspondent pour lui aux effectifs sur la période. Il évoque notamment les établissements privés sous contrat exclus de la carte de l’éducation prioritaire et donc des moyens. L’étude des IPS souligne cependant que les établissements privés sous contrat concentrent majoritairement des élèves issus de familles favorisées. De nombreux sociologues comme des économistes alertent sur la ségrégation sociale qui s’amplifient entre les établissements privés et publics. « Seuls 16 collèges privés proposent une unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants, soit moins de 1%, contre 1 024 dans le secteur public, soit plus de 19% », nous expliquait Laurent Frajerman en février dernier.
« Des présumés hors-la-loi » ou une liberté sans conditions ?
Lors de la conférence de presse, le secrétaire général de l’enseignement catholique précise : « nous attendons de l’Etat qu’il soit garant de notre liberté, nous n’avons pas de difficulté avec le fait qu’il exerce un contrôle ». Il affirme : « le contrat d’association ne nous demande pas de faire pareil que l’enseignement public », notamment au nom de la liberté de choix des familles. La liberté de choix des familles devrait-elle légitimer la liberté des établissements privés sous contrat ? Au sujet de la réforme du choc des savoirs, les établissements privés sous contrat avaient annoncé que les groupes de niveau ne seraient pas imposés dans leurs collèges. Cette réforme n’avait pas suscité d’adhésion du côté des personnels, des familles comme des organisations syndicales de l’enseignement publics. Toutefois, les collèges publics, eux, sont tenus d’appliquer la réforme, avec toute la souplesse autorisée par la version Belloubet. Sur ce sujet en effet, il y a convergence de fond mais une inégale liberté entre les établissements privés sous contrat et publics …
L’école retrouvera-t-elle de sa « sérénité » ? Peut-être quand l’école publique comme l’école privée sous contrat retrouveront non seulement du temps long mais aussi de l’égale liberté, de l’égale mixité ?
Djéhanne Gani