Des classes à 20 ? c’est ce que propose ce professeur d’histoire-géographie : « Il est inutile d’inventer des dispositifs particuliers, d’imaginer une école révolutionnaire, de bricoler des groupes de niveau. Une décision simple doit être prise rapidement : décidons que les classes ne dépasseront pas 20 élèves ». Alors que la ministre a annoncé l’annulation des 4000 suppressions de postes prévues par le gouvernement précédent, ce professeur d’Histoire-géographie propose d’aller encore plus loin.
La baisse démographique, amorcée dans le premier degré, se poursuit dans le second degré : elle touche actuellement les classes de collège et arrivera ensuite au lycée. Cette évolution est connue depuis plusieurs années. Mais nous nous entêtons à supprimer des classes en gardant des effectifs élevés afin de faire des économies budgétaires. L’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche raisonnent à court terme, annonçant non plus cette fois la dégradation des conditions de travail des élèves et des enseignants, mais un massacre organisé et planifié de l’Education nationale, car les mesures envisagées comme les suppressions d’écoles seraient difficilement réversibles. Notre pays et nos enfants méritent certainement mieux.
Les dépenses consacrées à l’Education et à la Jeunesse sont fortes dans tous les pays développés, qui misent tous sur l’accès au savoir, sur le développement des connaissances et des compétences pour toutes les classes d’âge et pour toutes les catégories sociales, afin de permettre à chacun de réussir sa vie. Notre pays dépense lui aussi beaucoup, mais sans obtenir les résultats escomptés et en reproduisant les inégalités sociales.
Il est nécessaire de porter un regard global et à long terme sur notre système éducatif. Nos classes sont parmi les plus chargées d’Europe, les enseignants ne sont pas suffisamment formés et le métier d’enseignant n’attire plus.
Pourquoi un effectif maximum de 20 élèves par classe résoudrait bien des problèmes ?
Nous savons que les petits effectifs permettent de faire progresser tous les élèves. Quel que soit l’âge de l’élève, c’est une chance de travailler en petits groupes avec d’autres camarades plus faibles ou plus forts que soi, de coopérer et de réussir ensemble. Ils peuvent mieux se connaître, s’apprécier, échanger, dans un climat plus calme et serein. Le bien-être et la réussite grâce à l’école sont ainsi renforcés.
Nous savons aussi que les petits effectifs permettent au professeur de mieux s’occuper de tous ses élèves, de bien les connaître et de réussir à tous les aider, les conseiller, les encourager, particulièrement lorsqu’ils sont en charge d’élèves en difficulté. Le bien-être au travail, le sentiment d’utilité et d’efficacité, sont ainsi décuplés.
Parions également qu’enseigner à de petits effectifs pourrait permettre de résoudre la crise des vocations : le métier peut faire peur quand il s’agit de maîtriser des classes surchargées, qui sont, entre autres, responsables d’un accroissement du temps de travail (correction) et des tâches administratives (suivi quotidien, bulletins trimestriels) des enseignants. Il fera nettement moins peur quand il s’agira d’enseigner à 20 élèves. L’apprentissage du métier et l’épanouissement des collègues sera accessible.
Les constats sont connus, les études nombreuses et concordantes. Nous savons ce qu’il faut faire. Ayons le courage de rechercher un consensus politique pour mettre en place un plan pluriannuel de réduction des effectifs des classes et de formation continue des enseignants. Rechercher l’efficacité du système et le bien-être des acteurs de l’Ecole n’est ni de droite ni de gauche, mais de bon sens. Les représentants du peuple français et le gouvernement doivent chaque année faire des choix de recettes et de dépenses, autrement dit établir le budget de l’Etat. Le moment est venu. Les choix seront décisifs. Il est vital pour la France de poursuivre l’investissement dans l’Education en profitant de cette baisse démographique pour réduire les effectifs. Sacrifier la dépense d’éducation sur l’autel de la dette serait catastrophique pour notre pays dont l’Ecole souffre depuis trop longtemps.
L’Ecole peut devenir une institution calme et apaisée, à l’abri de l’instrumentalisation politique, où l’on applique sans dogmatisme ce qui fonctionne, où l’on se donne les moyens humains et matériels d’une ambition nationale, où l’on forme pour cela des professionnels chevronnés, où les élèves savent qu’ils réussiront parce que les conditions le permettent. Ces choix ont été faits depuis un demi-siècle par de nombreux pays – la Finlande pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres. Il est inutile d’inventer des dispositifs particuliers, d’imaginer une école révolutionnaire, de bricoler des groupes de niveau. Une décision simple doit être prise rapidement : décidons que les classes ne dépasseront pas 20 élèves. L’objectif est ambitieux et coûteux, mais plus tôt nous le ferons, plus nous pourrons échelonner la dépense, et plus tôt nous en recueillerons les fruits. Osons le faire maintenant et les résultats suivront.
Jehan-Philippe Contesse