L’engouement pour les jeux olympiques et paralympiques s’accompagne d’une réflexion sur les pratiques sportives des jeunes. Envisager de développer un idéal et un mode de vie sportif exige plusieurs conditions. Olivier Rey et Maxime Travert évoquent dans cette tribune plusieurs leviers et invitent à construire des réponses ambitieuses et exigeantes qui peuvent bousculer les représentations jusque-là établies.
Le contexte sportif que traverse notre pays a fait émerger un souhait : il faut que nos jeunes pratiquent le sport ! Cette ambition ne prendra sens et corps que s’ils mettent le sport au cœur de leurs habitudes de vie. On sait, par ailleurs, qu’un jeune sportif a plus de chance que celui qui ne l’est pas de devenir plus tard un adulte sportif. On sait qu’un adulte sportif a plus de chance de voir ses enfants devenir sportifs que celui qui ne l’est pas. L’enjeu est ici d’enclencher ce cercle vertueux.
Pour cela il faut prendre en compte et agir sur une série de facteurs.
Les parents. Dans le meilleur des cas, ils sont prescripteurs, accompagnent et servent parfois d’exemple à la pratique de leurs enfants. Nous avons pu constater, dans le cadre de nos travaux, qu’ils peuvent être également à l’origine de l’arrêt de la pratique sportive. Cette décision est souvent envisagée comme une sanction face à de mauvais résultats ou comme une nécessité afin de libérer plus de temps pour le travail scolaire. Il est nécessaire d’informer les parents sur le lien positif qui a été constaté entre la pratique du sport, l’amélioration des performances scolaires, les compétences sociales, la confiance en soi et la santé. Le développement d’une parentalité sportive est un point d’appui incontournable afin que le sport ne soit pas considéré comme une variable d’ajustement mais comme un point d’appui essentiel à la réussite scolaire et à l’épanouissement des enfants. Ce travail de sensibilisation doit être intégré dans la politique scolaire et les actions des équipes pédagogiques.
Le collège. C’est pendant les « années collège » que les adolescents, et les adolescentes en particulier, abandonnent le plus le sport. C’est le moment du décrochage sportif. Il est indispensable d’augmenter les heures d’EPS en passant à quatre heures hebdomadaires d’éducation par et pour le sport de la sixième à la troisième afin de donner aux enseignants les moyens d’éviter que cette dynamique soit irréversible. Il serait également judicieux de rendre, durant les deux premières années du collège, la participation à l’association sportive (AS) de l’établissement obligatoire. C’est parce que les élèves auront une connaissance précise et vécue des richesses et des plaisirs que peuvent offrir ces moments d’engagement associatif et d’échanges sportifs avec des élèves d’autres établissements, qu’ils pourront, ensuite, décider si durant le reste de leur scolarité, ils continueront de prendre une licence à l’AS de leur établissement. Le collège doit être le lieu privilégié de la fidélisation des jeunes dans un engagement sportif.
Le lycée. L’organisation du lycée est telle que le « métier » de lycéen occupe les jeunes à plein temps. Elle oblige un grand nombre d’entre eux à abandonner la pratique du sport. Or la vie lycéenne serait incomplète sans être compatible avec l’entretien d’une expérience sportive. Pour cela, il faut donner au sport une plus grande place dans la scolarité du lycéen en augmentant le volume des heures d’EPS, de deux heures hebdomadaires actuellement, et éviter de placer des cours ou des devoirs surveillés le mercredi après-midi, seule demi-journée consacrée à l’AS. Les emplois du temps et les regroupements par classe doivent être envisagés en permettant aux élèves se déclarant sportifs d’être libérés en fin de journée pour participer aux entraînements organisés par les clubs. Le lycée est un moment où le double parcours élève/sportif doit être pensé afin qu’il soit vécu positivement.
L’université. La mise en place d’une Maison Sport Campus, sur chaque site, pourrait être un outil afin de renforcer le lien entre nos étudiants et la pratique du sport avec laquelle ils ont pris leur distance. Elle doit être un espace stable, pérenne, auquel s’associent des sensations positives de vie et de partage. Elle doit valoriser le sentiment d’appartenance à une communauté de pratiquants. Son organisation spatiale et humaine doit offrir à chacun la possibilité de pratiquer le sport qui lui convient, quel que soit le moment choisi, et d’accomplir également son travail universitaire. L’université doit être envisagée comme un moment de retour vers la pratique sportive.
Le club. Les clubs doivent aujourd’hui être sensibles aux différentes raisons pour lesquelles les jeunes veulent pratiquer le sport. La compétition n’est pas le seul objectif qui donne sens à leur engagement. On peut se mesurer aux autres mais il doit être également possible de vivre d’autres challenges comme surmonter des obstacles ou éprouver ses propres limites. Leur offre sportive doit se diversifier. L’ambition est la fidélisation de leurs licenciés. Cet objectif pourrait être encouragé et reconnu par les pouvoirs publics en indexant les subventions allouées aux capacités qu’ils ont de retenir leurs licenciés. Le club est un lieu qui doit permettre aux sportifs de s’y impliquer et d’inscrire leurs engagements dans le temps.
Le lien entre l’école et le club. La pratique du sport se déroule dans et à l’extérieur de l’école. Un passage doit se faire entre ces deux univers de pratique même si leurs objectifs peuvent diverger. Il existe « une carte passerelle », initiée par le Conseil National Olympique du Sport Français (CNOSF) qui permet de créer du lien entre ces deux institutions. Elle permet aux licenciés scolaires de venir découvrir et tester différents clubs sportifs pour repérer celui qui leur correspond le mieux. Malheureusement cet outil n’a pas été mis en avant par les pouvoirs publics alors qu’il répond totalement aux besoins. Ces derniers sont basés sur le constat suivant : avant d’arrêter de pratiquer le sport beaucoup d’adolescents aimeraient voir si dans d’autres structures ils ne pourraient pas continuer à s’y adonner. Il faut valoriser un visa sportif qui offre à chacun la liberté de circuler dans l’espace sportif afin de trouver celui qui lui semble le plus approprié.
Les lieux de pratique. La pratique du sport se déroule dans des stades mais également en dehors. Ces deux univers de pratique sont culturellement et spatialement séparés. Il serait judicieux de construire des espaces sportifs attractifs, inspirés par « le design actif », qui permettraient de créer un lien entre les deux. Ces structures, proches des pratiquants, accessibles, ouvertes et sécurisées, doivent offrir la possibilité à chacun de pratiquer le sport qui lui plait, selon les modalités et des horaires qui lui conviennent. Ces espaces ouverts aux différentes formes de pratique deviennent un lieu d’échange et d’enrichissement culturel.
Les représentations. Il est important de rompre avec cette idée que la réussite sportive est une réussite réservée aux populations des quartiers populaires. Tous les jeunes, sans distinction, doivent avoir le droit de choisir l’environnement culturel dans lequel ils souhaitent se réaliser. Le sport, si l’on veut qu’il prenne toute sa place dans la société, ne doit pas être envisagé comme une forme d’aboutissement réservée à une minorité mais comme un levier d’épanouissement pour tous.
Développer la pratique sportive des jeunes est un projet ambitieux. Il doit s’appuyer sur un diagnostic sérieux, outillé, prendre en compte de nombreux facteurs et surtout il nécessite des investissements massifs, constructeurs d’avenir. C’est à cette condition que nos jeunes adopteront un idéal et un mode de vie sportif et en tireront tous les bénéfices.
Maxime Travert, Professeur des universités, Inspé, Institut des Sciences du Mouvement (ISM), UMR7287, CNRS, Aix-Marseille Université.
Olivier Rey, Maitre de Conférences, Inspé, Institut des Sciences du Mouvement (ISM), UMR7287, CNRS, Aix-Marseille Université.
Propos recueillis par Antoine Maurice
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