À l’heure où nous écrivons ces lignes, les estimations nationales du premier tour des législatives donnent le Rassemblement National et ses alliés largement en tête avec 33,5% des voix. Le Nouveau Front Populaire affiche quant à lui 28,8%, devant le parti présidentiel qui est donné à 22,1%. Si ces résultats ne sont pas une surprise, ils ne garantissent pas pour autant de majorité absolue au parti d’extrême droite. Dans environ 300 circonscriptions, le second tour sera décisif. Gabriel Attal, d’Ensemble, appelait dès hier soir au désistement de chaque candidat·e « dont le maintien aurait fait élire un député Rassemblement national ». «Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national… La France mérite que l’on n’hésite pas. Jamais », a-t-il déclaré. Le barrage, qui habituellement demande aux électeurs de gauche de se mobiliser pour contrer l’extrême droite, fonctionnera-t-il aussi dans ce sens-là ?
Deux projets de société diamétralement opposés se sont affrontés hier et s’affronteront encore la semaine prochaine. Des projets qui changeront irrémédiablement l’École que nous connaissons. Celui du Nouveau Front Populaire, porteur d’une « société plus juste et solidaire, pour une École de la liberté, de l’égalité et de la fraternité » comme nous l’écrivions dans cette tribune. Et celui du Rassemblement National, « projet réactionnaire et dangereux. Porteur d’injustice par une sélection précoce au détriment des familles populaires. Porteur de brutalité par la mise au pas des personnels, des élèves, des libertés pédagogiques. Porteur de discriminations par le choix de « l’instruction » contre « l’éducation », en particulier en ce qui concerne le nécessaire engagement de l’École contre le sexisme ou les LGBT+phobies ».
Pour les organisations syndicales éducation, c’est simple : il ne faut jamais laisser l’extrême droite arriver au pouvoir. Si la FSU et Sud éducation avaient appelé à voter pour le Nouveau Front Populaire, la CGT éducation, la CFDT éducation et SE-UNSA avaient quant à eux appelé à faire barrage à l’extrême droite. Des consignes réaffirmées ces dernières heures. « L’extrême droite est aux portes du pouvoir, la vie de millions de gens peut basculer (binationaux, minorités, femmes…et j’en suis personnellement terrifiée), mais les apprentis sorciers continuent de jouer la politique de la terre brûlée démocratique. Immense colère (et effroi) » a écrit Sophie Vénétitay sur le réseau social X (ex Twitter). À la Cfdt, c’est Maryse Léon, secrétaire générale, qui s’est exprimée sur le même réseau « Ce soir le danger de l’extrême droite est à nos portes. Devant cette menace, aucun calcul politique ne tient. Les candidats les moins bien placés, quels qu’ils soient, doivent se désister pour battre les candidats d’extrême droite au second tour. Point barre ». « SUD éducation appelle tous les personnels à se mobiliser pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Notre combativité est intacte : pas une voix, pas une circo pour le RN ! J-7 pour gagner contre l’extrême droite ! » a écrit Sud éducation sur son fil du réseau X.
Pour Yannick Trigance, conseiller régional d’Île-de-France, spécialiste des questions d’éducation, l’heure est grave, mais pas à la résignation. « Dimanche prochain, c’est l’avenir de la France, l’avenir de la République qui est en jeu. L’extrême droite pourrait avoir la majorité absolue et la seule solution c’est partout le rassemblement pour barrer la route à l’extrême droite. Pour la France, pour l’école de la République, le 7 juillet, tous les humanistes et les démocrates doivent se rassembler derrière le candidat républicain le mieux placé face à l’extrême droite ».
Le second tour des élections aura lieu dimanche 7 juillet. Si les chances du Nouveau Front Populaire sont minimes, elles ne sont pas nulles. Une majorité absolue à l’Assemblée nationale est pour la première fois de son histoire à portée de mains du Rassemblement national. Bardella au pouvoir, Roger Chudeau est pressenti pour prendre la tête du ministère de l’Éducation national. Roger Chudeau, c’est ce député qui avait apostrophé les syndicats lors d’une audition à l’Assemblée nationale, « si vous voulez que l’année prochaine on se retrouve – ce qui n’est pas vraiment certain – je voudrais que vous vous mettiez au niveau et que vous baissiez d’un ton ». C’est aussi lui qui a assuré il y a quelques jours que nommer Najat Vallaud-Belkacem ministre était une erreur en raison de sa binationalité.
Le Rassemblement National au pouvoir, c’est l’autoritarisme et le racisme décomplexé mais c’est aussi la fin du projet d’une École de l’émancipation pour toutes et tous.
Lilia Ben Hamouda