Marie-Hélène Fasquel, professeure d’anglais du lycée Raoul Dautry dans l’académie de Limoges, présente le projet lauréat du Grand prix Hippocrène. Le projet « AI : a blessing or a curse ? » rassemble des élèves français, italiens, allemands et turcs. Ces élèves de Terminale analysent l’impact de l’intelligence artificielle dans des podcasts et s’interrogent collectivement et individuellement sur les défis qu’elle représente pour leur génération, au-delà des frontières géographiques et linguistiques.
Comment est né ce projet européen ?
Marie-Hélène Fasquel : Ce projet est né l’année dernière en juin, comme tous mes projets eTwinning. Nous formons une équipe de partenaires européennes soudée et avec 3 d’entre elles, nous mettons en œuvre des projets depuis 4 ans. D’autres partenaires nous rejoignent selon la thématique du projet. Et l’une des collègues participe à certains de mes projets depuis plus de 10 ans. Nos façons d’enseigner se sont transformées grâce à ces échanges européens. Les élèves de ce projet ont pour la plupart découvert eTwinning cette année. Quelques-uns ont participé au projet « Speak up for change » finaliste du Prix Hippocrène il y a 2 ans, lorsqu’ils étaient en 2nde.
Pourquoi l’intelligence artificielle ?
L’idée était avant tout de choisir un sujet qui permette à nos élèves de réfléchir ensemble à un niveau européen, et pas seulement local, à un sujet qui les touche et qui est polémique et les préparer à l’Europe de demain. L’intelligence artificielle est en effet une technologie qui divise et qui fait peur. Cependant, ma première réaction a été : l’intelligence artificielle est là et ne va pas disparaître, donc, au lieu de se lamenter, formons nos élèves pour qu’ils l’utilisent de façon intelligente, qu’ils s’en saisissent en toute connaissance de cause. Car, ils s’y intéressent déjà, avec les résultats désastreux que l’on connaît : triche et copier-coller de travaux non aboutis, incorrects, parfois hors sujets, pas relus, en bref, une catastrophe qui pourrait les empêcher justement de réfléchir et de penser par eux-mêmes. C’est à partir de ces premières constatations et de l’accueil très enthousiaste de mes partenaires européennes que nous (Mariella, Maria, Sabine et moi) avons débuté le projet.
Comment s’est déroulé ce projet européen ?
Le projet a débuté en octobre. La première tâche des élèves a été de se présenter et de dire en trois mots ce que représentait l’intelligence artificielle pour eux. Pour cela Inga a créé des tableaux collaboratifs en ligne, un par groupe international, car l’idée est avant tout que nos élèves collaborent systématiquement dans de plus petits groupes multinationaux. Ils ont créé des vidéos, des posters, des textes pour se présenter, ont commenté ceux de leurs nouveaux camarades, et ont échangé ainsi. Ils ont également partagé leurs vidéos expliquant leurs choix. Cette tâche, ainsi qu’un sondage, a permis de faire le point sur les connaissances de nos élèves avant de débuter le projet, sur leur intérêt pour ce sujet, et sur leurs attentes.
La deuxième étape a été de créer un logo pour le projet et le logo créé et sélectionné par les élèves inclut le logo eTwinning, les 4 drapeaux des pays, l’intelligence artificielle, mais aussi un visage humain, il est parfait pour résumer les travaux des différents groupes.
La troisième étape a été de travailler en classe et en dehors de la classe sur la thématique, donc d’apporter des connaissances aux élèves grâce à une préparation de cours commune à toutes les classes du projet. Ils ont travaillé à partir de vidéos, de textes, de sites et de la veille numérique des enseignantes. Ils ont partagé leurs a priori au sujet de l’IA, ont débattu, étudié en quoi consiste un bon podcast (en autonomie).
Une seconde préparation de cours concernait l’intelligence artificielle et les Objectifs de développement durable avec l’accent mis sur l’agriculture (par exemple l’usage de moins de pesticides en utilisant des drones qui étudient les besoins réels et en temps réel des plantations).
La quatrième étape a été de sélectionner par groupes internationaux des sujets spécifiques concernant l’intelligence artificielle, tels que l’IA et la musique, l’IA et le handicap, le futur de l’IA, l’IA et le monde du travail, l’IA et Hollywood, l’IA et l’art.
La cinquième étape consiste à créer un ou deux podcasts par groupes internationaux. Pour cela, ils ont commencé par échanger afin de faire plus ample connaissance et de sélectionner leurs rôles selon leurs talents et leurs envies. La toute dernière étape consiste en des échanges internationaux avec des experts et utilisateurs de l’intelligence artificielle : américains, français, grecs, de Panama, du Honduras, français… Cette étape est en cours.
Quels sont les objectifs du projet pour les élèves ?
Il s’agit avant tout de travail commun et d’entraide, de valoriser les talents de chacun et d’apprendre à connaître des jeunes de différents horizons. Alcamo en Sicile est peuplé d’environ 50 000 habitants, Kiel au nord de l’Allemagne de 250 000 habitants, Rome de 2 850 000 habitants et Mersin de 1 million d’habitants et Limoges compte 200 000 habitants.
Il s’agit aussi d’analyser une technologie potentiellement dangereuse, d’apprendre à l’utiliser de façon plus bénéfique, de devenir des citoyens plus ouverts, prêts à comprendre l’autre dans sa différence, à échanger sur ces différences et à découvrir d’autres traditions, d’autres façons de travailler. Ce projet permet également aux élèves de mieux comprendre la nétiquette, les droits. Ils ont le droit d’utiliser de la musique pour créer leurs podcasts, et doivent la sélectionner en tenant compte des droits d’auteur, du domaine public. Ils passent d’un rôle d’utilisateur, de lecteur, de spectateur à un rôle de créateur de contenu. Ce rôle implique bien plus que de lire un document sur un sujet. Il s’agit de tenir compte des futurs auditeurs, puisque ce podcast sera partagé dans tous les lycées participants et en ligne, et de partager avec eux des informations, des réflexions, qui feront avancer le sujet. Répéter ce qu’ils ont trouvé en ligne n’aurait aucun intérêt.
Le but ultime est que la synergie entre nos élèves leur permette d’aller plus loin et les fasse réfléchir de façon critique avant d’accepter une technologie sans la remettre en question.
En conclusion, tous les jeunes Européens vont avoir à gérer leur usage de l’intelligence artificielle, à l’utiliser à bon escient, à en tirer profit, car il faut qu’elle soit un apport, pas un outil contre, mais pour l’être humain, et ce projet a été conçu pour les y aider ensemble !
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Quelques mots des élèves :
Romina et Giovanni (Italie) : Réaliser ce projet est une expérience vraiment enrichissante. Cela nous a permis de rencontrer de nouvelles personnes du monde entier, d’en apprendre davantage sur l’IA, ses aspects positifs et négatifs, et comment nous pouvons l’utiliser de manière appropriée. Nous avons vraiment apprécié cette expérience, nous avons beaucoup appris, et nous sommes impatients d’enregistrer notre premier podcast.
Victoria (Allemagne) : L’aspect que j’apprécie le plus dans le projet eTwinning est que je peux communiquer avec des personnes de mon âge de différents pays. En plus de cela, nous avons également la possibilité de discuter, de parler et de travailler ensemble sur des sujets qui nous intéressent tous !
Emilia (Allemagne):
Je pense que ce projet eTwinning est un excellent moyen de représenter les avantages de la technologie tout en discutant de ses problèmes. Nous sommes en mesure d’obtenir des options et des faits complètement nouveaux et différents qui peuvent élargir nos horizons ou nous amener à réfléchir.
Rasmus (Allemagne) : J’apprécie la manière de travailler en groupes et l’échange intéressant avec les étudiants d’autres pays. J’aime aussi beaucoup le sujet de l’IA.
Jade : Ce projet nous permet d’améliorer notre anglais de manière plus ludique en collaborant avec d’autres élèves de notre âge. Il nous aide à nous ouvrir aux cultures d’autres pays. Ces expériences seront sans aucun doute bénéfiques pour notre vie professionnelle future.
Chayma : Je trouve le projet intéressant, puisque nous travaillons sur un sujet actuel avec des élèves de pays voisins. Certes, il y a une certaine pression personnelle pour le travail, mais on est rapidement récompensé par la bonne humeur de nos camarades européens.
Ludovic : En travaillant avec des élèves d’autres pays européens, on peut découvrir une nouvelle façon de travailler et dans l’ensemble de réfléchir, c’est une ouverture culturelle vraiment bienvenue et appréciable.
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