Dans un récent numéro de l’Edubref, l’Ifé, sous la plume de Peggy Neville, médiatrice scientifique de l’équipe Veille & Analyses, revient sur l’histoire de la direction d’école. Si la fonction apparait en 1833 pour la première fois, elle n’a eu de cesse d’évoluer. Dernière réforme en date, l’instauration d’une une « autorité fonctionnelle » sur le personnel de l’école pendant le temps scolaire par la Loi Rilhac de 2021. La chercheuse répond aux questions du Café pédagogique.
Historiquement, quand apparait la direction d’école ?
La direction d’école a été instaurée en France avec la loi Guizot de 1833, qui a structuré l’instruction primaire à l’échelle nationale. Cette loi a été suivie par la création du corps des instituteurs et institutrices en 1835 et par l’établissement de seuils d’élèves avec la loi Falloux de 1850, qui stipulait qu’au-delà de 80 élèves, un adjoint ou une adjointe devait assister l’enseignant·e en poste. Le rôle de directeur·rice d’école a été formalisé par la loi Goblet de 1886, qui a précisé les responsabilités des directeurs et directrices. Dans ce cadre, le « directeur-instituteur » était chargé de la supervision pédagogique, des missions disciplinaires et de l’organisation globale de l’école, tandis que les instituteurs et institutrices étaient responsables de leur classe par délégation. Chaque nouvel enseignant ou nouvelle enseignante était placé sous la tutelle d’un directeur ou d’une directrice expérimenté·e. Ces mesures visaient à structurer et superviser le système éducatif, promouvoir les valeurs républicaines et laïciser l’instruction publique.
Vous évoquez un directeur brigadier ? C’est-à-dire ?
Le terme « directeur brigadier » – d’Ozouf – évoqué dans l’Edubref désigne une figure de directeur·rice d’école qui, en plus de ses responsabilités administratives et pédagogiques, exerce une autorité souvent perçue comme autoritaire sur les instituteurs et institutrices. Cette position a provoqué des tensions et des conflits avec les autres enseignant·es, qui considéraient cette autorité comme une intrusion dans leur pratique pédagogique et une source de tensions interpersonnelles. Ces tensions ont inspiré une opposition organisée, précurseur du syndicalisme enseignant, visant à défendre les droits et l’autonomie professionnelle des instituteurs et institutrices. Afin d’apaiser ces tensions et de promouvoir une gouvernance plus participative, l’État a instauré le « conseil des maîtres » en 1908, permettant aux enseignants et enseignantes de contribuer aux décisions relatives au fonctionnement de l’école, tout en maintenant le rôle central de la direction dans la gestion quotidienne.
La loi d’orientation a initié la communauté éducative. Quelle vision de la place du directeur ou de la directrice portait-elle ?
La loi d’orientation sur l’éducation de 1989, communément appelée loi Jospin, a introduit la notion de communauté éducative, redéfinissant le rôle du directeur ou de la directrice d’école. Cette loi a souligné leur engagement dans la conception et la mise en œuvre de projets d’école, ainsi que l’importance du travail collaboratif avec l’ensemble de l’équipe éducative, et favorisée l’implication des parents dans la vie scolaire. La vision portée par cette loi était celle d’un directeur ou d’une directrice exerçant un rôle central dans la gestion pédagogique et collaborative au sein de l’école. Les réformes ultérieures ont continué de renforcer cette mission. La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’École de la République et le référentiel métier de 2014 ont renforcé les attentes envers les directeurs et directrices, en insistant sur leur rôle essentiel dans le pilotage pédagogique.
Qu’a changé la loi Rilhac ?
La loi Rilhac du 21 décembre 2021 a introduit un changement dans la direction d’école. Jusqu’alors, les directeurs et directrices exerçaient des fonctions de direction, notamment le pilotage pédagogique, sans pour autant disposer d’une autorité formelle attribuée par l’institution. Cette loi leur reconnaît désormais une « autorité fonctionnelle » sur le personnel de l’école pendant le temps scolaire, conférant ainsi une autonomie décisionnelle renforcée. Ils et elles peuvent ainsi prendre des décisions internes à l’école sans nécessiter une approbation hiérarchique préalable. Cependant, ils et elles ne disposent pas de l’autorité hiérarchique sur les autres enseignant·es, cette prérogative restant dévolue à l’IEN (Inspecteur de l’Éducation Nationale) de circonscription. Cette loi s’accompagne également d’autres textes officiels récents, incluant une formation spécifique pour les directeurs et directrices, ainsi qu’une procédure d’évaluation supplémentaire, distincte des rendez-vous de carrière en tant que professeur·es des écoles.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
Neville, P. (2024). La direction d’école : quels héritages ? Edubref 19, avril. ENS de Lyon.