En 2019, la réforme de la voie générale du lycée a profondément modifié le paysage éducatif français en supprimant les anciennes séries S, ES et L, et en les remplaçant par des choix de spécialités. Les vœux des élèves de terminale différent « sensiblement » en fonction de leur genre indique la Depp dans sa dernière note. Les différences filles/garçons sont plus élevées dans les combinaisons comportant au moins une composante scientifique, « les filles s’orientent notamment davantage vers les filières de santé et les garçons vers les filières scientifiques sélectives. Les disparités d’orientation se manifestent dès la phase de confirmation des vœux ».
Une répartition inégale des spécialités
La Depp montre que les choix de spécialités varient considérablement en fonction du genre. Les garçons sont plus enclins à choisir des spécialités scientifiques, notamment les mathématiques, tandis que les filles se dirigent davantage vers des spécialités littéraires ou linguistiques. Parmi les 382 100 élèves de terminale générale en 2022, 84 % ont accepté un vœu lors de la phase principale de Parcoursup. Une analyse des combinaisons de spécialités révèle que les dix combinaisons les plus fréquentes regroupent 80 % des élèves, avec des différences marquées entre les genres.
Par exemple, la combinaison « mathématiques – physique-chimie » est choisie par 35 % de filles seulement, tandis que 86 % des élèves de la combinaison « humanités, littérature et philosophie – langues, littérature et cultures étrangères et régionales » sont des filles. Cette répartition inégale des spécialités se reflète dans les choix d’orientation post-bac, où les filles et les garçons suivent des trajectoires différentes même au sein d’une même combinaison de spécialités.
Indices de dissimilarité et choix d’orientation
Pour quantifier les écarts d’orientation, un indice de dissimilarité a été calculé pour chaque combinaison de spécialités. Cet indice mesure le pourcentage de filles ou de garçons qui devraient changer de filière pour que la répartition dans chaque filière du supérieur corresponde à celle observée dans la population initiale. Les indices les plus élevés concernent les combinaisons incluant des spécialités scientifiques, à l’exception notable de la combinaison « mathématiques – sciences économiques et sociales ».
Ainsi, pour la combinaison « mathématiques – physique-chimie », les filles s’orientent plus fréquemment vers les filières d’accès aux études de santé, tandis que les garçons privilégient les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques et les écoles d’ingénieurs. Par exemple, les CPGE scientifiques représentent 27 % des propositions d’admission acceptées par les élèves de cette combinaison, mais les filles y sont fortement sous-représentées. À niveaux scolaire et social équivalents, les filles ont une probabilité deux fois moindre que les garçons d’accepter une proposition d’admission en CPGE scientifiques.
L’influence des stéréotypes et de la confiance en soi
Les différences d’orientation ne s’expliquent pas uniquement par les choix de spécialités au lycée. Deux mécanismes principaux peuvent être évoqués pour comprendre ces écarts : les stéréotypes de genre et la confiance en soi. Les stéréotypes de genre influencent la capacité des filles à se projeter dans des filières majoritairement masculines et réciproquement. Des études montrent que la présence de modèles féminins dans les sciences peut encourager les filles à choisir des filières scientifiques.
De plus, une moindre confiance en soi parmi les filles, particulièrement en mathématiques, joue un rôle crucial. Une expérimentation menée lors de la procédure Parcoursup 2021 a révélé que les filles se sous-estiment par rapport à leurs camarades masculins, contribuant ainsi à leur réticence à postuler pour des filières sélectives. Ce phénomène de sous-estimation et d’autocensure est un obstacle majeur à une répartition équilibrée des genres dans les filières scientifiques et techniques.
Ainsi, si la réforme de la voie générale du lycée a permis une plus grande diversité de choix de spécialités, elle a également mis en évidence des disparités genrées persistantes dans les choix d’orientation vers l’enseignement supérieur.
Lilia Ben Hamouda