Une collaboration artistique et humaine entre la graveuse Olivia Paroldi et une classe de CE2 trace une fresque poétique et éphémère. Dessiner, graver, imprimer, coller… tout un parcours pour raconter des constructions de soi.
« Mamie, mamie, on travaille avec une star ! » s’exclamait Rayan en janvier présentant le projet de sa classe de CE2 à sa grand-mère. En effet, cela fait plusieurs mois que la classe de Jean Alvarez est en effervescence pour être prête pour ce jour de vernissage avec Olivia Paroldi, graveuse d’estampes urbaines. Ce 12 avril, l’artiste sort juste de résidence dans la ville de Mourenx (64) alliant une exposition, la réalisation d’œuvres disséminées sur les murs de la ville et la création d’une fresque avec des élèves de l’école Victor Hugo, classée en REP. Olivia est une habituée du travail avec les enfants dans divers cadres. Elle a entre autres déjà participé à des chantiers de réinsertion ou correspondu avec des élèves de Cannes ou d’Ukraine. « C’est une façon de s’inscrire dans le présent, pas le biais de leurs dessins, sans filtre d’interprétation médiatique, une réelle liberté d’expression » témoigne-t-elle.
Après des recherches sur ses œuvres, les élèves béarnais ont reçu avec une excitation certaine l’artiste venue présenter le projet, échanger et partager la technique particulière de la gravure.
Puis une correspondance graphique s’est installée autour d’une consigne : se représenter en mouvement. Les élèves ont choisi une position qui leur plaisait et se sont dessinés. « Ce n’est pas évident de se représenter soi-même » indique l’enseignant. « Les échanges personnalisés avec Olivia ont permis de travailler le schéma corporel ou les proportions ». Les bras tubes ou les doigts en traits se sont affinés, les articulations comme le coude ou le genou se sont faites plus présentes pour montrer le mouvement, la taille du visage a acquis des dimensions plus harmonieuses avec l’ensemble du corps… Les élèves ont ainsi produit sur papier fin, sur calque, sur plaques de polystyrène…
Chemin faisant
Une deuxième consigne est alors apparue, en lien avec les productions et la démarche d’Olivia : représenter leur lieu de vie dans une partie de leur silhouette dessinée. « Je fonde ma démarche sur la Convention internationale des droits de l’enfant et je suis particulièrement intéressée par la construction de soi en lien avec les attachements au territoire, explique la graveuse. Je travaille beaucoup sur des histoires de racines, d’exil, de comment les enfants grandissent dans ces parcours de vie. » La ville de Mourenx est citée ouvrière nouvelle édifiée à la fin des années 50 sur le bassin de Lacq, surgie dans la campagne pyrénéenne et peuplée par des migrations diverses. Cela ne pouvait qu’inspirer l’artiste en résidence qui aime « questionner cette notion de déplacement dans un espace et comment cet espace influence nos mouvements. Une habitante me racontait que les bâtiments se sont construits avant les routes ; les gens ont commencé à marcher et tracer des sentiers. » Deux œuvres réalisées lors de ce séjour professionnel, à découvrir sur les murs de la ville, s’intitulent ainsi « chemin faisant ». Les enfants, de leur côté ont représenté des tours, des immeubles, des champs, des fleurs… donnant à voir la pluralité de leur paysage quotidien, à la fois rural et urbain. Chaque portrait est alors lié à un double regard : de loin et de près.
Vivre la démarche artistique
« C’était chouette de travailler avec une artiste » raconte Leïla, admirant les œuvres accrochées dans la galerie d’art de la ville lors du vernissage où toute la classe était invitée d’honneur. L’exposition qui vient compléter les collages sur les murs suscite déjà grand enthousiasme puisque l’ensemble des classes élémentaires de la ville sont inscrites pour la visiter d’ici le mois de juillet. Au grand plaisir de Catherine Bertoldo, coordonnatrice de la galerie, enthousiasmée depuis longtemps par cette artiste laissant ses traces éphémères sur les portes, murs et autres espaces urbains, choisis avec soin.
« Olivia était vraiment à notre écoute » renchérit Mathiou, autre élève de CE2. « Je trouve que mes cheveux ne ressemblent à rien, alors en discutant, elle a eu l’idée de mettre un foulard de pirate sur ma tête, j’ai adoré ! ». « Olivia était vraiment très patiente pour nous aider et nous conseiller » complète Leïla. Une patience commune selon Jean : « les enfants ont fait une dizaine d’essais, avec toujours beaucoup d’attention et de prise en compte des précisions d’Olivia. Une implication impressionnante sur la durée ! » Un travail au long court qui permet de montrer le cheminement d’une démarche artistique qui est constituée de réflexions, d’essais, de questionnements, de reprises. De minutie aussi. « J’ai aimé travailler en transparence sur les fenêtres, mais c’était trop dur de le refaire ! » commente Mathiou. Toutes et tous ont été impressionnés par la précision de la gravure, réalisée avec un scalpel de papèterie par Olivia. Une gravure où le creusé devient du blanc lors de la coloration à l’encre que l’artiste est habituée à réaliser sur linoléum.
« Le souvenir que nous en auront »
Olivia Paroldi utilise peu de couleurs dans ses œuvres qui prennent souvent un ton bleuté, accentuant une sensation de légèreté. Les estampes sont ensuite apposées sur les murs. C’est ainsi que les élèves ont pu assister, avec une fierté non dissimulée, au collage des estampes réalisées sur du papier de riz à partir de leurs dessins, sur le mur de leur école. Une fresque de portraits délicats, poétiques, exposés au temps qui fera à son tour son œuvre. « Si la fresque restait toujours, on n’y ferait plus attention, s’émeut Samy, élève de la classe. Alors que là, ce qui est important, c’est le souvenir que nous en auront, le souvenir partagé des gens qui l’auront vue. »
Cerise Lenoir