Samedi 23 mars se tiendront les premières Assises Nationales des Enseignants Référents de la Scolarisation des Élèves Handicapés. À cette occasion, le Café Pédagogique fait le point avec Quentin Cohuau, président de l’ADER13 – Association Départementale des Enseignants Référents dans les Bouches-du-Rhône, organisatrice des assises – et Caroline Daniel, membre fondatrice du CA de l’ADER 13. « Depuis 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap est en hausse permanente. C’est la conséquence de la mise en œuvre de la loi qui a rendu la scolarisation de ces élèves obligatoire. Ce qui n’était pas prévu initialement, c’est la constante progression de cet effectif. Cette réalité rend aujourd’hui l’inclusion parfois problématique et questionne les modalités de mise en œuvre de cette loi » explique l’association d’ERSEH.
Près de 430 000 élèves en situation de handicap sont aujourd’hui scolarisés par l’Éducation Nationale, essentiellement dans l’enseignement public d’ailleurs. Ce chiffre est en hausse permanente. Quelles sont les obligations de l’État, des collectivités locales au regard de l’École inclusive ?
Tout d’abord, il nous semble utile de rappeler que, comme nos collègues enseignants référents (ER) dans le département, nous sommes professeurs des écoles, spécialisés, avec des expériences de classe en élémentaire ou de direction d’école.
Depuis 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap (SH) est en hausse permanente. C’est la conséquence de la mise en œuvre de la loi qui a rendu la scolarisation de ces élèves obligatoire. Ce qui n’était pas prévu initialement, c’est la constante progression de cet effectif. Cette réalité rend aujourd’hui l’inclusion parfois problématique et questionne les modalités de mise en œuvre de cette loi et le rôle clé des MDPH (Ndrl : Les MDPH, sont les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées. Elle récence et évalue les besoins d’une personne en situation de handicap, elles sont gérées par les Conseils départementaux).
Les établissements scolaires sont les seuls partenaires à être soumis à l’obligation d’accueillir les enfants quand les structures de soins ont des listes d’attente. Les institutions médico-sociales ont aussi des listes d’attente, encore plus longues, plusieurs années… L’école, elle, doit s’adapter, et accueillir « tous » les élèves. Cela représente un vrai défi quelques fois !
Quelles sont les missions d’un Enseignant Référent ?
Un enseignant référent a de nombreuses missions. Il est déchargé de classe pour assurer le suivi des parcours de scolarisation de 200, 250, 300 élèves de la maternelle au lycée. Il a un rôle de coordinateur entre les différents partenaires – École/MDPH/Familles/Soins. Il veille à cohérence et la continuité de la mise en œuvre du Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS). C’est le document de la MDPH qui liste tous les droits qui sont attribués pour compenser la situation de handicap de l’élève dans sa scolarité. Il a aussi un rôle de conseil auprès des enseignants, des inspecteurs. Il participe à des commissions d’affectation spécialisées des élèves, à des jurys de recrutement des AESH, à des actions en faveur des élèves SH, il peut faire de la formation pour les AESH, renseigner des enquêtes nationales…
C’est très difficile de définir comment on devient ER, tant les trajectoires sont multiples. Une chose est certaine, c’est un métier très riche, qui demande beaucoup de souplesse, d’accepter de lâcher l’enseignement, beaucoup d’organisation, d’aimer animer des réunions – plus de 300 par an.
D’ailleurs les ER sont issus de l’enseignement spécialisé. Ils sont titulaires d’une certification – ou sont en train de se former. Ils ont souvent bénéficié d’une formation de plusieurs centaines d’heures, ayant débouché sur l’obtention d’un CAPASH, un CAPEI… Ils ont aussi souvent une expérience d’enseignant spécialisé – avec des élèves en difficulté scolaire, en situation de handicap… – dans des structures ou dispositifs très variés. Être enseignant spécialisé et avoir de l’expérience dans ce domaine est aussi un plus et offre une certaine légitimité auprès des collègues.
Les ER sont plus de 70 sur le terrain dans les Bouches-du-Rhône, sans compter ceux qui sont en poste dans les services de la direction académique et à la MDPH. Dans chaque département de France, selon la population, ils peuvent être moins de dix comme plus de cent… On estime que les ER dépassent le millier au niveau national, mais il n’y a pas de statistique officielle.
Vous êtes aussi en lien avec les familles et les MDPH. Pouvez-vous expliquer la nature de ces relations ?
Nous servons de lien entre les familles, les MDPH, les établissements scolaires et les structures de soins et médico-sociales. L’intérêt de l’élève est toujours au cœur de nos préoccupations, nous devons sans cesse nous préoccuper de maintenir le lien entre les différents partenaires. Nous savons que l’absence de cohérence est souvent facteur de difficulté pour l’élève. C’est notre leitmotiv, ce qui est un autre défi quand on a 250 ou 300 élèves en suivi…
La profession semble être en train de s’organiser, elle fait le choix de la structure associative. C’est le cas dans les Bouches-du-Rhône où vous regroupez la très grande majorité des enseignants référents. Quels sont les objectifs de ces assises ?
Nous sommes une association professionnelle départementale. Nous sommes vigilants sur les questions de conditions de travail – conditions matérielles, indemnités, nombre de dossiers. Nous menons aussi des échanges et une mise en commun de réflexions et de pratiques professionnelles. Depuis 2008, nous travaillons dans les Bouches du-Rhône. D’autres ADER (59, 83, 33, 07, 14) ont vu le jour depuis, il est temps aujourd’hui de nous réunir, de mener un travail collaboratif de bilan de nos actions. De tirer les conséquences pour peut-être aller plus loin dans d’autres départements. De fédérer ces énergies locales dans un élan commun national, qui n’existe pas aujourd’hui. Ce qui est quand même problématique.
Plus de 60 enseignants référents vont débattre à Marseille de leur métier, de leurs missions, des moyens alloués pour favoriser l’intégration des élèves en situation de handicap – de la petite section de l’école maternelle jusqu’au BTS. Qu’attendez-vous de ces échanges ?
Une chose est certaine, près de 20 ans après la loi de 2005, la scolarisation des élèves en situation de handicap (SH), et peut-être même celle des Élèves à Besoin Éducatifs Particuliers (EBEP) est à la croisée des chemins. Beaucoup de questions se posent de façon récurrente. Et pas seulement de la part de nos dirigeants, ministres, recteurs et DASEN. Scolariser des élèves avec des besoins différents et multiples déstabilise beaucoup de collègues, en ville et à la campagne, dans les écoles et dans le second degré, en REP et en quartier favorisé. L’heure est au bilan, comme si un cycle s’achevait. Comme si une deuxième phase était en route. Nous y sommes très attentifs, il ne se passe pas une journée sans que nous soyons confrontés à cette problématique.
Les ER, qui sont au cœur de la mise en place des politiques d’école inclusive au niveau départemental, sont complètement invisibles au niveau national.
Nous savons, à l’ADER13 que le collectif départemental est très utile, l’association a un rôle important pour fluidifier, optimiser la scolarisation des élèves SH et EBEP. L’ADER13, qui existe depuis 2008, est à l’origine de nombreuses avancées dans le domaine de la scolarisation des élèves SH. Nous souhaitons encourager le développement d’autres structures départementales ou régionales – d’autres ADER ou ARER) -et la naissance d’une entité nationale serait déterminante. Elle permettrait au ERSEH, acteurs et partenaires « invisibles », de prendre sa part dans la mise en place des mesures nationales.
Quel est le programme ?
C’est la première fois que cet événement a lieu, nous avons choisi la Maison des Associations de Marseille – sur La Canebière – pour nous réunir la journée du Samedi – à partir de 10 h. Il s’agit avant tout de partager et de faire se rencontrer des ER des 4 coins du territoire.
Le matin, nous avons choisi de faire intervenir Sylviane Corbion, docteure en sociologie, elle a été professeure des écoles durant plus de 20 ans en Seine-Saint-Denis, enseignante spécialisée auprès d’enfants en situation de handicap et d’élèves en grande difficulté scolaire, auteure de « L’école inclusive, entre idéalisme et réalité ». Ce sera le point de départ d’un échange, d’un débat ouvert avec les participants, beaucoup d’ER, mais aussi l’adjointe au handicap à la Ville de Marseille, et une Inspectrice de la Direction académique.
L’après-midi sera consacré à trois ateliers pour trois thématiques. Nous souhaitons poser les bases d’un inventaire, exhaustif, d’une enquête nationale sur notre fonction. Nous ne savons pas combien nous sommes, nous n’avons pas de liste de diffusion nationale, nous ne connaissons pas les fiches de postes des autres départements, les conditions de travail…. Les missions des ERSEH sont définies par les circulaires, certes, mais nous savons que d’un département à l’autre, d’un secteur à l’autre, d’un.e collègue à l’autre, les écarts sont importants. Nous souhaitons travailler sur un socle commun, une charte des enseignants référents, à destination du grand public, mais aussi des collègues qui souhaiteraient nous rejoindre. Enfin, le troisième atelier sera une discussion sur les modalités de création de l’association nationale que nous souhaitons initier. Le nom de l’association, ses statuts, son organisation, sa représentation…
Nous continuerons nos travaux en soirée puis le dimanche au Centre Léo Lagrange sur les îles du Frioul, pour échanger et partager, dans une ambiance plus festive, histoire aussi de faire découvrir à nos collègues qui ont fait le voyage le magnifique patrimoine de la rade de Marseille !
Propos recueillis par Alain Barlatier
Pour tout contact avec l’ADER13 : aderdu13@gmail.com