Est-il possible d’éveiller les élèves à la pollution marine pour qu’ils se fassent eux-mêmes lanceurs d’alerte ? Un projet eTwinning, aux dimensions scientifique, citoyenne et linguistique, a été mené en ce sens par Fabien Girolimetto à l’école Valin de La Rochelle en partenariat avec Montserrat Cachero Lopez à l’école espagnole Cpeip Jesus Neira. Centré sur la pollution de l’océan Atlantique et de la mer Cantabrique, le travail enseigne aux CM1/CM2 une démarche scientifique : observer, identifier, analyser, comparer les résultats d’un processus de recherche dans différents endroits, tirer des conclusions et apporter des réponses à la question environnementale, dénoncer à leur niveau des pratiques humaines néfastes pour l’environnement. Exemple d’activité : répartir différents déchets au sein de la classe pour visualiser symboliquement la pollution dans les rivières et les océans, puis les trier et les déposer dans les poubelles correspondantes. Le projet développe bien des compétences : curiosité, pensée critique et analytique, résolution de problèmes, prise de décision, collaboration et coopération, ouverture aux langues.
Comment vous est venue l’idée de ce projet sur la pollution marine ? Et pourquoi avoir choisi ce thème ?
Le choix s’est porté assez rapidement sur un thème scientifique pour plusieurs raisons. La première a été un choix linguistique. Une grande partie des mots scientifiques espagnols et français ont une même racine latine ce qui nous paraissait être une bonne approche pour nos élèves qui découvraient pour la grande majorité le français ou l’espagnol. La seconde raison est que les sciences sont universelles et qu’il est aisé de mener des études et des actions scientifiques complémentaires avec différents publics. Il y a eu un vrai travail de réflexion collectif sur la manière d’articuler les expériences et observations dans les deux écoles. Le but étant qu’elles puissent se compléter et répondre du mieux possible au questionnement scientifique des élèves. Et enfin, il y avait un vrai enjeu pédagogique et citoyen de par la localisation des deux écoles. Les élèves espagnols ont pu observer la pollution sur deux rivières se jetant dans la mer Cantabrique et les élèves rochelais ont travaillé sur la pollution côtière de l’océan Atlantique. Les enfants ont pu percevoir que lien entre les deux pollutions était concret et que le problème de la pollution marine était global.
Quels objectifs concrets souhaitiez-vous atteindre dans ce projet ?
Dès le début du projet, nous souhaitions que tout le travail linguistique et le cheminement scientifique se matérialisent par la création d’un tract bilingue de sensibilisation à la pollution marine. Pour parvenir à cet objectif très concret, il a fallu que les élèves développent leurs aptitudes de coopération et collaboration, qu’ils aient une maîtrise suffisante des outils informatiques utilisés, qu’ils maîtrisent des mots et des phrases simples dans la langue étrangère et enfin qu’ils soient capables de suivre une démarche scientifique et en être acteurs. Nous avons également rendu public notre espace de travail TwinSpace pour que les communautés des écoles puissent suivre notre travail.
Comment avez-vous trouvé vos partenaires ? Comment s’est construit votre projet ?
J’ai posté une annonce sur eTwinning précisant que je souhaitais réaliser un projet bilingue français espagnol. Ma collègue Montserrat Cachero Lopez m’a répondu assez rapidement. Nous avons attendu quelques temps pour savoir si ce projet pouvait intéresser d’autres écoles puis nous nous sommes lancés dans l’aventure. Dans un premier temps, nous avons échangé sur le thème du projet, sur les outils que nous allions utiliser, sur les compétences scientifiques et linguistiques que nous souhaitions développer pour nos élèves et sur une programmation commune. Une fois ce travail de préparation réalisé, nous savions quelle direction prendre et nous avons cherché des partenaires dans nos environnements respectifs. Pour ma part, j’ai travaillé avec une association environnementale située sur le port de La Rochelle appelée « Echomer », ma collègue espagnole a sollicité des commerçants locaux et la police locale. Nous avons également contacté des associations de marins pêcheurs en leur faisant parvenir des questionnaires. Tous ces partenariats nous ont permis de construire et d’avancer dans le projet.
S’il y avait une activité que vous deviez retenir dans ce projet ? Laquelle serait-elle ? Pourquoi ?
Je pense que je retiendrai la première visioconférence que nous avions réalisée entre les deux classes. C’était le moment déclencheur du projet. Les élèves avaient disposé des déchets dans les classes et avaient travaillé un jeu de présentation individuelle autour des animaux marins dans les deux langues. C’était une première pour moi car c’était mon tout premier projet eTwinning et je ressentais un peu d’appréhension. Mais il y avait également une grande excitation de la part des élèves qui attendaient ce moment de découverte en direct. La séance a été très riche et a permis d’initier le projet. C’est réellement à ce moment que les élèves ont pris conscience qu’ils allaient collaborer avec une classe espagnole.
Quel a été l’impact de ce projet sur vos élèves, et plus largement sur l’établissement ? Qu’en retiennent-ils ?
Ce projet a été moteur et motivant pour les élèves qui se sont impliqués tout au long du parcours. Tous ont appris de nouvelles notions culturelles. Une très grande majorité d’entre eux ont acquis les connaissances relatives à la pollution marine et du point de vue linguistique, beaucoup de vocabulaire et tournures de phrases ont été utilisées et assimilées par les enfants. Les élèves se sont également bien familiarisés avec les domaines du numérique et de la communication. Il est également à noter que tout au long du projet, les pages du TwinSpace étaient publiques et qu’elles ont permis de renseigner les collègues et les parents sur le travail réalisé par les élèves. Ce qui a été source de nombreux échanges entre les différents professeurs des écoles, entre les professeurs et les parents, mais aussi entre les parents et leurs enfants. Je sais qu’à la suite de ce projet, plusieurs familles ont décidé de passer des vacances en Espagne. Pour ma part, ce projet a été formateur et m’a donné envie de continuer dans cette voie. En effet, une grande partie de la communauté éducative de nos deux écoles s’est intéressée au projet. Ce fut une réussite tant au niveau pédagogique que culturel.
Quelle a été la plus belle réussite de ce projet, pour vous mais aussi vos élèves ?
La plus belle réussite a été la distribution du tract de sensibilisation sur le port de La Rochelle par les élèves et les échanges qu’ils ont eus avec les passants. Ce moment était la concrétisation et la conclusion du travail effectué. Les élèves ont pu présenter leur travail, répondre aux questions tout en sensibilisant le public sur la pollution marine. À ce moment précis, ils s’étaient emparés du projet et y avaient apporté une réelle dimension citoyenne. J’ai pu écouter et participer à ces échanges et mesurer ce que les élèves avaient compris de leur travail de recherche et collaboration.
C’était votre premier projet eTwinning. Qu’en avez-vous retenu ? Etes-vous prêt à retenter l’aventure dans un prochain projet ?
Comme mentionné précédemment, ce projet a été très formateur et stimulant pour moi. Il en ressort que le travail collaboratif entre pairs de pays différents apportait plus qu’un travail mené par une classe seule. La dimension culturelle apporte une vraie plus-value au travail mené. Il est également plus facile d’impliquer tous les élèves à travers un projet tel que celui-là. J’ai également appris à utiliser la plate-forme eTwinning, à utiliser certains outils numériques, et rendre plus lisible ma communication et celle de mes élèves pour les rendre publiques. Oui, je retenterai l’aventure dès que possible.
Avez-vous des thématiques de projets sur lesquelles vous aimeriez travailler avec vos élèves dans vos futurs projets ?
Pour le moment, je n’ai pas encore d’idée très précise. Certains domaines m’intéressent comme le théâtre, les contes ou encore l’alimentation… Le futur projet s’affinera probablement en échangeant avec des professeurs motivés par un projet en commun et par les compétences de chacun.
« Je n’ai pas le temps », « C’est trop compliqué à gérer ! », « J’ai déjà assez à gérer »… C’est souvent ce que l’on entend dire quand on propose de faire un projet, quel qu’il soit. A la lumière de cette première expérience dans eTwinning, que diriez-vous aux enseignants qui hésitent à se lancer dans un projet ?
Il est vrai qu’un projet etwinning mené sur plusieurs mois peut amener plus d’implication qu’un projet ou un travail de classe plus classique. Mais ce qu’il en ressort c’est que les élèves sont bien plus concernés et que le travail collaboratif nous pousse, nous professeurs, à innover pour articuler tous les domaines pédagogiques à travers un thème. Il existe une certaine stimulation. De plus, les résultats des élèves sur les évaluations de fin de projet, tant scientifiques que linguistiques, étaient bons. Pour ma part, je n’en retiens que du positif, il faut juste se lancer.
Propos recueillis par Anthony Riou et Jean-Michel Le Baut