Le Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) décrète, dans le contexte lié à l’organisation des JOP 2024, une grande cause nationale : « Bouge chaque jour !». L’Ecole est directement concernée par la mise en œuvre des dispositifs « 30 minutes d’Activité Physique Quotidienne » (APQ) dans le premier degré et « 2h de sport en plus pour les collègiens ». Son ambition est de répondre aux effets néfastes de l’épidémie de sédentarité des français. Il ne s’agit pas ici de remettre en question la pertinence du constat, ni la légitimité de l’action. De nombreux travaux le confirment. La France est d’ailleurs, parmi les pays développés, un de ceux qui voit sa jeunesse la plus touchée par ce fléau. Ce qui nous questionne c’est la stratégie utilisée.
D’un devoir de bouger à un droit de pratiquer
Tout d’abord elle s’appuie sur une politique de l’injonction. Elle s’adresse aux différents acteurs concernés de façon descendante, unilatérale en leur demandant de se mettre en activité. Pour donner de la force à cette prescription des témoins de renom, sont sollicités pour appuyer la pertinence de cette recommandation. Les limites de cette modalité d’action sont connues. Elle peut être efficace dans un temps court. Mais elle l’est moins sur un temps plus long. Elle peut inciter sur le moment, dans le contexte stimulant d’un évènement sportif majeur, des personnes à se mouvoir. A plus long terme, une fois cette grande manifestation terminée, les effets s’estomperont. L’objectif est pourtant de développer, dans la durée, un style de vie actif. Pour qu’une personne fasse de l’activité physique un élément constitutif et pérenne de son bien-être, il faut avant tout qu’elle le décide elle-même et non qu’on le lui ordonne. Ainsi pensée l’incitation à la pratique physique n’est plus dépendante d’une recommandation, d’une injonction mais d’un choix délibéré et d’une motivation propre. Au devoir de bouger doit se substituer un droit de pratiquer.
Plutôt que de faire peur : Fédérer !
Ensuite, cette grande cause est directement liée à un état des lieux, réel, qui s’appuie sur une présentation de la situation appréhendée à travers le « risque sanitaire », la « mortalité » et « un tsunami ». L’accent est mis sur le caractère dramatique du constat. Il ne s’agit pas de le nier. Mais plutôt que de s’adresser à nos concitoyens et aux jeunes à partir d’un contexte plutôt sombre il nous parait plus pertinent, car stimulant, de les concerner en s’appuyant sur une vision plus lumineuse. Faire adhérer des personnes à un projet collectif est plus aisé si l’ambition qui l’anime est d’envisager un idéal construit autour de perspectives positives plutôt que de s’extirper d’une situation délicate. Vivre la diversité des plaisirs attachée à la pratique sportive reste plus enthousiasmant que de bouger pour lutter contre les futurs dangers causés par l’immobilité. Les résultats obtenus pourraient être les mêmes mais les effets hygiéniques ne sont que les conséquences d’une pratique et non les causes qui en sont à l’origine.
Comprendre les raisons de leur inactivité
Pour finir, elle s’adresse à des personnes sans prendre en compte les raisons objectives de leur inactivité. Un enfant peut être inactif parce que des parents ne voient pas l’intérêt de la pratique sportive. Un adolescent peut être inactif parce que la pratique du sport qui lui est proposée ne lui convient pas. Une lycéenne peut être inactive parce que le temps consacré à son « métier d’élève » ne lui permet plus d’avoir un loisir actif. Un étudiant peut-être inactif parce qu’il ne trouve pas, dans la nouvelle ville où il réside, un cadre de pratique dans lequel il peut s’épanouir. Un jeune peut être inactif parce que son corps devient un obstacle à toute forme d’engagement physique. Un discours très général sans lien direct avec l’itinéraire physique des gens auxquels il est sensé s’adresser a peu de chance de trouver un écho favorable. Inciter les gens à bouger n’a de sens que si l’on prend en compte les raisons qui sont à l’origine de leur sédentarité.
Une stratégie à penser et à construire
Développer un habitus de vie actif est un enjeu national. Le déroulement des JOP sur notre territoire est une formidable opportunité pour lui donner un élan. L’Ecole doit relayer cette ambition. Mais elle ne peut prendre corps que si elle est pensée en co-construction avec les personnes concernées. L’engagement dans un mode de vie actif est une décision s’appuyant sur un sens, des plaisirs, une sociabilité, des objectifs de délassement, de dépassement ou de découverte ancrés dans la pratique du sport et en lien avec les raisons réelles de l’inactivité. A une approche descendante, triste et sans nuance doit se substituer une stratégie concertée, engageante et diversifiée. Elle reste à penser et à construire.
Maxime Travert, Professeur des université, Institut des Sciences du Mouvement (ISM), UMR7287, CNRS, Aix-Marseille Université.
Olivier Rey, Maitre de Conférence, Institut des Sciences du Mouvement (ISM), UMR7287, CNRS, Aix-Marseille Université.