Ladj, réalisateur d’un premier long métrage exceptionnel, « Les Misérables » [2019], Prix du Jury au festival de Cannes, lauréat de 4 Césars, représentant de la France aux Oscars, fêté par le public (plus de deux millions de spectateurs à sa sortie) ne s’est pas laissé griser par le succès. Aujourd’hui, avec «Bâtiment 5 », il ne lâche pas « Les Indésirables » (titre du film à l’Etranger), les habitants des quartiers populaires de banlieues au bâti délabré, comme celle où il a grandi, la cité des Bosquets. Cette fois, le cinéaste met en scène la vie quotidienne chaotique et pleine de dangers d’un groupe de résidents en lutte contre un projet de ré notion conçu sans concertation par une autorité municipale supposée les représenter. Après la figuration crue et fiévreuse d’une jeunesse au bord de l’embrasement confrontée à des forces de l’ordre les nerfs à vif et les armes à la main, Ladj Ly poursuit la mise en lumière de la violence et de l’injustice contre lesquelles ses héros ‘mal-logés’ se mobilisent pour tenter de vivre dignement. Avec en figure de proue, Haby ( Anta Diaw, formidable interprète), jeune militante associative, combattante acharnée, engagée dans l’action au jour le jour contre la démolition programmée d’une barre d’immeuble et l’évacuation des familles concernées. Difficile cependant d’y voir ici incarné l’espoir d’une nouvelle forme d’action politique tant le dénouement de « Bâtiment 5 », accentué par l’âpreté du style, la colère et la rage soulignées par la musique originale de Pink Noise, teintée de pointes de lyrisme, semblent conduire à une impasse tragique. Comme la dénonciation implacable des mécanismes politiques d’exclusion et la mise au jour radicale de la machine à reléguer socialement les mal-lotis et autres indésirables.
Samra Bonvoisin
« Bâtiment 5 », film de Ladj Ly-en salle depuis le 6 décembre 2023
Dans le Café pédagogique
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