Quelle sera la réaction du ministère de l’Education nationale après l’assassinat de Dominique Bernard, professeur de lettres au lycée Gambetta d’Arras ? Emmanuel Macron a rendu hommage au courage des personnels du lycée et de Dominique Bernard qui « a sans doute sauvé beaucoup de vies ». Gabriel Attal reçoit le 13 octobre au soir les syndicats. Dans la soirée du 13, il a envoyé aux écoles et établissements des consignes de sécurité. Il lui revient maintenant d’apporter de vraies réponses pour la sécurité des personnels et des élèves. Et aussi de définir l’accueil dans les écoles et les établissements lundi 16. Profondément meurtris par cet assassinat ciblé, les enseignants ont besoin de se retrouver pour faire face aux questions des élèves et affirmer les missions de l’Ecole. Ils attendent la reconnaissance et les instructions du ministère.
L’hommage d’E. Macron
« Je suis là pour témoigner du soutien de la Nation », a déclaré Emmanuel Macron dans la cour du lycée Gambetta d’Arras le 13 octobre. Relevant que « presque 3 ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty c’est à nouveau dans une école que frappe le terrorisme », le président de la République a salué « l’extraordinaire courage du proviseur, des enseignants, des élèves, du personnel éducatif et des élus qui font bloc autour d’eux ». « L’enseignant qui a été tué s’est interposé et a sauvé sans doute beaucoup de vies » a t-il ajouté. Emmanuel Macron est venu « pour témoigner que nous nous tenons debout ». Pour lui la preuve est la réouverture du lycée samedi 14 pour les élèves et les enseignants qui le souhaitent ». Il appelle à « rester unis et debout ».
Un ancien élève fiché S
Dans la matinée du 13 octobre, à 11 heures, un ancien élève du lycée, Mohammed Mogouchkov, d’origine tchétchène, comme l’assassin de S Paty, est entré dans le lycée armé de couteaux. Il a frappé Dominique Bernard, un professeur de français, qui essayait de le raisonner et qui a été tué sur le coup. Il a aussi blessé gravement un professeur d’EPS et le chef cuisinier qui se sont interposés. Il a ensuite été désarmé et arrêté par la police. Selon un témoin, le terroriste cherchait un professeur d’histoire-géographie. Selon BFM TV, cet ancien élève du lycée aurait déjà agressé un enseignant lorsqu’il était élève. Fiché S pour sa radicalisation religieuse, il était suivi par la police. Son frère a aussi été arrêté.
« Ce qui est glaçant c’est que c’est un ancien élève du lycée », nous dit Benoît Teste, secrétaire général de la Fsu. Une émotion partagée par Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du Se-Unsa. « Aujourd’hui je me dis que peu importe l’école ou l’établissement, le danger existe tout le temps. Or l’école ne doit pas avoir peur. Elle doit rester debout et unie, comme la République ».
Des mesures de sécurité pour les écoles et établissements
Dans la soirée du 13 octobre, les écoles et établissements ont reçu des consignes de sécurité notamment sur le contrôle des accès, la visite des sacs des élèves et des adultes, la surveillance des abords. Des mesures que les écoles et établissements ne sont pas forcément à même, faute de personnels, d’appliquer. On voit mal comment elles pourraient visiter tous les sacs par exemple.
Les attentes des syndicats
Les syndicats sont reçus le 13 octobre au soir par le ministre. « On attend de cette réunion qu’elle puisse caler ce qui va se passer samedi et lundi », explique B Teste. « On veut pouvoir exprimer notre émotion, rendre hommage et ne pas faire comme si rien ne s’était passé », assure B Teste. « On attend une prise de conscience collective du fait que l’Ecole est devenue une cible », nous dit Elisabeth Allain-Moreno. « Il faut une prise de conscience de l’exposition des élèves et des personnels ».
Les syndicats attendent aussi des réponses à long terme. « Il faut un renforcement des équipes de vie scolaire. On a des équipes de vie scolaire, de santé, des psychologues en nombre largement insuffisant pour dialoguer avec les familles », estime Elisabeth Allain-Moreno. « La sécurité ne passe pas seulement par des caméras. l’école est le lieu de la responsabilisation, un lieu où on apprend à être libre. La caméra est à l’opposé de ce qu’on enseigne à l’école ». « Il faut plus d’adultes », estime B Teste. « Quand il y a plus d’adultes, cela aide à arrêter les intrusions ». Aucun surveillant n’est d’ailleurs intervenu à Arras. « Si on répond par des portiques de sécurité ce ne sera pas adapté. Les deux syndicats se retrouvent pour dire que toute solution doit être prise avec les personnels.
« On attend aussi qu’on tienne un discours clair sur le terrorisme », ajoute B Teste. « Qu’on ne confonde pas religion et extrémisme. On sera vigilant qu’il y ait un discours rappelant que les musulmans ont toute leur place dans ce pays et que c’est en travaillant à l’antiracisme et à la réduction des inégalités qu’on répondra sur le long terme à la question ».
Les professeurs d’histoire-géographie en première ligne
Reste que l’assassin cherchait un professeur d’histoire géographie. « On est sidéré par la peur d’être une cible », nous dit B Teste, lui-même professeur d’histoire-géographie. « On incarne la transmission de valeurs humanistes et émancipatrices. On aborde des questions vives, on débat. Et c’est ce que ne supportent pas les obscurantistes ».
« Tout le corps professoral était visé », nous dit Joëlle Alazard, présidente de l’APHG, la principale association de professeurs d’histoire-géographie, organisatrice du Prix Samuel Paty. « Mais nous nous retrouvons en première ligne en essayant de faire des élèves des citoyens ». L’APHG attend du ministère un suivi des élèves fichés S et davantage de moyens. Pour lundi, « on ne va pas prendre les classes à 8 heures », nous dit-elle. « Il faut une journée pour qu’on puisse débattre entre nous et nous retrouver ».
L’assassinat de S Paty avait eu lieu la veille des vacances de la Toussaint. Et, lors de la rentrée, JM Blanquer s’était opposé à une matinée banalisée pour que les enseignants puissent se retrouver et s’épauler avant de recevoir les élèves. Gabriel Attal dit maintenant décider de ce que sera la rentrée lundi. Entendra t il la demande des enseignants d’avoir ce moment d’échange, de partage des émotions et de réassurance. Un moment qui permette de faire communauté pour préparer la venue des élèves et être en mesure de les rassurer. Un moment utile finalement à la République.
François Jarraud