En mars dernier, le Réseau Éducation et Solidarité et la Fondation d’entreprise pour la santé publique appelaient les enseignants et enseignantes à répondre à une enquête internationale pour évaluer les facteurs de santé, le bien-être du personnel de l’éducation et contribuer à améliorer leur condition dans le monde. Si l’enquête se targue de 26 281 répondants, ils ne sont que 10 562, dont 92 % enseignants, à avoir répondu en France. Soit, moins d’1% des personnels. Pour autant, leurs réponses montrent les difficultés ressenties par les professionnels : mal-être, sentiment de dévalorisation, mauvaise qualité de vie, stress…
Le mal-être enseignant ne semble pas une spécificité française selon le rapport IBEST du Réseau Éducation et Solidarité et de la Fondation d’Entreprise qui met en lumière les nombreux défis auxquels les enseignants sont confrontés, « du sentiment de dévalorisation à celui d’être débordé, et souligne la nécessité urgente de s’attaquer à ces problèmes pour assurer l’avenir de la profession d’enseignant et garantir ainsi une éducation de qualité ».
« Malgré la diversité des réalités et des contextes dans le monde, les professionnels de l’éducation ont tendance à se sentir sous-estimés. Ce sentiment est exacerbé par une charge de travail écrasante, des environnements de travail difficiles, un manque de reconnaissance et des possibilités d’avancement limitées », c’est d’un des enseignements de ce rapport. Mais il fait également état d’une augmentation « alarmante de l’incidence de la violence sur le lieu de travail », du « mauvais état de la santé psychologique », « de l’insuffisance des systèmes de soutien » mais « malgré ces défis, la majorité des personnels choisiraient à nouveau leur profession, ce qui témoigne du dévouement, de l’engagement et de la passion des enseignant·es pour la profession qu’ils aiment et dont le monde a besoin » tempèrent les rapporteurs.
Qualité de vie au travail des enseignants français
À la question « Où vous situez-vous actuellement sur l’échelle de la meilleure à la pire vie possible ? », plus de la moitié (52%) des sondés français fait état d’une qualité de vie peu satisfaisante. Un résultat quasi équivalent à celui de la Belgique, au Cameroun et au Maroc. En Suisse, ils sont un quart.
48% des répondants français éprouvent très souvent voire toujours des sentiments négatifs, tels que l’anxiété, la dépression et le désespoir. 63% se disent insatisfaits de l’équilibre vie personnelle/professionnelle (et c’était avant les missions supplémentaires du Pacte…). Pour 73% d’entre eux, leur métier est source de stress. Seulement un enseignant sur deux est d’accord avec l’affirmation, « si c’était à refaire, je choisirai de nouveau mon métier ». Seuls les répondants suisses et argentins se démarquent avec près de trois quart des répondants d’accord avec l’affirmation.
82% des français se disent insatisfaits des possibilités d’évolution, une situation équivalente aux enseignants espagnols. Le Maroc, l’argentine et le Japon se démarquent avec près d’un quart de satisfaits des possibilités de mobilité professionnelle.
96% des répondants français estiment que leur métier n’est pas valorisé dans la société, loin devant tous les participants à l’enquête. Sauf la belgique, où il sont 94%.
Conditions de travail des enseignants français
64% se plaignent de ne pas être informé à l’avance des décisions importantes, 63% que leur travail n’est ni reconnu ni valorisé par la hiérarchie, 64% se plaignent du manque de formation. Quant au salaire, ils sont 75% à l’estimer insuffisant ou très insuffisant.
Alors que 84% des répondants français déclarent avoir des effectifs de plus de 20 élèves par classe (14% en déclarent plus de 30), ils sont seulement 32% en Suisse est 94% au Cameroun. Les enseignants du premier degré déclarent travailler 42,7 heures par semaine, ceux du seconde degré, 39 heures. Au Royaume-Uni, c’est respectivement 48,8 heures et 47,6. En Suisse, 44,3 et 42,7. Et au Japon, 49,9 et 51,9. À l’opposé, les enseignants marocains déclarent quant à eux travailler 31,8 heures dans le premier degré et 27,8 dans le second.
Concernant les relations avec la direction, près de 70% les déclarent mauvaises. Pour près de 90%, elles sont bonnes avec les collègues, 86% les qualifient de bonnes avec les parents et 96% les estiment bonnes ou très bonnes avec les élèves. 70% estiment d’ailleurs que le climat scolaire est relativement bon.
96% des répondants français se sentent en sécurité dans leur établissement, contre 72% au Cameroun.
65 % répondent avoir été victimes de violences, 49% de la part d’un ou des élèves, 69% d’un membre du personnel, 54% de la part de parents et 88% de personnes extérieurs à l’établissement. Un chiffre équivalent à ceux qui déclarent avoir été témoins d’un fait de violence.
Pour David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, « l’environnement et les conditions de travail des enseignants ont un impact direct sur la qualité de l’éducation. Lorsque les personnels de l’éducation sont confrontés à une charge de travail écrasante, à un manque de reconnaissance, à une détresse psychologique et qu’ils ne sont pas consultés sur les outils qu’ils utilisent, leur capacité à enseigner efficacement et leur motivation à rester dans la profession s’en ressentent. Il est essentiel de relever ces défis pour assurer le bien-être du personnel éducatif et garantir une éducation de qualité pour tous ».
Il exhorte les décideurs à « concevoir et mettre en œuvre des politiques axées sur l’amélioration de la santé et du bien-être de nos personnels d’éducation » et « à respecter, valoriser et faire confiance à l’expertise pédagogique des enseignants et du personnel éducatif, et à prendre des mesures pour résoudre ces problèmes cruciaux ».
Lilia Ben Hamouda