La note de service sur l’interdiction du port des abayas est enfin parue au Bulletin Officiel, à quelques heures de la rentrée des enseignantes et enseignants. Annonce phare du nouveau ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, la note censée la mettre en application n’apporte pourtant pas de solution miracle.
Jeudi 31 août à 19h30, soit quelques heures avant la rentrée des enseignants et enseignantes, la note de service cadrant le port de ce vêtement qualifié de religieux était enfin publiée au Bulletin Officiel. Si le Ministre se positionne en cette rentrée justifie-t-il, c’est sous la demande pressante des chefs d’établissements. 150 établissements ou écoles, sur les 60 000 que compte notre pays, seraient concernés par des atteintes à la laïcité de ce type. Attendue depuis des semaines, cette note de service n’apporte finalement pas grand-chose aux équipes qui devront continuer de se dépatouiller. Parce que finalement, la difficulté que rencontreront les équipes, c’est comment définir une abaya, comment la distinguer d’une robe longue…
« Dans certains établissements, la montée en puissance du port de tenues de type abaya ou qamis a fait naître un grand nombre de questions sur la conduite à tenir. Ces questionnements appellent une réponse claire et unifiée de l’institution scolaire sur l’ensemble du territoire » écrit le Ministre. « En vertu de l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation, qui reprend la loi du 15 mars 2004, le port de telles tenues, qui manifeste ostensiblement en milieu scolaire une appartenance religieuse, ne peut y être toléré. En application de cet article, à l’issue d’un dialogue avec l’élève, si ce dernier refuse d’y renoncer au sein de l’établissement scolaire ou durant les activités scolaires, une procédure disciplinaire devra être engagée ».
Le dialogue avant tout
Le Ministre détaille les différentes étapes que doivent suivre les chefs d’établissements et les directeurs d’école « avec le soutien indéfectible des autorités académiques – au premier rang desquelles le recteur et le directeur académique des services de l’éducation nationale ».
Première étape : le dialogue. Le Ministre avait déjà insisté, lors de sa conférence de presse de rentrée, sur l’importance du dialogue et de la pédagogie dans ce type de situation. « Le dialogue avec l’élève doit constituer le premier moyen à mobiliser lors de ces situations. Ce dialogue peut en effet, dans un grand nombre de cas, résoudre les tensions et dissiper les incompréhensions ». Seconde étape, si la situation persiste et que les jeunes filles continuent à se présenter aux portes de l’établissements avec une abaya, « un échange approfondi avec les parents ». Les équipes académiques Valeurs de la République peuvent participer ou mener cet entretien précise la note de service. « Cette procédure ne saurait être une négociation, sous quelque forme que ce soit » prévient le Ministre. « Son objectif est de mettre un terme rapide et durable au comportement constitutif d’un trouble au bon fonctionnement de l’école ou de l’établissement, sous peine, le cas échéant, de sanction disciplinaire de l’élève concerné. En cas d’échec de cette phase, une procédure disciplinaire sera systématiquement engagée par le chef d’établissement ».
Faire respecter les valeurs de la république et la laïcité, le rôle des personnels
La note de service rappelle que « l’ensemble des personnels des écoles et des établissements scolaires a pour mission commune d’incarner, de faire vivre et de transmettre la laïcité et les valeurs de la République » et que « les chefs d’établissements, IEN et directeurs d’école sont les premiers responsables de la mise en œuvre de ces principes ».
« Tous les professeurs contribuent à la pédagogie de la laïcité et des valeurs de la République, à laquelle concourent l’ensemble des disciplines et les éducations transversales » écrit le ministre. Une tâche des plus ardue lorsque l’on a peu ou pas été formé. Sur les 856 500 enseignants et enseignantes, seulement 330 000 ont bénéficié d’une formation spécifique. Le ministère affiche une ambition de 100% de professeurs formés à l’orée 2025. Du côté des cadres, les IEN seront formés dès cette rentrée à l’image de la formation reçue par les chefs d’établissements en 2022-2023.
Le Ministre invite aussi les personnels à se saisir du coffret Guide républicain, du vadémécum La Laïcité à l’école et de la Charte de la laïcité, « support de référence pour mener une pédagogie de la laïcité avec les élèves, pour informer et présenter aux parents le sens de ce principe à l’École ».
Une lettre aux parents
La note de service envoyée aux chefs d’établissements est accompagnée d’une lettre aux parents signée par le Ministre que les chefs d’établissements et directeurs pourront adresser aux parents. « L’école de la République accueille tous les élèves sans stigmatisation ni discrimination. Votre enfant y a toute sa place » peut-on y lire. « Le principe de laïcité suppose la neutralité de l’État à l’égard de tous les élèves, quelles que soient leurs convictions. Ce devoir de neutralité s’applique aussi à l’école, qui a pour devoir de les instruire et de forger leur esprit critique dans le respect de chacun. C’est pour cela que j’ai indiqué que les abayas et les qamis ne peuvent pas être portés en milieu scolaire. Je veux rappeler que la laïcité ne s’oppose à aucune religion et que les règles sont les mêmes pour tous. Elles protègent les élèves de toute pression physique, symbolique ou psychique. Le dialogue sera toujours la première réponse de l’école et je sais que dans la très grande majorité des situations, il permettra de surmonter les difficultés. Je sais aussi pouvoir compter sur vous en tant que parents pour expliquer à votre enfant l’importance et la portée de la loi ».
L’annonce de l’interdiction du port de l’abaya et du qamis semble plus s’insérer dans un agenda politique que répondre à un besoin d’une majorité des écoles et établissements. La note de service tant attendue et tant médiatisée n’apporte finalement pas de solution miracle.
Lilia Ben Hamouda