Une note de service publiée le 27 juillet précise les conditions d’exercice et d’attribution des missions du Pacte dans l’enseignement public. Elle ouvre largement ces missions, y compris aux personnels sans élèves, à temps partiel, quelque soit le cycle d’exercice et autorise même la fragmentation des missions. Elle fixe le calendrier des signatures à la mi octobre. Elle donne la priorité aux missions de remplacement dans le 2d degré et d’exercice en 6ème pour les professeurs des écoles. Et elle définit précisément les missions. Celles-ci sont souvent lourdes car en plus du temps devant élèves il y a souvent des réunions et toujours un bilan à faire. Ces missions généralisent le paiement à la tâche. Y compris pour remplacer de véritables emplois : coordonnateur de la découverte des métiers, tutorat, accompagnement vers l’emploi par exemple. Le Pacte est bien le laboratoire d’une privatisation du métier, où le chef local paye à la tâche et sous forme annualisée des prestations.
Plus de métier, mais des missions ouvertes à tous
« La présente note vise à préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif indemnitaire, les modalités de répartition des enveloppes correspondantes, d’attribution des missions complémentaires, de liquidation des parts fonctionnelles et de suivi de l’exécution dans l’enseignement public ».
Le texte définit qui peut signer pour ces missions. Il s’agit des personnels enseignants (contractuels ou fonctionnaires), des CPE, des Psy EN qu’ils soient devant élèves ou non, qu’ils perçoivent l’ISOE ou l’ISAE ou non, y compris les personnels à temps partiel. « L’attribution de parts fonctionnelles est ouverte à tous les personnels précités, qu’ils perçoivent ou non la part fixe de l’ISAE ou de l’ISOE, à la condition que les missions soient exercées dans une école ou un établissement d’enseignement du second degré… Les missions complémentaires… sont accessibles indépendamment des cycles au sein desquels exercent les personnels affectés ». Dans ce cadre très large, on peut donc mélanger les cycles. Des enseignants du primaire peuvent intervenir dans le 2d degré, même pour des remplacements (en Segpa), des professeurs de lycée en collège etc. La mission peut aussi être fragmentée en demi-mission, à l’exception des missions prioritaire.
C’est le signe que l’on n’est plus dans des références des corps enseignants mais dans celui du marché de l’emploi. Les missions sont annualisées et les heures dues quoiqu’il arrive. Les missions sont attribuées par les chefs immédiats, chef d’établissement dans le second degré, IEN en accord avec le directeur dans le premier. Cela leur donne un levier important sur la paye qui était réclamé depuis le Grenelle de l’éducation. Car le versement de la mission est mensualisé (sur 9 mois). Les lettres de mission peuvent être signées jusqu’à début octobre. Les établissements, en année normale, connaissent leur contingent au plus tard en mars.
La définition des missions
Dans le premier degré la mission de soutien en maths et français en 6ème est prioritaire. Elle est d’ailleurs mieux rémunérée que les autres puisque portant sur 18 heures au lieu de 24h pour les autres. Dans le second degré, la mission prioritaire est le remplacement de courte durée, elle aussi rémunérée pour 18 heures au lieu de 24h.
Les missions du 1er degré comprennent, outre le soutien en 6ème, l’intervention dans Devoirs faits; dans les stages de réussite et l’Ecole ouverte et le soutien aux élèves en difficulté. Ces 3 dernières pour 24h devant élèves. S’ajoutent des missions de prise en charge de projet d’innovation, ceux du CNR et ceux des classes engagées dans le SNU. Et une mission d’appui à des élèves à besoins particuliers.
Dans le second degré, outre le remplacement de courte durée, on retrouve les interventions dans Devoirs faits et l’Ecole ouverte. S’ajoutent les interventions dans le cadre de la découverte des métiers au collège. Ces trois dernières pour 24h devant élèves. Le Pacte propose aussi des missions de prise en charge de projet d’innovation et une mission d’appui à des élèves à besoins particuliers. Une mission supplémentaire est proposée en collège pour l’encadrement de la découverte des métiers.
En lycée professionnel, » le Pacte des lycées professionnels est constitué jusqu’à six parts fonctionnelles conduisant à une rémunération pouvant aller jusqu’à 7 500 € bruts annuels ». Mais « il peut également comporter un nombre inférieur de missions ». Ces missions concernent de l’enseignement et accompagnement post-bac, de l’enseignement en petits groupes, de l’accompagnement des élèves en difficulté et de l’accompagnement vers l’emploi. La note donne un exemple d’un enseignant cumulant des remplacements , des missions de face à face pédagogique et des missions en forfait annuel. Tout cela représente plus de 4 heures supplémentaires sur 36 semaines. C’est vraiment mésestimer le travail réalisé en lycée professionnel que croire que cette surcharge de travail est sans effet sur les cours ordinaires.
Des charges plus lourdes que prévues
Parce que les missions ne se résument pas au face à face élèves. Ainsi le soutien en 6ème comprend 18 heures devant élèves mais aussi le suivi des élèves et leur évaluation et des réunions : « participation, lorsque cela est nécessaire, aux réunions d’organisation et de coordination des heures hebdomadaires de session (composition des groupes, répartition des contenus pédagogiques des sessions, etc.) ; concertation avec les professeurs de français ou de mathématiques des classes concernées (partage des progrès des élèves, transmission de bilans personnalisés pour les conseils de classe, etc.) ». Plus un bilan. La participation à Devoirs faits inclut des réunions de coordination, le lien avec les professeurs des élèves et le bilan.
Des missions à la place des emplois
Certaines missions correspondent tout simplement à des emplois. Ainsi la coordination de la découverte des métiers qui comprend rien de moins que « la conception du parcours proposé aux élèves » et « mobiliser les ressources du tissu économique local et plus éloigné ». C’est un vrai travail à temps plein pour organiser deux séances pour chaque classe par mois. Au même niveau, en lycée professionnel, la mission « accompagnement vers l’emploi » implique des coordinations avec France Travail et le suivi des jeunes. Une variante est l’accompagnement post terminale qui implique des connaissances très particulières comme » identifier les besoins des jeunes au regard de leur projet d’insertion ou de poursuite d’études ; définir des parcours personnalisés en fonction de ces besoins..; assurer la coordination et le suivi de ces parcours en partenariat avec les acteurs locaux de l’emploi et de la formation ». Une autre variante revient à remplacer les chefs de travaux. Le missionné doit » faire vivre le lien établissement-entreprise » et pour cela « accompagner les tuteurs de stage à l’accueil et à l’évaluation d’un élève, notamment à travers la production de supports et documents en lien avec les professeurs référents du suivi de l’élève en PFMP (rôle et missions du tuteur, fiche de présentation du référentiel d’activités professionnelles, nature des activités pouvant être conduites en fonction de l’année de formation), l’organisation ‘de temps dédiés aux tuteurs dans l’établissement », veiller à la pérennisation des partenariats avec les entreprises (formalisation et le suivi des partenariats engagés ; développement de nouveaux partenariats ; participation de partenaires professionnels à la vie de l’établissement : événement, intervention, etc.). C’est un vrai travail, demandant des compétences particulières qui n’est rémunéré que par une prestation annuelle minime !
Sommes-nous entrés dans ce métier pour cela ?
Le Pacte est d’abord une bonne affaire pour le ministère en confiant des tâches spécialisées à des enseignants sous payés. C’est aussi un instrument qui renforce la main mise des cadres immédiats, comme le chef d’établissement, sur les personnels. Rien n’encadre précisément la distribution des missions parmi les personnels. La paye de chaque professeur va dépendre de son rapport à son supérieur hiérarchique. Le Pacte introduit aussi l’annualisation, demandée depuis des années par la Cour des comptes. Dans l’esprit du ministère, chaque enseignant devient un auto-entrepreneur du secteur éducatif, payé à la tâche. Il semble que les enseignants aient senti cela puisque la distribution des missions se passe moins bien que ce que le ministère espère selon un récent rapport parlementaire. Les professeurs sont mal payés. Mais sont-ils vraiment entrés dans ce métier pour cela ?
François Jarraud
L’outil de la libéralisation de l’Ecole