Au Printemps 2022, La Depp – Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance – a conduit sa première enquête de climat scolaire et de victimation auprès des directeurs et des enseignants du premier degré. Si les résultats, parus le 31 mars, montrent une perception globalement positive du climat scolaire au sein de l’école, l’enquête fait apparaître une profession mal rémunérée (91% des enseignants interrogés), « épuisée » (61% ), qui ne « s’imagine pas capable de faire le même travail jusqu’à la retraite » (70,9%) et en manque de considération de la part de la hiérarchie (73%).
Menée auprès de 21 000 enseignants, enseignantes, directeurs et directrices d’école, l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation 2022 avait un double objectif « d’une part évaluer le climat scolaire et les conditions de travail au sein des écoles depuis le début de l’année scolaire, d’autre part mesurer les éventuelles atteintes subies par les personnels ».
« De manière générale, les professeurs des écoles et les directeurs ont une perception positive du climat scolaire » souligne le service statistique du ministère. « Ainsi 86 % d’entre eux se sentent bien ou très bien dans leur école et 82 % sont satisfaits du climat scolaire dans l’école. Dans la classe, les enseignants du premier degré et les directeurs partiellement déchargés d’enseignement expriment un niveau de satisfaction encore plus élèvé : 92 % se sentent bien ou très bien dans leur classe et 89 % sont satisfaits du climat scolaire dans la classe ».
Relation au sein de l’équipe et avec l’institution
Les relations au sein de la communauté éducative sont bonnes, voire très bonnes selon plus de neuf personnels sur dix. « En particulier, les relations avec les élèves sont jugées« bonnes » ou « très bonnes » par presque tous les personnels (99 %) ». Moins nombreux à se sentir considères par les parents d’élèves – à 80 %, cette perception varie en fonction de la fonction exercée. Elle est jugée bonne, voire très bonne par « 94 % des directeurs totalement déchargés, 86 % des directeurs partiellement déchargés et 79 % des enseignants ». A 87%, les personnels de l’école se considèrent comme solidaires. Selon 87% des personnels, « les élèves dans leur école apprennent « bien » ou « très bien » » et les relations entre les élèves sont « bonnes » ou « très bonnes » pour 86% d’entre eux.
Lorsqu’on les interroge sur la relation avec l’institution, leur ressenti est nettement moins positif. « Ils signalent un fort déficit de considération de la part de l’institution : seulement 27 % d’entre eux se sentent « tout à fait » ou « plutôt » considérés par l’institution. Le sentiment de considération de la part de la hiérarchie directe est beaucoup plus favorable (65 %) ». Plus les personnels ont d’ancienneté, plus le sentiment d’être considéré par la hiérarchie diminue. 37 % des titulaires depuis moins de cinq ans s’estiment considérés, contre 27 % de ceux qui le sont depuis plus de quinze ans. « En revanche, les plus expérimentés se sentent davantage respectés par les élèves (+ 5 points) et considérés par les parents (+ 4 points) ».
Perception de la violence
Concernant, la violence, « 55 % des personnels déclarent qu’il y a « beaucoup » ou « un peu » de violence dans leur école ». Pour autant, plus de 95 % se sentent en sécurité dans l’école. La perception de la violence varie là encore selon l’ancienneté. « Ainsi près des deux tiers des titulaires depuis moins de cinq ans perçoivent de la violence dans leur école, alors que cela concerne a moitié de ceux ayant plus de quinze ans d’ancienneté. Globalement les plus jeunes dans le métier sont moins satisfaits du climat scolaire de l’école (79 % contre 84 %) et de leur classe (83 % contre 90 %) ». La perception de la violence varie aussi selon que l’école soit une maternelle ou une élémentaire. En maternelle, « 58 % des personnels ne perçoivent pas beaucoup ou pas du tout de violence contre 36 % des personnels en école élémentaire ». Le classement de l’école en REP ou REP+ influe également sur la violence perçue par les personnels. « En éducation prioritaire (EP) : 64 % (des personnels) perçoivent un peu ou beaucoup de violence contre 53 % des personnels exerçant hors EP »
Les violences subies sont généralement du fait des parents d’élèves. 37% des enseignants déclarant avoir subi des violence évoquent arrogance ou mépris des parents. Pour 27% c’est sous la forme de refus ou de contestation d’enseignement, du contenu des enseignements, du statut d’enseignant, des règles de l’école ou de contestations des sanctions que se manifestent ces violences. 10% des personnels ayant subi des violences déclarent avoir été menacés. Du côté des violences du fait des élèves, il s’agit plutôt de moqueries, d’insultes, de vol et dégradation matériel pédagogique (pour 10% des personnels ayant déclaré subir des violences). La Depp note que les directeurs d’école sont plus fréquemment victimes de violences dans le cadre scolaire que les enseignants. Interrogés sur les événements déclencheurs de violence, 45% des directeurs évoquent les convictions personnelles de l’auteur. Et pour 44%, c’est la succession de protocoles sanitaires dans le cadre de pandémie de Covid-19 qui sont à l’origine des agressions subies. Pour 40%, « les règles de l’école ou le contenu pédagogique au nom de convictions religieuses, philosophiques ou politiques » sont invoquées.
« Dans les écoles en zone urbaine, la violence est plus fréquente que dans les écoles implantées dans une commune rurale », souligne le service statistique. « Il en est de même pour les écoles en éducation prioritaire (EP). En revanche, dans ces dernières, le refus ou la contestation d’enseignement y est moins fréquent que dans les écoles hors EP ».
6% des répondants déclarent avoir été harcelés au cours de l’année scolaire 2021-2022. « 38 % citent les collègues de l’école, 13 % le supérieur hiérarchique et 10 % d’autres personnels de l’école. Les parents d’élèves sont cités par 43 % des personnels victimes de harcèlement ».
Des attentes vis-à-vis des parents qui différent en fonction du terrain d’exercice
Du côté de la relation avec les familles, les personnels exerçant en éducation prioritaire se sentent davantage considérés par les parents (+4 points) mais éprouvent plus de difficultés à rencontrer les familles (+ 16 points) que leurs collègues hors EP. La Depp rapporte des attentes différenciés vis-à-vis des familles en fonction que les enseignants exercent en EP ou pas. En EP, « ils sont plus nombreux à attendre davantage de suivi (+ 11 points) et d’encadrement (+ 5 points). La différence la plus marquée concerne les attentes vis-à-vis de l’implication dans la vie de l’école (51 % en EP contre 29 % hors EP). À l’inverse, les personnels hors EP attendent davantage de confiance dans les décisions prises par l’équipe pédagogique (52 % hors EP contre 38 % en EP) et davantage de respect des prérogatives pédagogiques des professeurs (45 % hors EP contre 31 % en EP) ».
Enseignant : un métier qui a du sens
Concernant la perception du métier, de façon plus générale, les enseignants « n’éprouvent pas de sentiment d’ennui dans le cadre de leur travail (96 %) et déclarent effectuer des tâches qui leur plaisent (93 %), ont du sens (84 %) et sont utiles aux autres (85 %) ». Pour autant, « seule la moitié des personnels juge disposer d’informations claires et suffisantes, ils sont encore moins nombreux à estimer avoir une formation suffisante et adaptée (28 %). Par ailleurs, moins d’un tiers des personnels estime disposer du temps suffisant pour effectuer correctement son travail (31 %) et de moyens matériels adaptés et suffisants (31 %) ». Sur le volet travail collectif, « seulement 42 % considèrent disposer d’un temps suffisant de travail en équipe et 48 % d’avoir des possibilités suffisantes de coopération. En grande majorité, les personnels estiment recevoir le respect mérité de leurs collègues (89 %), néanmoins ils ne sont que 52 % à juger recevoir le respect mérité de la part de la hiérarchie. En outre, seuls 55 % des personnels estiment avoir un soutien satisfaisant dans les situations difficiles. Plus généralement, 61 % des personnels se sentent épuisés ».
Et sur le volet rémunération, sans surprise, « seuls 9 % d’entre eux estiment être rémunérés à leur juste valeur ». Et pour la retraite, « seuls trois personnels sur dix déclarent se sentir capables de faire le même travail jusqu’à la retraite »… Une information dont devrait tenir compte la rue de Grenelle, et plus généralement l’Élysée…
Lilia Ben Hamouda