Qui peut se targuer d’avoir rédigé une proposition de loi ? Peu d’entre nous. Les 23 élèves de Cm2 de l’école Jean Macé à Halluin le peuvent. Depuis la rentrée, accompagnés de leur enseignante Géraldine Grouwet et de la conseillère pédagogique de circonscription Martine Drodzinski, ils participent à un projet visant à rédiger une proposition de loi sur le thème du « renforcement de la participation démocratique et confiance des institutions ». Après tout un parcours démocratique pour choisir la thématique de leur projet de loi, c’est la préservation de la vie animale qui l’a remporté.
Jean Macé est une école élémentaire qui se situe dans le centre-ville de la commune d’Halluin, dans la région des Hauts de France, à 12 km de Lille, dans la circonscription de Tourcoing/Roncq.
Géraldine Grouwet, accompagnée de la conseillère pédagogique de circonscription Martine Drodzinski, se sont lancées dans le projet de proposition de loi dans une visée d’éducation à la citoyenneté des élèves, pour donner du sens puisqu’ils sont au « cœur de l’action en comprenant les enjeux de l’élaboration d’une loi ». « Face au constat d’une abstention toujours plus forte aux élections, assortie d’un sentiment de défiance envers nos institutions démocratiques, travailler sur un projet de loi pour renforcer la participation démocratique et la confiance dans les institutions, permet de réfléchir au sens de la démocratie représentative, de l’engagement et de l’exercice de la citoyenneté » nous confie l’enseignante. « Il entre en résonance avec le programme d’enseignement moral et civique, initiant les élèves à la construction d’une culture civique et aux formes de l’expression démocratique, tout en les encourageant à s’impliquer dans la vie de la cité » ajoute la conseillère pédagogique.
Sensibiliser à la cause animale
C’est à la suite d’une visite au centre Paul Corteville de roncq dont l’objectif était de rédiger un article de presse dans le cadre du dispositif « journalistes en herbe » et de collecter des dons pour l’éducation d’un chien d’assistance, que « renforcer la participation démocratique et la confiance des institutions par le biais de la cause animale a été une évidence pour toute la classe » explique Géraldine Grouwet. « Le thème général a été débattu lors d’un conseil de classe. Les élèves ont ensuite rédigé un questionnaire pour les 2 autres classes du cycle 3 pour obtenir un premier sondage des besoins. Ils ont dépouillé les réponses. En s’inspirant du dispositif mis en place pour le harcèlement, est venue l’idée collective de notre proposition de loi. La proposition de loi et les articles ont été rédigé en atelier dirigé en récoltant les idées des élèves et en s’inspirant également d’un article de presse découpé dans la voix du nord du 28 janvier 2023 qui annonçait la création de 4 000 référents répartis dans les commissariats par le ministre de l’Intérieur ».
Et comme des députés à l’Assemblée nationale ou des sénateurs au Sénat, les élèves ont rédigé leur proposition de loi :
PROPOSITION DE LOI
Visant à créer un référent accompagné d’un groupe d’ambassadeurs « bien-être animal » dans les établissements scolaires afin d’éduquer au bien-être animal et lutter contre la maltraitance et l’abandon des animaux de manière collégiale.
Ils ont aussi exposé leurs motifs (à retrouver à la fin de l’article). Mais avant d’y arriver, tout un travail a été mené dans la classe qui a permis « de mieux comprendre le cheminement, d’aborder concrètement les grandes étapes en ne la cantonnant pas au strict respect des règles mais en la vivant : réflexion, manque, sondage, dépouillement, analyse du manque par rapport à la question animale, écriture d’une loi pour faire bouger les mentalités » raconte Martine Drodzinski. « Nous avions la volonté de faire prendre conscience de tous les mécanismes, de faire comprendre, dès le cm2 les fondements et le vote de la loi dans notre république ».
Un débat démocratique pour finaliser la proposition de loi
L’inscription au concours « Parlement des enfants » a permis par la pratique du dialogue et du débat démocratique, de découvrir le rôle du législateur lors d’un travail réalisé en classe sur un thème en lien avec des sujets sociétaux d’actualité. « Le concours s’articule avec le programme d’enseignement moral et civique dont l’objectif est de transmettre le respect d’autrui, l’acquisition et le partage des valeurs de la République, ainsi que la construction d’une culture civique » souligne la conseillère pédagogique.
« En invitant les élèves à s’interroger sur des propositions légales possibles en réponse à un thème donné, en les amenant à débattre, argumenter et échanger sur leurs points de vue et sur les autres propositions de loi faites par d’autres classes, cette opération favorise la consolidation du jugement critique des élèves et leur capacité à argumenter » complète Géraldine Grouwet. « Elle s’inscrit ainsi pleinement dans le parcours citoyen de l’élève ».
La classe de Cm2 a aussi reçu la visite du député de la circonscription, « cela a permis de le questionner et d’entrer au cœur de l’hémicycle, de pousser les portes et de mieux comprendre comment apprendre à vivre ensemble dans la république française » explique l’enseignante de la classe. « Les élèves aimeraient s’associer avec les élèves élus du CME de la ville pour se rendre au palais Bourbon et visiter l’hémicycle ».
Lilia Ben Hamouda
Exposé des motifs :
Mesdames, Messieurs,
C’est en 2015 que la France a voté une loi qui change définitivement le statut juridique de l’animal en le considérant comme un être vivant et sensible. Promulguée le 30 novembre 2021, la loi n° 2021-1539 a permis une autre avancée pour lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
Malheureusement, lorsque l’on s’intéresse à l’actualité lors de nos séances de débat, il n’y a pas de quoi être fier de la manière dont on traite encore les animaux. En effet, la fédération française de la protection des animaux recense à travers notre pays :
- 11 animaux domestiques abandonnés par heure.
- 100 000 animaux abandonnés au cours d’une année.
- 1 200 animaux enfermés dans des cirques.
- 3 millions d’animaux sont tués dans les abattoirs.
- 33,6 millions de poules élevées en batteries.
Sans oublier la cruauté de certaines pratiques de chasse, les spectacles tels que la corrida, le broyage des poussins, le dépeçage d’animaux dans l’industrie de la fourrure ou encore certaines pratiques d’élevage industriel, la multiplication de cas de maltraitances diffusés sur les réseaux sociaux … Autant dire que le traitement réservé aux animaux dans notre société n’est pas digne des qualités d’êtres vivants et sensibles qui leur sont pourtant reconnues.
Conscients de cette réalité et surtout très empathiques à l’égard des animaux, nous, élèves de CM2, avons déjà voté et élu un de nos camarades au conseil municipal des enfants pour la cause animale. Nous savons combien la création d’un protocole « bien-être animal » encadré par un référent accompagné d’un animal domestique et d’élèves ambassadeurs serait tout aussi efficace pour sensibiliser les enfants à la protection des animaux. Différents sujets ou thèmes selon le niveau, l’âge des enfants seraient proposés et choisis : les bons gestes à adopter, les effets de l’abandon, le signalement d’un cas de maltraitance animale, l’utilité des chiens pour l’assistance aux personnes en danger …
En visitant le centre d’éducation des chiens d’assistance aux personnes malvoyantes, nous nous sommes très vite rendu compte que l’animal est le meilleur allié pour accompagner un enfant ou adolescent handicapé vers le bien-être. Ensemble, nous avons planifié et coordonné quelques initiatives pour récolter des dons pour l’éducation de Tika que nous avons eu la chance d’accueillir dans notre classe. Le chien aide la personne à progresser, que ce soit pour sa coordination motrice ou encore pour son ouverture sociale et sa confiance en soi. Plusieurs associations ou établissements de santé font d’ailleurs appel aux animaux lors de séances de stimulation sensorielle et motrice pour le jeune public en situation de handicap physique ou psychologique.
La lutte contre les violences animales et la protection des animaux est un bon moyen pour diminuer la violence dans les établissements. Engagés dans le dispositif ph@re depuis plusieurs années, nous avons pu mesurer les effets bénéfiques des ambassadeurs sur le climat scolaire grâce aux médiations entre pairs, la méthode de la préoccupation partagée et les sensibilisations. Comprendre les besoins d’un animal, débattre, développer des actions solidaires en faveur des associations ou refuges, défendre des valeurs militantes, coopérer, partager des tâches … autant d’actions qui permettent de renforcer la participation des jeunes au sein des établissements scolaires.
Tous les élèves de la classe de CM2 de l’école Jean Macé, vous remercient pour l’attention que vous porterez à leur proposition de loi.
Le référent est une personne volontaire et impliqué dans la cause animale. Il est désigné par le chef d’établissement. Le référent s’entoure d’élèves « ambassadeurs » de la cause animale élus par les élèves de l’école.
ARTICLE 2
Le référent accompagné des ambassadeurs anime des séances d’information et de sensibilisation à la maltraitance animale. Ces séances sont organisées à l’initiative des chefs d’établissement en partenariat avec les associations de la cause animale. Le sujet est choisi de manière démocratique.
ARTICLE 3
Un certificat « connaissance des animaux » et une démarche de labellisation « amis des animaux » est proposée aux établissements engagés dans les actions en faveur des animaux.
ARTICLE 4
Les établissements engagés soutiennent et établissent des partenariats avec les refuges ou associations pour développer des actions communes.