Il y a des livres qui rendent justice aux enseignants. « Ce livre relève d’une volonté initiale : mettre en avant le projet républicain de l’éducabilité de tous, rendre justice aux élèves, aux enseignants et à l’école ». Après « Territoires vivants de la République », Benoit Falaize et Mohand Kamel Chabane donnent à nouveau la parole aux enseignants. Car ce sont eux les héros de ce livre. Les professeurs qui portent l’idéal républicain au quotidien dans les classes des quartiers populaires. Pas de misérabilisme dans ce livre. Ce sont des enseignants debout, qui mènent des projets pédagogiques pointus qui s’expriment dans l’ouvrage. « Parce que chaque élève compte », ils relèvent chaque jour le défi de l’éducabilité. Mohand Kamel Chabane en témoigne dans cet entretien. Pour lui, » chaque professeur peut changer la vie des élèves qu’il rencontre »… Le Café pédagogique offre ce livre à tous les adhérents à son association.
Ce nouveau livre se présente comme une suite des « Territoires vivants de la République » publié en 2018 aux éditions La Découverte. Pourquoi revenir sur ce sujet ?
Ce premier tome a suscité beaucoup d’intérêt chez les enseignants. Nous avons eu de nombreux retours d’expériences qui méritaient d’être valorisées. Cela car, pour la première fois, les professeurs entendaient parler d’eux d’une autre manière. Ils n’entendaient pas un nouveau discours décliniste sur l’Ecole. Mais un discours présentant tout ce que l’Ecole peut faire pour les élèves en difficultés, notamment dans les quartiers populaires. Contrairement à ce qu’on lit trop souvent, avec la massification de nombreux collègues font de très belles choses. Ils se sont sentis reconnus dans les » Territoires vivants de la République ». Aussi ce nouvel ouvrage n’est pas vraiment un retour. C’est une continuité.
Que montrez-vous de plus dans ce nouveau livre ?
Il n’y a rien eu de prémédité. Ce qui a compté c’est la découverte de nombreux projets de qualité tout au long de trois années. Benoît Falaize s’est rendu compte qu’ils valent la peine d’être publiés car ils ajoutent des éléments aux Territoires vivants.
Ce nouveau tome donne une autre vision des élèves des quartiers populaires sur lesquels on entend de nombreux propos dépréciatifs. On découvre que modifier le regard sur eux, oublier les a priori, change tout. Par exemple, les témoignages de leurs enseignants montrent qu’ils ne sont pas plus sexistes ou antisémites que leurs camarades des beaux quartiers. On peut enseigner la Shoah ou d’autres questions mémorielles, comme la colonisation, sans que cela pose problème.
Certains médias véhiculent un discours anxiogène depuis que l’expression des « territoires perdus de la République » a été banalisée. Des hommes politiques la reprennent. Or ce n’est pas la réalité et cela ajoute à la dépréciation dont souffrent les habitants des quartiers populaires.
Ce nouveau volume veut changer l’image de ces élèves et montrer qu’avec une vraie relation de confiance, un travail en profondeur, on arrive à faire de belles choses avec eux. C’est ce que montrent les témoignages de leurs enseignants présentés dans le livre.
L’ouvrage réunit nombre de ces témoignages. Comment avez-vous rencontré ces enseignants ?
Ils se sont manifestés sur le site des « Territoires vivants ». Et c’est la richesse de ces témoignages qui nous pousse à publier cet ouvrage. Nous découvrons des élèves plus soucieux que nous d’égalité et du respect de leurs droits par l’institution scolaire. Aussi ces projets sont de grands exemples d’éducabilité.
Mais peut-on aller contre un système scolaire qui est injuste ?
Chaque professeur peut changer la vie des élèves qu’il rencontre. C’est une des leçons de ce livre. Il peut redresser ce qui parait injuste. Dans la salle de classe tous les élèves sont à égalité. C’est cela que l’on partage avec nos élèves. Et c’est comme cela que l’on fait République. Tout concourt à les émanciper. C’est en leur donnant des connaissances qu’on œuvre à former des citoyens. Quand on leur enseigne l’histoire de la Commune, par exemple, cela émerveille les élèves de voir des gens qui veulent reprendre la main sur leur quotidien. Ça leur parle.
Le professeur peut aller contre le déterminisme social ?
Au quotidien, oui. Il peut freiner des quatre fers. Par exemple en travaillant l’image que ces jeunes ont d’eux-mêmes. Sous la pression des médias, ils ont l’impression d’être des minables qui n’iront pas loin. Ils ont intériorisé le discours du quartier. On leur dit que l’avenir leur appartient. Et on leur montre qu’ils sont capables de faire de belles choses qui les surprennent eux-mêmes. La réussite scolaire est à leur portée sans « exception consolante »…
Qu’est-ce que ce livre dit du métier enseignant ?
Que l’on peut faire de belles choses avec les élèves. Que ce métier a de l’avenir et qu’il est essentiel à notre société. Les enseignants ne veulent pas être des notables comme sous la IIIème République. Mais ils méritent d’être considérés à la hauteur de ce qu’ils font pour la société, particulièrement dans les quartiers populaires.
L’ouvrage accorde une grande place à la culture et aux arts. Pourquoi ?
L’apprentissage des valeurs de la République passe par des réalisations concrètes et non par l’incantation. Et les arts et la culture sont fortement mobilisés pour travailler sur la citoyenneté.
Un exemple de ces projets que vous aimez particulièrement ?
Elsa Bouteville développe un projet qui est au cœur de nombreux défis de ce livre. Avec un photographe, elle a mené un magnifique travail qui redonne confiance aux élèves de la cité où elle travaille. Et ce n’est pas n’importe quelle cité puisque c’est le quartier où Ilan Halimi a été séquestré, à quelques mètres de son école, dans un quartier dont on parle beaucoup en mal. Or ses élèves n’ont rien à voir avec le gang des barbares. Elle mène un travail contre l’antisémitisme dans sa classe. Son article, sur Bourdieu et le déterminisme social, parle de cela. Son remarquable travail est au cœur de ce livre.
Propos recueillis par François Jarraud
Kamel Chabane et Benoît Falaize, Parce que chaque élève compte. Enseigner en quartiers populaires. ISBN : 9782708253933
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