« Nous sommes dans la volonté de préserver une politique de territoire ». En présentant les résultats des Etats généraux de l’éducation prioritaire que la FSU a tenus dans les départements et , le 28 janvier, au niveau national, Benoît Teste, secrétaire général, marque l’opposition nette de sa fédération à la réforme de l’éducation prioritaire lancée par JM Blanquer et N Elimas. La FSU dénonce « un abandon d’une partie de la jeunesse et un renoncement à la volonté politique d’une démocratisation des savoirs ».
Une politique d’établissements à la place d’une politique de territoires
« Ils jouent sur l’ambiguïté avec un discours qui dit « nous maintenons tout et on fait en plus ». Mais sur le terrain ce n’est pas cela qui se passe. Il y a une volonté de resserrer l’éducation prioritaire sur les Rep+ et de contractualiser tous les autres. Mais cette contractualisation on ne sait même pas avec quels moyens elle se fera », explique Benoit Teste.
La contractualisation est au coeur de la réforme de l’éducation prioritaire lancée par N Elimas. La secrétaire d’Etat a annoncé des contrats locaux d’accompagnement (CLA) pour certains établissements à la rentrée 2021 et à la place des Rep l’année suivante. N Elimas a promis de ne pas toucher aux Rep l’année prochaine et de financer en plus des CLA. Mais elle est incapable de fixer un montant et ses propos sur le financement « en plus » ou par prélèvement sur le budget de l’éducation prioritaire varie selon les jours, voire les heures.
Ce qui est clair c’est que sous prétexte de faire entrer dans la nouvelle politique des lycées et des écoles rurales, l’Education nationale change sa politique d’éducation prioritaire (EP). Au lieu d’une politique nationale liée à des territoires où se concentrent les difficultés sociales, on aura des politiques d’établissements définis sur des critères qui restent flous mais qui ne seront pas que sociaux. Au point que l’enseignement privé catholique a annoncé qu’il y entrerait grave au feu vert donné par JM Blanquer. En s’attaquant au noyau dur des politiques nationales, le ministre fait sauter les cadres nationaux et généralise la gestion « de proximité », locale, avec des contrats inspirés du privé et où se mêleront établissements publics et privés.
La question des moyens
Cette évolution est déjà lancée. Sigrid Gérardin, co secrétaire générale du Snuep Fsu donne en exemple des lycée professionnels de Marseille. « On nous a dit que leur entrée dans l’expérimentation se fera sur critères nationaux. Mais dans deux établissements le rectorat demande des fiches action. L’entrée se fera sur projet pédagogique, les lycées étant e concurrence ». Selon le Snuipp Fsu, des moyens seraient déjà prélevés dans des écoles rep+ du nord de la France.
« On ne peut pas dire qu’on va avoir le beurre et l’argent du beurre », prévient Paul Devin, secrétaire général du Snpi Fsu, le syndicat Fsu des IEN. « Les moyens attribués sont opaques et malléables selon la volonté politique. Les nouvelles perspectives se feront aux dépens des anciennes. Et ce qui se dégage c’est la diminution des critères sociaux dans leur attribution. Ce qui était le fondement même de l’EP : donner davantage à ceux qui ont moins, est remis en question ».
L’appel de la Fsu
La FSU publie un appel des Etats généraux qui synthétise les réflexions des Etats généraux. « L’éducation prioritaire doit être défendue comme une condition nécessaire à une égalité scolaire pensée dans les termes d’une ambition commune pour tous les élèves », écrit la Fsu. « Le maintien d’une politique nationale, la labellisation résultant de critères transparents définis nationalement, doivent garantir l’école publique contre des instrumentalisations qui la transformeraient en prestataire de service pour des politiques locales. La contractualisation n’a pas fait, depuis les tentatives de sa mise en oeuvre, la preuve de sa capacité à dynamiser les projets. Bien au contraire, elle a renforcé des pilotages technocratiques guidés par des indicateurs illusoires et incapables d’accompagner les pratiques professionnelles quotidiennes. Il faut y renoncer. Face aux annonces d’une expérimentation sous laquelle se dessinent déjà les volontés de changements radicaux, à une volonté de diluer les moyens de l’Education prioritaires dans d’autres problématiques telles que la ruralité, la FSU affirme que la fin de l’éducation prioritaire constituerait un abandon d’une partie de la jeunesse et un renoncement à la volonté politique d’une démocratisation des savoirs et de la culture commune ». Le syndicat annonce une bataille des idées.
François Jarraud
Le flou reste sur le financement de la réforme