Compter des drosophiles et mesurer des crânes à la maison c’est possible avec Mesurim 2. La nouvelle mouture du logiciel de mesure et de comptage facilite le passage du réel au virtuel, du terrain au laboratoire et surtout de la classe à la maison. Philippe Cosentino, professeur de SVT au lycée Rouvière de Toulon (83) et Frédéric Labaune, enseignant de SVT au lycée Jean-Marc Boivin de Chevigny Saint-Sauveur (21) sont à l’origine de ce bijou numérique. Avec 150 images de grande qualité disponibles, le logiciel fonctionne sur tous les supports en ligne et hors ligne. Même si « l’informatique peut rendre de bons services », les enseignants n’oublient pas « le moment du dessin où l’élève doit prendre le temps d’observer et de retranscrire son observation ».
En quoi le logiciel Mesurim 2 favorise-t-il l’enseignement hybride ?
PC : Mesurim2 présente l’avantage de fonctionner sur tous supports, en ligne et hors ligne. Ainsi, un élève confiné chez lui pourra l’utiliser pour faire les mêmes mesures que ses camarades, quel que soit son équipement (tablette Android, PC, Mac, Linux …), sans rien avoir à installer. On peut très bien imaginer une situation mixte, où une partie des élèves sont en salle de TP avec leur professeur, prennent des photos (micro ou macrophotographie) de leurs expérimentations, et les mettent à disposition de leur camarade sur l’ENT. Ensuite, élèves présents et élèves distants pourront travailler sur les mêmes images, et à la fin de la séance, mutualiser leurs résultats pour une exploitation statistique et construire une synthèse ensemble.
LF : Au préalable, je pense qu’il faut insister sur le réel et de l’importance de vraies observations (et pour moi, du dessin où l’élève doit prendre le temps d’observer et de retranscrire son observation). Las, la situation actuelle nous oblige à faire preuve d’inventivité et si une observation possible à un instant « t » ne l’est plus, notamment parce que l’élève est à la maison, il est désormais possible de demander une observation au microscope, un comptage, des mesures à partir d’un stock d’images.
Des exemples de séquences ou d’activités à proposer ?
LF : En priorité, je dirais des comptages pour mettre en évidence les brassages des gènes au cours de la reproduction sexuée. La possibilité de comparer deux images est aussi très intéressante. J’ai en préparation deux panoramas sur des lames de pancréas, une concerne un pancréas normal, un autre pour un pancréas de diabétique. Même surface couverte, même appareil, même grossissement… C’est même quelque chose que ne pourra pas faire un élève, ou alors avec des difficultés qui feraient perdre un temps précieux.
PC : Outre les comptages (en sciences de la nature, on compte souvent !) il y a les mesures d’angles (sur des crânes de primates par exemple), les mesures de longueurs (allongement des cellules dans les racines), les mesures d’absorbance optique (pour estimer une concentration), les situations ne manquent pas.
Comment mesurer un objet microscopique avec le logiciel ?
LF : Le travail de Philippe sur ce logiciel a été remarquable. Si l’élève prend une image de la banque, l’échelle a été déjà renseignée. Dès lors, il n’a qu’à tirer un trait pour qu’une mesure apparaisse.
Autrement, il suffit de procéder de façon classique en définissant l’échelle à partir d’un objet de dimension connue (par exemple une pièce de monnaie figurant sur la photographie, ou une lame microscopique quadrillée) , il suffit de suivre le petit tuto intégré au logiciel quand l’onglet mesure est sélectionné.
Quelles sont les ressources disponibles ? Comment ont été produites et sélectionnées ces photographies ?
LF : Il y a plus de 150 images permettant d’illustrer certains aspects des programmes. Des images de grande qualité et en définition souvent bien plus élevée que celles que l’on peut trouver sur internet. Je dirais même plus, certaines images sont des panoramas, assemblages de plusieurs dizaines de clichés dont le nombre de pixels permet de zoomer et de se déplacer à l’intérieur d’une préparation microscopique. De plus ces images sont issues d’observations connues, les auteurs sont identifiés (et donc il y a possibilité de demander des précisions supplémentaires, des autorisations d’usage).
Pour ma part, la production d’images s’est faite avec un matériel dont les performances et les possibilités dépassent celles du matériel que l’on trouve habituellement dans les établissements scolaires. Le temps passé, l’expertise… ça compte aussi.
PC : sans les photographies de Frédéric, Mesurim2 ne serait qu’une coquille vide. Le travail de Frédéric est largement connu par les enseignants de SVT, et il n’y en a qu’une petite partie dans la banque de Mesurim2 (mais cela évoluera bien entendu). Chaque « photographie » présente dans la banque est la plupart du temps le fruit d’un travail colossal, l’assemblage de centaines d’images.
On peut au final distinguer deux types d’images : des photographies classiques, et de véritables « lames de microscope virtuelles » sur lesquelles ont peut zoomer jusqu’à la résolution maximale du microscope. Dans ce sens Mesurim2 peut servir de microscope virtuel.
Globalement, quels sont les avantages de cette nouvelle mouture ? Des conseils à donner pour l’usage en classe ?
PC : le premier avantage c’est que Mesurim2, comme tous mes logiciels, fonctionne en ligne et hors-ligne. En ligne c’est-à-dire sans installation, et sur n’importe quel support (et même sur le téléphone de l’élève), hors-ligne lors qu’on n’a pas d’accès internet, ou en conditions d’examen.
Le deuxième avantage c’est l’ergonomie. Mesurim2 s’inspire très largement du logiciel de Jean-François Madre (Mesurim), mais j’ai essayé de proposer une interface suffisamment simple pour qu’un élève puisse la prendre en main sans fiche technique. Les nombreux retours que j’ai pu en avoir me confirment que c’est bien le cas. Le troisième avantage, c’est évidemment la banque d’images accolée à Mesurim2, qui n’existait pas dans Mesurim.
LF : il est évident qu’avec les tutos intégrés, les onglets, le zoom au scroll, l’interface n’a plus rien à voir avec le Mesurim de nos débuts. Le moindre essai de Mesurim2 nous libère de ces fiches qu’il fallait créer pour que les élèves puissent faire un « TP clic », bien trop guidé. Il faut vraiment remercier Philippe pour cette mise à jour majeure. Bien sûr, il ne faut pas oublier Jean-François Madre, un pionnier qui nous a permis à un bon nombre d’entre-nous de travailler avec des images numérisées et nous faire comprendre que certaines fois, l’informatique pouvait rendre de bons services.
Quel juste équilibre l’enseignant doit-il trouver pour favoriser l’usage du numérique tout en gardant un contact étroit avec le vivant ?
PC : l’utilisation du numérique doit enrichir, exhausser, l’observation du réel, et non l’appauvrir, ou pire, la remplacer, de la même façon qu’un modèle ne doit pas remplacer une situation réelle (fut elle présentée sur documents), ou que l’expérimentation assistée par ordinateur (ExAO) ne doit pas devenir une expérimentation simulée par ordinateur.
Pour en revenir à Mesurim2, dans le meilleur des cas, l’élève a en main l’objet réel, réalise lui-même la photographie, et l’exploite ensuite avec le numérique. Mais du fait de la crise de la Covid nous travaillons hélas dans un mode dégradé.
LF : Nous devons rester vigilants quant à la facilité évidente de prendre des images toutes faites. L’observation directe prime. Ensuite, Mesurim2 est un formidable outil pour tirer la quintessence des images obtenues… encore faut-il avoir un moyen de numériser les observations. Ca n’est pas le cas dans de nombreux établissements et c’est aussi pour ça que la banque d’images a été rajoutée. Les élèves observent puis travaillent sur une image résultant d’une observation équivalente. Pour les comptages de drosophiles, la banque d’images permet aussi de pallier les soucis d’approvisionnement (kits qui n’arrivent pas à temps, plaques de mouches naturalisées en mauvais état ou en quantité insuffisante) et par ailleurs, c’est vraiment cool de pouvoir pucer les drosos… ça peut même se faire à la maison en restant en pyjama.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Article académique présentant Mesurim2
Site rassemblant tous les logiciels de Philippe Cosentino
Sites de microphotographies de Frédéric Labaune
http://www.macromicrophoto.fr/petrography/
Dans le Café
De l’intérêt pédagogique de la modélisation