Peut-on faire de la géographie sans sortir de chez soi ? Professeur d’histoire-géographie au collège Rep Kennedy d’Allonnes, dans la banlieue populaire du Mans (Sarthe), Karl Zimmer demande à ses élèves de 6ème de prendre en photo le paysage depuis leur fenêtre et de le lire avec les yeux du géographe. Cela donne des descriptions où se mêle naïveté et regard de géographe. Ces fenêtres donnent aussi un aperçu sur le vécu des élèves.
Une géographie du confinement
« Cet exercice montre aussi les limites de l’enseignement à distance ». Dans ce collège populaire (Rep), Karl Zimmer n’envisage pas de lancer les élèves sur un nouveau chapitre et de nouvelles méthodes. « Les élèves vivent des situations compliquées. Il faut les suivre et les appeler quotidiennement », rappelle t-il. « Il fait partir du concret et des méthodes déjà vues e classe, comme la description de paysage ».
Les collégiens de 6ème prennent une photo du paysage vu depuis leur fenêtre. Ils le décrivent, plan par plan, en font un croquis et tentent de lui donner du sens. Ca nous vaut des surprises. Ainsi près du Mans un lotissement « à l’américaine » sans trottoirs. D’autres élèves vivent à la campagne et décrivent des paysages complexes : habitat, prairies, château avec son parc. D’autres ont une fenêtre qui donne sur le parking d’un centre commercial ou de la barre HLM. Un élève est chez son père en région parisienne , un coin qu’il juge très joli…
Une géographie citoyenne
« Dans leurs travaux il y a toujours un coté émotion », explique K Zimmer. « On peut voir comment ils appréhendent les lieux ». Ainsi le lotissement aux rues sans trottoir est jugé plus joli que le Vieux Mans. « Et puis il y a une analyse plus géographique qui rentre dans les apprentissages des élèves pour les rendre conscient du monde qui les entoure ». Ainsi la décision de ne pas faire de trottoir est une décision des urbanistes pour casser la circulation automobile.
« On est clairement dans une géographie visant à construire une forme de citoyenneté critique », explique K Zimmer. « Elle amène les élèves à construire une conscience du pourquoi ». Elle amène aussi le professeur à voir l’impact social sur les travaux des élèves : les (néo)ruraux ont davantage produit que les élèves des quartiers ouvriers.
Ces regards géographiques des collégiens de 6ème ont intéressé la société de géographie qui publie plusieurs travaux d’élèves. « Au retour en classe il y aura une séance sur leur travail pour leur montrer comment on produit du savoir. Ils ont fait œuvre de géographe et maintenant c’est un objet pour tous les géographes ». A vos fenêtres !
François Jarraud