Le célèbre jeu de société revisité par Sandrine Combret, enseignante de philosophie au lycée Agricole Nancy-Pixérecourt (54) tient en haleine des collégiens et des lycéens chargés d’enquêter sur un effroyable crime. Entre philosophie et physique-chimie, comment s’articule cette activité pluridisciplinaire ? Organisée sur une plage de pluridisciplinarité à l’année, le projet se décompose en 6 phases et “utilise les avancées scientifiques et demande aux élèves de faire preuve de sagacité”. Son projet a été primé par le public au 11ème forum des enseignants innovants.
C’est quoi un « cluedo scientifique » ?
Le cluedo scientifique est une activité pluridisciplinaire (philosophie / physique-chimie) qui permet de mener une enquête policière, comme son nom le laisse entendre, pour travailler sur les notions de preuve scientifique et de démarche scientifique.
Il a, d’abord, été élaboré pour un public de lycéens, nos élèves de terminales STAV (Bac technologique agricole). Au regard de l’engouement qu’il a suscité chez eux, nous l’avons adapté pour un public de collège (public visé : les classes de 3°) en tenant compte de leur programme.
A leur arrivée dans la salle, le jour de la séance pluridisciplinaire et avant même de pénétrer dans la salle, les élèves découvrent le nom de leur équipe (Colonel Moutarde, Professeur Violet,…) grâce au déchiffrement d’un code polychromatique avec des filtres de couleur. Puis ils prennent connaissance de leur « mission » grâce à la Une d’un journal et à un QRCode. Vidocq leur explique quelle enquête policière ils vont devoir reprendre et mener à bien.
Celui-ci n’est pas convaincu que l’homme qui a été reconnu coupable du meurtre de Camille Raquin, et qui va être guillotiné, soit le véritable assassin ! Dans le temps imparti, les équipes de joueurs vont devoir faire preuve de sagacité et utiliser les avancées scientifiques pour faire éclater la vérité sur cet effroyable crime…
La première phase se passe dans la salle : l’équipe doit trouver sa place en fonction du personnage qui lui a été attribué.
Sur les tables, elle découvre le dossier d’instruction complet de « l’Affaire Raquin » (avis de recherche, dépositions des différents protagonistes, rapport d’autopsie, billet de loterie, photo volée, notice de médicament).
On y a déposé aussi un « document de suivi » à compléter pour aider à mener l’enquête. On lance le chronomètre ; les lycéens ont 3h (les collégiens, 2h) pour déterminer si celui qui va être guillotiné pour ce crime est le bon coupable… ou pas !
Le deuxième temps est constitué de différents ateliers. Un atelier analyse les dépositions, les relations entre les protagonistes et les circonstances de la mort de Camille Raquin. Un autre, grâce à la lettre d’un témoin, détermine quel portrait-robot est le plus ressemblant et identifie, parmi les différents protagonistes de l’affaire, un suspect potentiel. Un troisième atelier fait l’analyse d’un hypothétique coupable à partir de la phrénologie. Cela donne ainsi aux élèves un exemple de pseudo-science selon les critères de Popper.
La 3ème phase est un TP au laboratoire de physique-chimie, qui consiste à déterminer si la victime a été empoisonnée ou pas. On essaye ainsi d’écarter et d’identifier des armes du crime.
La 4ème phase est un atelier « empreintes ». Il faut identifier des empreintes digitales, retrouvées sur un objet compromettant. L’identification de l’arme du crime progresse ainsi que celle d’un potentiel suspect. Mais, n’est-ce pas une fausse piste ? Il faut trouver, grâce à une lampe à lumière noire, le message que la victime a adressé d’outre-tombe aux enquêteurs sur l’une des pièces à conviction : il n’y a pas un, mais des coupables !
Avec la 5ème étape, les élèves cherchent les causes de la mort. La victime est décédée de la fièvre puerpérale, un mal qui ne touchait que les femmes en couches, jusqu’au 19ème siècle. Grâce aux travaux du Dr Semmelweis et à un schéma de la démarche scientifique, on comprend les différentes hypothèses qu’il a écartées pour trouver les véritables causes de cette maladie. Enfin un prélèvement ADN permet de comprendre et de confirmer comment la victime a pu être contaminée. La dernière étape est la résolution de l’enquête…
Quel travail de préparation est demandé à l’enseignant ?
Maintenant que l’ensemble des documents nécessaires à cette séance existe… le travail de préparation se limite à de l’intendance (reprographie des documents et mise en place). Il est nécessaire de mettre en place les codes polychromatiques à l’extérieur, décor (les armes du crime du Cluedo, des crânes, des gyrophares, une paire de menottes, lampes UV,…), pôles de tables pour les équipes, affichage des portraits des personnages du Cluedo, disposition des différents dossiers d’instruction, préparation du vidéoprojecteur et test du son ;
Quelles sont les notions réinvesties par les élèves au cours de l’enquête ?
En physique-chimie, on réinvestit les compétences de la démarche scientifique et les consignes relatives à la réalisation d’un TP.
En philosophie, les lycéens investissent l’allégorie de la caverne de Platon, les distinctions conceptuelles : objectif / subjectif, induction / déduction et des notions d’épistémologie (au programme en terminales au bac technologique STAV : science – théorie – expérience et science, technique et morale) : la réfutabilité de Karl Popper, la méthode hypothético-déductive.
Comment votre établissement organise t-il ces séances pluridisciplinaires ?
La pluridisciplinarité fait partie intégrante des référentiels (programmes) de l’enseignement agricole. A ce titre, les séances pluridisciplinaires sont fléchées tant au niveau des disciplines concernées que du nombre d’heures allouées. Les emplois du temps des classes bénéficient donc d’une plage de pluridisciplinarité à l’année sur lesquelles les enseignants se positionnent au regard du nombre d’heures et des projets qu’ils ont à mener.
Quel est votre regard sur le Forum des enseignants innovants ?
Ce fut une journée mémorable à plus d’un titre ! Tout d’abord, j’ai eu le plaisir d’être sélectionnée pour venir à Paris, et ce en compagnie de ma collègue, Catherine Jacquot, enseignante dans le même établissement, nous avions proposé chacune un projet différent.
Lors du temps de présentation des projets, j’ai été très surprise de l’intérêt d’autres collègues pour le mien.
De plus, ce temps d’échanges est riche et enthousiasmant. J’ai pu découvrir de nombreux projets, outils et idées auprès d’autres collègues. Cela m’a d’autant plu que nous n’avons pas souvent l’occasion dans l’enseignement agricole de côtoyer nos collègues de l’Education Nationale. Cela permet de nourrir et de stimuler de futurs projets que l’on garde dans un coin de sa tête… Les conférences de l’après-midi étaient intéressantes et les intervenants particulièrement pertinents. Bref, je n’ai pas vu le temps passé !
Quant à la remise des prix… J’ai été très émue de recevoir celui du public. A mon retour dans mon établissement, j’y ai associé les collègues avec qui j’ai créé cette activité pluridisciplinaire.
Entretien par Julien Cabioch
Introduction au Cluedo scientifique (la mission en vidéo)
Un indice… pour ne pas oublier de se rendre au labo pour réaliser le TP !
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