Les modalités des épreuves anticipées de français au baccalauréat sont enfin officiellement parues. Elles sont conformes à ce que le Café pédagogique avait annoncé. Hélas ! Les formes de l’évaluation finale, aussi passéistes que les programmes eux-mêmes, risquent de cadenasser les pratiques écrites et orales. Ecriture d’invention, question sur le corpus, entretien ouvert, carnet de lecture … : disparait tout ce qu’il y avait de neuf, de souple ou de créatif. Commentaire, dissertation, contraction-essai, explication de texte linéaire, analyse grammaticale … : tout ce qu’il y a de plus traditionnel, normé ou scolaire vient désormais dicter la loi du français au lycée. Eclairages…
Un écrit normatif
Comme cela était acté, l’écriture créative ou littéraire, « l’invention », est supprimée à l’écrit. La question sur le corpus disparait aussi, mais l’épreuve dure toujours 4 heures : un temps qu’une minorité de candidat.es exploitaient pleinement jusqu’ici et que beaucoup vont sans doute trouver fort long… Demeure le « commentaire » : l’étude d’un texte littéraire qui ne sera pas extrait d’une œuvre au programme, mais qui est « en lien avec un des objets d’étude ». La « dissertation » reste l’autre exercice canonique : les candidat.es auront le choix entre 3 sujets différents, « chacun étant en rapport avec l’une des œuvres du programme et son parcours associé ». Pour les séries technologiques, il est précisé que le « commentaire » sera guidé par le libellé et qu’il ne peut porter sur l’objet d’étude « littérature d’idées ». On y ressuscite aussi le « résumé-discussion » d’antan sous l’appellation « contraction – essai » : il s’agit de résumer un texte argumentatif « de forme moderne ou contemporaine », le sujet de réflexion « porte sur le thème ou la question que le texte partage avec l’œuvre et le parcours étudiés durant l’année dans le cadre de l’objet d’étude Littérature d’idées.» Faut-il en déduire que là aussi 3 propositions seront faites pour correspondre aux différentes œuvres susceptibles d’avoir été abordées en classe ?
Un oral prescriptif
A l’oral, l’épreuve dure toujours 20 mn pour 30 mn de préparation. Un descriptif en constitue toujours le support. Mais ce descriptif est particulièrement prescriptif. Non seulement, les enseignant.es se voient imposer des œuvres par un programme national, mais le nombre de textes à faire étudier devient aussi obligatoire : pour le baccalauréat général par exemple, chacun des 4 objets d’étude doit comporter 6 textes « susceptibles de donner lieu à une interrogation » (« 3 extraits au minimum pour chaque œuvre, 3 extraits au minimum pour chaque parcours associé »). Le descriptif comportera aussi une « partie individuelle indiquant l’œuvre choisie par le candidat » comme support de la seconde partie de l’épreuve.
Le déroulement de l’oral est tristement conforme aux informations d’ores et déjà données. Les 2 parties de l’oral sont très cadrées dans leur déroulement et leur notation : lecture (2 mn, 2 points), étude de texte (8 mn, 8 points), question de grammaire (2 mn, 2 points), présentation d’une œuvre choisie par le candidat (8 mn, 8 points). C’en est fini des lectures analytiques qui permettaient de définir librement à partir d’un projet de lecture la longueur du texte et la méthode d’approche. Désormais, les lycéens devront procéder comme on le faisait autrefois, ou comme s’ils se présentaient à l’oral des concours enseignants : l’« explication » devra être « linéaire » et le passage étudié devra être obligatoirement « d’une vingtaine de lignes ». Autant dire qu’on fait table rase de plusieurs décennies de didactique du français ! On notera aussi que la « question de grammaire » a pour objet « l’analyse syntaxique d’une courte phrase ou d’une partie de phrase » : s’agira-t-il d’une « analyse logique » semblable aux étiquetages d’antan ou d’un « commentaire stylistique » à la manière du CAPES de lettres ? reviendrait-on à la maitrise des notions par opposition à la « maitrise de la langue » ? renoncerait-on à former les élèves à des connaissances autres que scolaires ? L’usage le dira, mais on peut légitimement avoir des craintes si en matière d’enseignement de la langue la formation continue des enseignant.es de lycée n’est pas à la hauteur des besoins. On notera enfin que dans ces textes officiels, il n’est même plus fait mention du « carnet de lecture » qui à l’origine avait été imaginé comme support de l’entretien oral. Une disparition elle aussi édifiante quant à la philosophie des programmes et des épreuves. Une disparition inquiétante quant aux conséquences sur le travail quotidien des élèves dans les années à venir.
Ce que le « bac de français » dessine comme horizon pour les futurs lycéens, c’est bel et bien le renforcement du bachotage : le travail à la chaîne de la littérature dans le seul but de réussir des épreuves du bac hyper formatés. Et les professeur.es de lettres apprécieront certainement la « confiance » qui est faite en leurs compétences et en leur liberté : il ne leur est manifestement plus reconnu la capacité à construire le cheminement heureux de leurs élèves à travers la littérature.
Jean-Michel Le Baut
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