Henri Emmanuelli l’était pas qu’une » grande conscience de gauche et l’ardent avocat d’un socialisme exigeant et ambitieux », pour reprendre les mots de N Vallaud Belkacem. C’était aussi un pionnier du numérique éducatif, une dimension que le ministère de l’Education nationale semble avoir déjà oubliée. C’est pourtant les commandes du département des Landes qui ont financé les premiers manuels numériques et mis en route le processus qui a mené à la EdTech actuelle.
L’expérience Landes interactives
Dès 2001, le conseil général des Landes a expérimenté la distribution d’ordinateurs portables à des collégiens. En 2002, celle-ci est généralisée à tous les élèves de troisième du département. 4 200 portables sont distribués à la rentrée 2002. Les éditeurs sont mis en demeure de publier les premiers manuels numériques qui sont disponibles début 2003. Ils seront suivis de nombreux autres logiciels installés sur les ordinateurs. En 2004 le département organise le premier colloque sur sa politique TICE en partenariat avec Le Café pédagogique et Education et territoires. 2004 c’est aussi l’année de la généralisation des portables en 4ème. En même temps tous les enseignants des collèges départementaux, qu’ils enseignent en 4ème et 3ème ou pas, reçoivent eux aussi un portable (1 200 postes). Le département gère alors un parc de près de 10 000 portables et déploie du personnel dans les collèges. En 2009 toutes les salles de classe sont équipées d’un TBI. Au total, le département aura dépensé en 12 ans plus de 50 millions d’euros pour sa politique TICE. Exemplaire , l’expérience landaise sera copiée dans les Bouches du Rhône et dans d’autres départements, les derniers étant la Corrèze chère à F. Hollande et le Val-de-Marne.
Un bilan nuancé
En 2013, ce n’est quand même pas si loin, un bilan nuancé est dressé de ces efforts obstinés du président du conseil général des Landes pour impulser une pédagogie du numérique. Globalement les résultats des élèves (passage de 3ème en 2de, redoublements) n’ont pas progressé. » Il n’est pas possible d’établir un lien, ici comme ailleurs, entre équipement des collèges en outils et contenus numériques, d’une part, et performance des élèves », affirme un rapport de l’Inspection générale. Les usages en classe sont très variables mais globalement en dessous des espoirs. Comme la norme scolaire ne change pas et que l’institution scolaire freine des 4 fers, en terme de résultats scolaires l’impact est faible. Finalement les effets se mesurent dans la vie des élèves. « Stéphanie Roussel, dans sa thèse a montré que, laissés en autonomie, les élèves régulent mieux leur écoute d’un texte en langue étrangère sur un lecteur MP3 qu’en suivant les consignes des enseignants, sauf ceux qui ont le niveau le plus faible. La thèse de Nicole Boubée montre que les élèves ont développé des compétences documentaires de façon autonome, à l’insu de l’enseignement de la pratique de recherche documentaire qui leur est dispensée », note par exemple PL Ghavam, responsable des nouvelles technologies du département.
Au moins, l’expérience landaise a -t-elle vraiment éclairé les conditions de l’intégration du numérique dans le système éducatif. Et cela on le doit à l’énergie et l’obstination d’Henri Emmanuelli.
François Jarraud
Landes : Les Tice seules peuvent-elles changer la pédagogie ?