Professeur d’histoire dans un lycée de Niort, Julien Lalu prépare une thèse sur le jeu vidéo entre 1972 et 2012. Quelle est sa pratique pédagogique du jeu vidéo ? Trouve -t-il vraiment sa place dans la salle de classe ?
Un joueur de jeux vidéos peut-il devenir professeur d’histoire-géographie ?
Ce sont des jeux vidéo, comme Lara Croft, qui m’ont donné le gout de l’histoire. Et j’ai toujours la chance que mon sujet de thèse concerne lui aussi le jeu vidéo.
Aujourd’hui si le jeu vidéo semble trouver place en géographie, il est rare en histoire. Pourquoi ?
Il faut d’abord dire que le jeu en histoire n’est pas estimé. Il y a très peu de recherches sur ce sujet, pas de discours valorisant, à la différence d’autres pratiques culturelles de masse comme le cinéma ou la bande dessinée par exemple. Il y a des salons économiques mais pas d’institution culturelle. On a un musée de la BD par exemple, pas du jeu vidéo.
Si l’on se met au niveau de la classe, on trouve des jeux vidéos qui sont utilisés en classe comme Rome ou Civilisation. On peut montrer comment le discours américain libéral anime ce jeu On a aussi Versailles 1685 complot à la cour pour travailler au collège sur l’absolutisme.
Cette année, en première, j’ai utilisé Soldats inconnus – Mémoire de la Grande Guerre d’Ubisoft. On a commencé par étudier les faits historiques de la guerre avant de travailler sur le jeu. Notre objectif c’était de voir quels éléments de la guerre sont retenus dans le jeu , quels fantasmes sont véhiculés par le jeu.
Le jeu apporte une vision de la guerre et son coté interactif fait que l’élève devient acteur de l’histoire. Il peut influencer le déroulement des choses et regarder ce que ça provoque. Cela donne beaucoup d’attractivité au jeu pour apprendre l’histoire.
Le jeu vidéo ne va pas apprendre les faits historiques mais il va permettre de les mettre en perspective. Je n’utilise pas le jeu pour faire apprendre ce qui s’est passé mais après cette séquence pour observer comment le fait historique est mis en scène. On observe alors les erreurs et aussi les fantasmes de notre société.
Par exemple, le jeu Mémoires de la Grande Guerre résume beaucoup le cheminement vers la guerre. Il y a une volonté de simplifier qui est porteuse d’erreurs.
Dans certains jeux on va s’arrêter au décor. C’est le cas par exemple avec Assassins Creed où on peut observer Paris au 18ème siècle. On se promène dans les rues de Paris et on observe les anachronismes.
Un bon jeu historique ce serait quoi ?
Il devrait être basé sur des écrits scientifiques et faire appel à des historiens. La difficulté c’est d’équilibrer entre la partie encyclopédique et la partie ludique. Il faut les deux. Il faut que l’élève ait un choix de gestion dans le jeu.
Il faut donc un scénario très travaillé. Du coup cela augmente le coût du jeu. Or les grands producteurs de jeux appartiennent au monde anglo saxon et ont des objectifs commerciaux.
Les jeux utilisés en classe viennent souvent de petites entreprises européennes à visée pédagogique. Versailles 1685 par exemple a été réalisé avec Le Louvre qui a imposé un cahier des charges précis. Le résultat c’est que l’articulation entre l’information savante présente dans le jeu et le coté ludique est sommaire. On peut jouer sans lire tout le contenu savant du jeu.
Malgré tout, le jeu vidéo trouvera sa place dans nos salles de classe ne serait ce que parce que la génération d’enseignants qui y arrive a été nourrie avec lui.
Propos recueillis par François Jarraud
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