Peut-on proposer une autre méthode que l’existante pour améliorer le mouvement des enseignants ? Le 4 mai 2015, Olivier Tercieux (PSE Cnrs) a présenté au séminaire LIEPP (Sciences Po) un système différent. Au système actuel basé sur des droits gagnés laborieusement et de façon inégalitaire selon les lieux, il oppose un choix qui donne la priorité au possible. Les résultats valent le détour.Ils amènent aussi à poser une autre question : quelles seraient les conséquences, pour l’Ecole, d’un système où les enseignants muteraient facilement ?
Un mouvement massif…
Chaque année près de 50 000 enseignants cherchent à changer de département ou d’académie. Ce mouvement énorme crée beaucoup d’insatisfaction. En 2014, 17 100 professeurs des écoles ont souhaité changer de département. Dans le second degré c’est 28 000 professeurs qui ont demandé une autre académie. Enfin le mouvement est très centralisé. La moitié des demandes proviennent d’Ile de France et 5 départements constituent la moitié des destinations demandées. Mais il est aussi marqué par un éclatement entre le mouvement des néo titulaires et celui des enseignants expérimentés.
La question de la mobilité a aussi à voir avec les difficultés de recrutement de l’Education nationale. On sait que la difficulté à bouger est un frein au recrutement des enseignants. Les néotitulaires commencent leur métier sur des postes difficiles dans des académies peu demandées. Ils ont ensuite du mal à bouger pour revenir dans leur région d’origine ou obtenir un poste moins exigeant. Les étudiants peuvent avoir peur d’être « piégés » loin de chez eux pendant très longtemps.
Un algorithme actuel déficient
Pour O Tercieux, l’algorithme du système actuel obtient des résultats assez mauvais. En 2014 seulement 22% des demandes ont été satisfaites dans le premier degré et beaucoup moins dans les départements où il y a peu de demandes. Certains sont devenus de vrais pièges que l’enseignant met des décennies à quitter même avec de très bons motifs ou une grande ancienneté. L’algorithme utilisé respecte étroitement les droits acquis par les enseignants et bloque le mouvement des enseignants ayant moins de droits.
Un nouvel algorithme peut doubler le nombre de mutants
Olivier Tercieux n’en est pas à son coup d’essai sur les questions de mobilité. Il a réalisé, avec V Hiller, une étude sur la procédure d’affectation des élèves dans le cadre d’Affelnet.
O Tercieux a simulé l’effet d’un autre algorithme qui, au lieu de tenir compte des seuls droits, donnerait la priorité aux échanges de postes possibles. Et cela quitte à laisser de coté des titulaires prioritaires, bloqués sur un poste difficile. « Pour un enseignant souhaitant obtenir une mutation sur un autre poste, deux options sont imaginables. Il pourrait obtenir sa mutation simplement par la libération ou l’ouverture de postes dans l’académie ou l’école qu’il vise. Par ailleurs, cet enseignant pourrait aussi obtenir satisfaction en « échangeant » l’affectation qu’il a dans son école actuelle avec l’affectation d’un enseignant de l’école où il souhaite être affecté (si ce dernier souhaite en faire autant) », écrit-il. L’algorithme repère systématiquement les échanges potentiels et affecte les enseignants en fonction de ces voeux. Il tient compte aussi des priorités du ministère : la volonté de rapprocher les enseignants de leurs familles (conjoints et/ou enfants) ou d’éviter que le nombre d’enseignants expérimentés ne décroisse trop dans certaines écoles.
Evalué sur les seuls titulaires, son algorithme alternatif permet d’améliorer le rendement des mutations. En 2013, écrit O Tercieux, « la procédure permettait de réaliser uniquement 5% des demandes par le biais d’échanges. Notre procédure alternative permet de multiplier par trois le nombre d’échanges réalisés. Ainsi, sur l’année 2013, en se focalisant uniquement sur les possibilités d’échanges entre enseignants, environ 1000 enseignants titulaires supplémentaires (sur 10000) auraient pu voir leurs demandes satisfaites si notre procédure avait été utilisée ».
Faut-il améliorer le mouvement enseignant ?
Devant les participants au séminaire Liepp, Olivier Tercieux a du remettre en cause son outil statistique. « Que se passerait il si le mouvement était facilité » a demandé Frédéric Charles professeur à l’Université de Picardie ? N’augmenterait-on pas les difficultés des écoles des quartiers populaires ? Dans la salle un ancien cadre de l’Education regrette l’époque où l’inspection générale, et non un barème, présidait aux mutations. C’est que tous les postes ne se valent pas et tous les enseignants non plus. Accusé de tous les maux, le mouvement fait de la résistance. Entre un système plus satisfaisant et la défense de l’intérêt du service, le nouvel algorithme ne pesait pas lourd…
François Jarraud