L’apprentissage du code c’est sérieux. La preuve : deux membres du gouvernement, N. Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale et Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, ont présidé au lancement de la Semaine dans les salons du ministère le 9 octobre. Avec elles, 4 vainqueurs de l’appel à projet des investissements d’avenir « Culture de l’innovation et de l’entreprenariat » et une cinquantaine d’écoliers et collégiens de Montreuil. Une présentation alléchante ou la mise en scène est aussi programmée…
La volonté de F Hollande
L’apprentissage du code fait partie des décisions du plan numérique décidé par le président de la République. Le 7 mai, F Hollande annonçait qu’à la rentrée 2016 « tous les enfants seront éveillés au codage », et cela donc dès le primaire. Au lycée il sera présent en 2de avec un enseignement d’exploration dont le programme est paru cet été. L’option informatique de terminale S sera « généralisée à toutes les filières et avancée en première » , a promis le président. Dans les nouveaux programmes, dès le cycle 2 l’algorithme apparait en maths : » Dès le CE1, les élèves peuvent coder des déplacements à l’aide d’un logiciel de programmation adapté, ce qui les amènera au CE2 à la compréhension, et la production d’algorithmes simples ». Mais l’essentiel du codage se fait durant le périscolaire. On le retrouve au cycle 3 où l’algorithme » introduit la notion de test d’une information (vrai ou faux) et l’exécution d’actions différentes selon le résultat du test ». Au cycle 4, en technologie, les élèves doivent être capables « d’appliquer les principes élémentaires de l’algorithmique et du codage à la résolution d’un problème simple. ».
A l’appui de cette décision présidentielle , un appel à projet des investissements d’avenir « Culture de l’innovation et de l’entreprenariat » doté de 20 millions d’euros. Début juillet, 18 projets étaient retenus dont 4 pour le codage. Sont présents au ministère, le 9 octobre, Simplon, l’association Bug, Les voyageurs du Code et un atelier Déclic porté par Colombbus.
Une présentation ministérielle
Dans les salons du ministère, 4 ateliers montrent des écoliers et collégiens en action , en train de programmer. Dans l’atelier Magic Makers, des enfants utilisent Scratch. L’initiation au codage est aussi montrée par Les Voyageurs du code. D’autres élèves participent à un atelier Colombbus sur un apprentissage du code passant par un langage de programmation. La Ligue de l’enseignement, avec l’association Bug de Rennes, présente un atelier de programmation d’objets connectés. Les enfants s’amusent et se font prendre en photo avec les ministres.
Axelle Lemaire explique qu’il « vaut mieux savoir coder qu’être programmé ». Pour elle, l’apprentissage du code doit permettre de faire « des citoyens avertis » et est l’occasion de « mener des projets en équipe par essais », une démarche pédagogique nouvelle. Elle appelle à un nouvel appel à projet pour développer davantage cet apprentissage.
« Au triptyque habituel lire, écrire , compter il faut ajouter coder », déclare N Vallaud-Belkacem. « Quand on fait du codage on prend le temps de penser.. Coder c’est apprendre à élaborer une action ».
Show ministériel
Il s’avère pourtant que les 48 élèves présentés par le ministère ne pratiquent pas l’apprentissage du code. Les écoliers viennent de l’école Diderot de Montreuil qui est très mal pourvue en matériel numérique avec une vingtaine d’ordinateurs dont la moitié est hors d’âge. M Grognet, pense que « c’est important pour eux même si je ne sais pas exactement pourquoi », nous a-t-il dit. « L’atelier d’aujourd’hui a démystifié l’informatique ». Les collégiens de Berthelot sont engagés dans un projet environnemental dans la perspective de COP21 avec Simplon. Mais là aussi pas d’apprentissage du code. Le ministère a organisé une belle présentation médiatique…
Mais pour quoi faire ?
Interrogée par le Café pédagogique sur le manque de matériel au primaire, N Vallaud-Belkacem nous répond que certaines communes ont fait le choix d’équiper leurs écoles et que la moitié des établissements retenus pour la préfiguration du plan numérique sont des écoles. « Il est important de comprendre qu’on peut aussi coder de façon déconnectée avec une feuille de papier », ajoute-elle. « C’est un raisonnement qu’on apprend aux enfants et les nouveaux programmes le prévoient. Ca peut s’apprendre en classe quitte à utiliser cela en salle informatique ou dans le cadre du périscolaire ».
Mais pourquoi généraliser cet apprentissage du code ? Sur les 4 ateliers on a obtenu peu de réponses. Les responsables présents ne voient pas de finalités générales si ce n’est l’idée qu’il faut « préparer la rentrée 2016 ». N Vallaud Belkacem nous dit que « les élèves vont baigner dans un monde numérique » et « qu’il faut leur en donner les clés.. C’est une compétence en plus qu’ils devront acquérir. Elle sera utilisée s’ils en font leur métier et il y aura des perspectives dans ce domaine. Ce sera une compétence de l’honnête homme du 21ème siècle ». Pour un déploiement général sur trois cycles, on reste un peu sur sa faim..
François Jarraud