- Le bac est-il donné à tout le monde ?
- Bac : Progression et différentiation vont de pair
- Le bac pro, caillou dans la chaussure de l’Education nationale
- Le baccalauréat, le numérique et Internet
- La nouveauté de 2014 : Et on pourra passer le bac à distance…
- Comment passe-t-on le bac ailleurs ?
Le bac est-il donné à tout le monde ?
« Il faut supprimer le bac. Il ne sert à rien. D’ailleurs tout le monde l’a ». Chaque année, cette idée revient dans les médias, minimisant l’intérêt de cet examen. Chaque année, certains médias glosent sur un taux de réussite qui dépasse 80%. Est-ce à dire que le diplôme est donné à tous ?
A vrai dire, le taux de succès au bac a toujours été élevé. Cela tient à deux raisons. La première c’est que cet examen sanctionne un niveau moyen de fin d’étude. Ce n’est pas un concours. On peut attendre du système éducatif qu’il assure 80% de réussite comme il assure 90% pour les compétences en maths ou français en fin de primaire ou de collège. Ce taux est d’autant plus facile à atteindre qu’en fait la sélection a lieu avant le bac. Ce taux de 80% cache le fait que seulement 66% d’une génération (à l’exception de 2012) obtient le bac. Un jeune sur trois quitte l’école sans le bac. Ce taux de réussite n’est pas seulement faible. Il est stable depuis 1995 où déjà on atteignait 63%. Cette réalité invite à redécouvrir les taux habituels du bac. Ainsi on dit que 83% des garçons sont reçus contre 87% des filles. Cela cache en fait un écart beaucoup fois plus grand : 70% des filles d’une génération seront bachelières contre 58% des garçons.
Le bac reste un défi pour les familles populaires. Le directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Paul Delahaye, l’avait clairement signifié le 12 juin 2013. « On constate qu’il y a encore de très grandes inégalités dans notre pays dans l’accès au bac général et technologique ou même professionnel », a-t-il dit. « Trois catégories sociales dans notre pays aujourd’hui voient pour leurs enfants les chances d’obtenir le bac quel qu’il soit diminuer. Ce sont les enfants d’inactifs, d’employés de service et d’ouvriers non qualifiés ». JP Delahaye a donné des chiffres. Sur la génération qui est entrée en 6ème en 1995 et dont on peut suivre la scolarité, 13% des enfants d’inactifs n’ont même pas atteint la 3ème, contre 0,4% des enfants d’enseignants. 9% des enfants d’inactifs, 13% des enfants d’ouvriers non qualifiés ont obtenu un bac général contre 72% des enfants d’enseignants. « En réalité dans notre pays les écarts sont en train de se creuser… et tout le travail de la refondation de l’école est…de réduire ces écarts insupportables de réussite selon les origines sociales », a déclaré JP Delahaye. « C’est important d’avoir ces chiffres en mémoire… Tout le monde n’a pas le bac. Tout le monde n’entre pas en université. On a des marges de progression importantes chez les jeunes d’origine populaire ».
Le bac ségrégatif ? Mieux vaut s’appeler Augustin, Marin et Henri pour avoir le bac S. Ou Sixtine, Anouk et Capucine pour le bac ES. Pour le Bac STG, par contre, Ahmed, Amel, Nadia ou Youssef suffisent. C’est la leçon qu’afflige Baptiste Coulmont, docteur en sociologie et maître de conférence à Paris 8, au système éducatif français. « Georges Felouzis et ses collègues (Joëlle Perroton notamment) ont bien analysé la ségrégation ethnique et le rôle qu’elle joue dans la reproduction sociale : il s’est d’ailleurs appuyé sur un codage des prénoms pour repérer l’ethnicité revendiquée par les parents. Ils s’intéressaient aux collèges, mais les séries du bac ne remettent pas a priori en cause cette ségrégation ethnique et sociale », conclue-t-il.
Trop de diplômés ? Dans l’intérêt général, si on veut avoir par exemple une économie plus compétitive, on devrait plutôt s’inquiéter de la faiblesse de ces taux. Mais il y a une explication à cette attitude malthusienne. Ce qui défrise dans un fort taux de réussite au bac c’est quand même que certains qui n’y arrivaient pas y arrivent. Or on sait bien que statistiquement on a d’autant plus de chances de réussir le bac que l’on est issu d’un milieu favorisé. L’élévation du taux de réussite au bac renvoie à sa démocratisation. Ce n’est pas tolérable pour tout le monde… Ceux qui critiquent le bac rêvent d’un examen d’entrée en université qui garantirait à leurs enfants, seuls capables déjà de payer les frais d’examen, le monopole des études supérieures.
La France a-t-elle davantage de bacheliers que ses voisins ? Dans tous les pays de l’Union européenne, un document certifie la fin de l’enseignement secondaire Selon les statistiques de l’Unesco, le taux brut de diplômés de fin du secondaire s’établit à 51% en France contre 92% en Finlande, 73% aux Etats-Unis, 74% en Italie. Le taux brut de diplômés du supérieur est à 38% en France contre 62% aux Etats-Unis, 74% en Finlande, 55% en Italie.
Faut-il réformer le bac ? Les mêmes critiques font campagne pour une réforme du bac. A vrai dire ils ont des arguments. Le bac est une machine colossale et coûteuse. Or quelques épreuves seulement sont prédictives du résultat pour 90% des candidats. Le député UMP Apparu, dans son projet de réforme du lycée, avait demandé une simplification du bac. 4 disciplines seulement resteraient matière à contrôle final. Si elle apparaît logique, la réforme proposée semble surtout susceptible d’augmenter l’injustice. En effet on sait, depuis les travaux de D. Oget, que si le bac était passé au contrôle continu les résultats finaux seraient largement différents. Le fait qu’au bac on corrige une copie anonyme augmente les chances de certains candidats : les garçons, les jeunes des milieux populaires. R Apparu ne demande d’ailleurs pas de contrôle continu mais un CCF où les élèves seraient notés par un professeur qui ne serait pas son professeur.
Mais pour bien estimer si le bac a de la valeur, voyons ce qu’il coûte à celui qui ne l’a pas. Si en France personne ne s’est attaché à ce calcul, le caractère pragmatique des Anglo-Saxons nous permet de trouver plusieurs études en ce sens. La plus récente provient de l’Alliance for Excellent Education (AEE), une association charitable qui milite pour la scolarisation. Pour elle « tout le monde bénéficie des progrès de qualification ». Elle a pu calculer la différence de salaire entre un bachelier et un non bachelier (26 923 $ contre 17 299) et partant de là estimer le manque à gagner collectif : si tous les jeunes Américains de 2008 avaient poursuivi leurs études jusqu’au bac, ils auraient apporté 319 milliards de dollars en plus à l’économie américaine durant leur vie. Mais puisque les diplômés vivent plus longtemps, deviennent des citoyens plus posés, L’AEE estime également d’autres retombées : « les économies régionales et locales souffrent plus quand elles ont des populations moins éduquées car il leur est plus difficile d’attirer des investissements. En même temps elles dépensent davantage en dépenses sociales ». L’AEE a pu calculer qu’en poussant tous les Américains jusqu’à la fin des études secondaires, l’Etat économiserait de 8 à 11 milliards chaque année en aide sociale, 17 milliards en aide médicale. Si le taux de sortie sans qualification des garçons baissait de seulement 5% cela représenterait 5 milliards de dépenses policières en moins.
Alors comment augmenter la part des bacheliers ? Comment faire ? Ce n’est pas à Neuilly qu’on pourra l’augmenter significativement. Il faut évidemment aller chercher les nouveaux bacheliers là où ils sont : dans les ghettos défavorisés. Il faut que dès la maternelle, dès deux ans, il y ait un effort important de fait pour ces enfants. Or on sait que la scolarisation à deux ans régresse justement dans ces quartiers. Il faut, nous dit T Piketty, réduire le nombre d’élèves par classe significativement en ZEP. Or, là aussi, on sait que la réduction est marginale. Mieux que la prédiction du résultat à partir de certaines matières, on peut déjà prédire que le taux d’échec ne sera pas le même si l’on est fils de cadre ou d’ouvrier. C’est justement cela qu’il faudrait changer.
François Jarraud
Article de B Coulmont
http://coulmont.com/blog/2013/03/30/series-de-prenoms/
Bac : Progression et différentiation vont de pair
Avec 77% d’une génération reçue au bac, l’objectif des 80% semble presque atteint. La publication, le 16 mars , des résultats définitifs du bac montrent un nouveau bond du bac en 2014. Mais plus le bac se banalise , plus les différences se creusent entre les bacs. Si presque tout le monde obtient le bac, alors le bac des uns n’a plus rien à voir avec celui des autres. La massification du bac se fait au détriment de sa démocratisation. Un sacré problème pour un système éducatif qui fait de ce diplôme à la fois la validation d’une formation secondaire et un passeport pour l’enseignement supérieur.
L’explosion du bac repose sur le seul bac pro
En 1980 , seulement 26% d’une génération obtenait le bac. En 2000, ils étaient 63%, un taux qui va rester stable jusqu’en 2010. Depuis 2010, le taux de bachelier dans une génération a repris s progression montant à 74% en 2013 et 77,4% en 2014. Jamais la France n’avait connu un tel nombre de bacheliers : 626 000 jeunes ont obtenu le précieux diplôme qui marque la fin de la scolarité secondaire et ouvre la porte de l’enseignement supérieur. C’est 35 000 jeunes supplémentaires par rapport à 2013.
Mais cette augmentation ne touche pas de façon identique les différentes séries. Le nombre de bacheliers généraux reste quasiment stable depuis 20 ans. En 1995 on comptait 287 000 bacheliers généraux. En 2010 ils étaient 279 000. En 2013, 305 000 et 315 000 en 2014. La progression est très lente et au total on ne compte guère que 28 000 bacheliers généraux de plus sur 20 ans quand le nombre de bacheliers a progressé de 134 000 personnes. Les filières technologiques ont régressé sur cette période. On comptait 153 000 bacheliers technologiques en 2000. Il n’y en a plus que 129 000 en 2014. L’extraordinaire hausse du nombre des bacheliers s’explique donc par l’explosion du bac professionnel. Il y avait 67 000 bacheliers professionnels en 1995, 119 000 en 2010 et 190 000 en 2014. De 2013 à 2014 on compte 31 000 bacheliers professionnels supplémentaires. Aujourd’hui un bachelier sur trois est un bachelier professionnel.
C’est donc à un éclatement des bacs que l’on assiste entre un bac général qui reste stable et un bac professionnel en hausse rapide. Les écarts entre ces deux familles de bacs augmentent en même temps qu’ils se creusent à l’intérieur de chaque famille. Autrement dit la hiérarchisation des bacs avance encore plus vite que la massification.
Des bacs généraux marqués socialement
Qu’est-ce qu’un bac général ? Un bac général est d’abord caractérisé par un fort taux de réussite. En 1995 75% des candidats étaient reçus. Aujourd’hui c’est 91% avec de très faibles différences entre filières. De plus en plus un bac général est un bac S. Il y avait 139 000 bacheliers S en 1995, ils sont maintenant 161 000. Le bac ES a légèrement augmenté passant de 77 000 en 1995 à 97 000 en 2014. Le bac L est en voie d’extinction : il y avait 71 000 bacheliers littéraires en 1995, ils ne sont plus que 47 000 en 2014. Les bacs technologiques ont aussi beaucoup régressé, on l’a vu. Ils se comportent maintenant comme les bacs généraux : fort taux d’admission 91% au total, 90% en STMG, 91% en St2s.
A l’intérieur de cet ensemble général et technologique on assiste à une différenciation par le genre. 55% des bacheliers S sont des garçons quand 79% des L sont des filles. 91% des bacheliers de St2s sont des bachelières quand ce n’est que 7% des Sti2d.
Enfin le bac général a une forte coloration sociale. Sur les 18 000 enfants de professeurs qui ont été admis au bac en 2013, 15 000 ont eu un bac général. Chez les cadres c’est le cas de 105 000 jeunes sur 135 000 bacheliers. Seulement 35 000 enfants d’ouvriers sur les 98 000 admis au bac ont eu un bac général. C’est le cas de 9 000 enfants d’inactifs sur 60 000.
Le bac pro permet la massification du bac
Le bac professionnel a donc des caractéristiques très particulières. C’est le bac qui progresse le plus rapidement mais c’est aussi celui où le taux d’échec est le plus fort. On comptait 73% d’admis au bac pro en 1995. Il n’y en a que 79% en 2014. Alors que le bac général est passé de 75 à 92%, le bac professionnel n’a presque pas bougé. Le taux de réussite y est contenu même si le nombre de candidats explose. La bac professionnel est caractérisé par l’origine modeste de ses bacheliers : 81% des enfants d’inactifs admis au bac sont des bacheliers professionnels. C’est le cas de 9% des enfants de cadres.
Ainsi le bac professionnel porte la massification du bac. C’est lui qui ouvre les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des familles populaires alors que le bac général se révèle être le bastion des familles privilégiées. La massification de bac ne signifie pas sa démocratisation. Mais au contraire sa hiérarchisation.
François Jarraud
Les résultats définitifs du bac 2014
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/17/5/DEPP_NI_2015_08[…]
Le Rers 2014
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/02/8/DEPP_RERS_2014_[…]
Le bac pro, caillou dans la chaussure de l’Education nationale
L’extraordinaire progression du bac professionnel s’accompagne d’un changement radical du comportement de ces bacheliers. Le bac pro a changé d’identité. D’un diplôme de fin d’études signifiant une qualification professionnelle, il est devenu une porte d’accès à l’enseignement supérieur. Les bacheliers professionnels posent la redoutable question de la démocratisation de l’enseignement supérieur.
Panique à bord !
La marée de bacheliers professionnels, 119 000 en 2010 et 190 000 en 2014, vient cogner à la porte de l’enseignement supérieur. En 2000, 17% des bacheliers professionnels poursuivaient des études post bac. En 2014 ils sont 48%. Un tiers poursuit dans l’enseignement supérieur et 17% en contrats de professionnalisation. Ils représentent aujourd’hui 27% des étudiants des STS. Selon Vincent Troger, qui a été le premier à mettre en évidence cette mutation en 2012, la voie professionnelle s’est banalisée. D’abord voie de qualification pour entrer sur le marché de l’emploi, elle est devenue un chemin commode vers le supérieur. Le changement a été rapide. Ce choix du professionnel pour atteindre le supérieur est souvent fait par le jeune dès la seconde. « L’objectif c’est de s’assurer une meilleure insertion et aussi avoir une chance de promotion professionnelle. Autrefois ils auraient cru dans la promotion interne », nous disait-il. « Aujourd’hui ils pensent que c’est très difficile d’accéder un statut supérieur avec un CAP ».
Des jeunes à profil particulier
Or ces jeunes ont des profils particuliers. Ils sont moins mobiles que les bacheliers généraux et vont privilégier des formations courtes près de chez eux. Ils ont moins d’appétence pour l’enseignement général. Ces deux caractéristiques font que le débouché normal des bacheliers professionnels sont les BTS, une voie où ils réussissent plutôt bien. Depuis 2014, l’Education nationale a mis en place des quotas académiques qui facilitent l’entrée des bacheliers professionnels en STS. Et ça commence à porter des fruits. « Le nombre de propositions d’admission en BTS/BTSA faites aux candidats d’une terminale professionnelle s’est accru de 12,5 % (+ 4 761) », révèle le rapport de la députée S. Doucet remis en novembre 2014.
Mais leur arrivée en BTS s’accompagne d’une forte lassitude des enseignants des STS mis devant un défi pédagogique totalement nouveau. Ils dénoncent une baisse de niveau résultant de la réforme du bac professionnel dont le rapport Doucet s’est fait l’écho. La députée reprend les propos de la Fédération de l’enseignement privé (FEP)-CFDT, pour qui » le nouveau « bac pro » aurait fait perdre (aux jeunes) « l’habitude du travail » du fait de coefficients qui invitent à délaisser les matières générales telles que le français, les langues étrangères, les mathématiques et l’histoire-géographie. Pour S Doucet il y a bien « un risque de décrochage » du BTS. Il y a peu d’expériences de préparation des bacheliers professionnels à cette poursuite d’étude. Encore moins de communication entre les enseignants de bac pro et ceux du supérieur ne serait ce que pour connaitre les programmes des uns et des autres.
La tentation de la relégation
Alors, cette arrivée des bacheliers professionnels pose un autre défi à l’éducation nationale : celui du coût. Un étudiant en BTS revient à 13 510 euros en moyenne, soit nettement plus qu’un étudiant ordinaire. Dans le cas des bacheliers professionnels, seuls 60% obtiennent le diplôme du BTS. Il y a donc une forte perte de moyens dans une période budgétaire difficile.
D’où l’idée émise par G Fioraso en décembre dernier de créer une filière supérieure particulière pour des bacheliers particuliers. Le nouveau » Brevet professionnel supérieur » (appellation encore provisoire) devrait être un diplôme de niveau III délivré en alternance. C’est sur les entreprises que reposerait donc le coût de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Mais ce serait au prix d’une nouvelle sélection de ces jeunes. Au regard de ce qui se pratique déjà dans les stages professionnels, on peut craindre que les jeunes fassent à nouveau l’expérience de la discrimination dans cette nouvelle filière si elle voit le jour.
L’impossible démocratisation du système éducatif ?
Se rejoue pour l’enseignement supérieur un scénario que l’éducation nationale connait bien. Le bac professionnel a permis de démocratiser le bac. C’est à travers le bac professionnel que les jeunes des milieux populaires ont accédé au bac. On compte trois fois plus de titulaires du bac professionnel que du baccalauréat général chez les ouvriers (34,3 % contre 11,4 %) et un rapport inverse chez les cadres (10 % contre 36,1 %). Le système éducatif a démocratisé le bac en créant une nouvelle voie réservée aux enfants des classes populaires plutôt qu’en les aidant à accéder à un bac général. Il leur a ainsi ouvert l’accès au supérieur. Mais celle-ci tourne au mensonge. Le taux de réussite à la licence en trois ans des bacheliers professionnels est de 3,1 % seulement. En BTS, seule la moitié des bacheliers professionnels obtient le diplôme en trois ans, ce qui est nettement moins que les bacheliers technologiques (73 %) et les bacheliers généraux (85 %). Le projet ministériel de nouvelle filière particulière achèverait de clore la fenêtre.
La création des bacs professionnels a finalement empêché une véritable démocratisation du lycée en reléguant les enfants des milieux populaires dans des lycées particuliers et un diplôme particulier qui signifiait une fin d’études. La création d’une voie nouvelle dans le supérieur pourrait avoir la même signification. Alors que la filière professionnelle était en voie de se banaliser et de devenir un chemin vers le supérieur, la ministre propose une voie séparée pour ces jeunes des milieux populaires. 30 ans après la création du bac professionnel celui-ci n’est toujours pas considéré comme un vrai bac. Que vaudra un » Brevet professionnel supérieur » qui serait un diplôme spécifique réservé à des jeunes qui, dès la troisième, auront été poussés, malgré ce que dit la ministre, dans un tuyau aboutissant à une qualification particulière ?
François Jarraud
A Jellab : la voie professionnelle, voie d’émancipation ?
Le baccalauréat, le numérique et Internet
Particulièrement craint, admiré, redouté aussi bien des élèves, des enseignants, des parents, mais aussi des ministres, le baccalauréat est « intouchable » ! Un texte récent sur la fraude aux examens et en particulier au baccalauréat montre bien qu’il s’agit d’un exercice que l’on peut qualifier de « canonique » tant chaque velléité d’en transformer tel ou tel aspect semble un sujet à grave discorde. On ne rappellera pas les récentes querelles, on signalera simplement que la refondation de l’école à simplement évité d’aborder la question, comme si le pilier central de la fondation était posé là, immuable… Or arrive un nouveau contexte qui interroge la pertinence de cet examen et de sa forme de passation dont le modèle ne peut qu’être mis en cause compte tenu du contexte social, éducatif et technologique actuel en regard d’un examen issu de l’époque napoléonienne.
Signalons d’abord qu’il n’y a pas un baccalauréat, mais plusieurs. Quand on parle du bac, on parle surtout de celui des série « classiques », S, L et ES (antérieurement A B C D…. Mais il y aussi les autres sections, technologiques et professionnelles qui depuis longtemps ont ouvert à de nouvelles formes. Mais le baccalauréat classique, lui, semble rester figé. En réalité ce n’est pas tout à fait le cas, mais les récentes tentatives de modification de l’épreuve d’histoire géographie pour la section S ont montré qu’il y avait eu des changements mais qu’il y avait encore de nombreux freins. Rappelons ici les épreuves anticipées, les épreuves expérimentales (physiques) les options (dont math et informatique en 1ère L, bizarrement supprimée il y a deux ans) et bien sûr l’épreuve anticipée de français, la plus ancienne (puisque mise en place après 1968). Rappelons aussi l’arrivée de la calculatrice en lieu et place de la règle à calculer et des tables de logarithmes. Si évolution il y a c’est en bordure de ce qu’il convient d’appeler « le grand titre initiatique français des élites ».
Or ce rite souffre du numérique et d’Internet. D’abord par le copier coller et la communication qu’il facilite, à l’insu même de surveillants confrontés à la multiplication des terminaux portables connectés. Ensuite parce que l’usage d’Internet et du numérique va à l’encontre de la forme d’apprentissage sous jacente aux épreuves traditionnelles fondées surtout sur la mémorisation et la restitution écrite papier. Nombre de sujet, même de matières non concernées, ont vu inscrit en en-tête cette phrase magique : « calculatrice interdite ». Enfin parce que le rapport aux savoirs et la maîtrise de ses usages ne se mesure pas en quelques jours en fin de scolarité sur la base d’épreuves sommaires (par sondage) qui ne rendent pas compte de ce que sait l’élève, mais, et encore cela mériterait vérification, le « niveau » de celui-ci en regard des exigences de la nation.
Ainsi le côté mythique des examens de certification en France, le baccalauréat en particulier, l’emporte sur la nécessité de concevoir de nouvelles manières de penser ce qu’est un élève « bien formé » à 18 ans (âge habituel de passage de l’épreuve) et disponible pour une suite d’étude. Or les usages importants du numérique dans la vie quotidienne et les incitations répétées des politiques à l’égard de l’introduction des TIC en éducation ne sont que peu prises en compte (hormis pour quelques épreuves dans des disciplines spécifiques) dans ces épreuves « terminales ». Dans la circulaire d’avril 2012 sur la préparation des examens il est écrit « L’incident sans précédent qui a entaché la session 2011 du baccalauréat a fait apparaître que des risques nouveaux remettaient en cause les précautions traditionnellement prises pour assurer la sécurité de l’examen ; ces risques résultent, en particulier, des moyens techniques et des réseaux de communication développés ces dernières années. » On constate, dans le compte rendu des épreuves de 2012 que « L’utilisation des nouvelles technologies (smartphones, calculatrices, oreillette, MP3, montre téléphone) pour 166 candidats sur les 419. » est à l’origine des fraudes sanctionnées. » Ceci amène le ministère à installer de plus en plus de détecteurs de téléphones portables dans les centres d’examen.
On peut penser que l’évolution des pratiques doit être considérée comme un indicateur : celui de certaines formes d’évaluation, directement issues de certaines formes d’enseignement, en particulier celles basées sur le cumulatif, le magistral, l’individuel, la mémorisation. Cela va probablement prendre du temps. Cependant il existe depuis longtemps d’autres formes d’évaluation, en particulier en cours d’apprentissage et basées, non pas sur l’actuel CCF, mais bien davantage sur l’accompagnement de ceux qui apprennent. Mais ces modalités d’évaluation sont souvent suspectées d’être insuffisamment précises et objectives. Chacun le sait la note n’a d’objectif que le symbole qu’elle représente : celui d’une décision prise par un ou plusieurs individus dont les fondements sont souvent discutables et aléatoires comme l’a montré la docimologie depuis longtemps. De plus, dès lors que le numérique entre en scène, les nouvelles pratiques peuvent devenir inquiétante par la lourdeur des dispositifs, comme le B2i, le socle commun, le portfolio numérique l’ont illustré chacun à leur manière.
Car ce qui caractérise les examens traditionnels et le baccalauréat c’est l’industrialisation de l’épreuve dans une perspective égalitariste (rappelons que l’égalité est censée être au coeur des processus d’évaluation actuelle). Cela s’oppose aux formes plus individualisées et suspectes, dans l’exactitude, sur le plan de l’égalité des chances. L’exemple de l’apprentissage en alternance est une illustration fréquente de ce dilemme (ceux qui le connaissent de l’intérieur le vivent souvent). L’arrivée du numérique pourrait apporter dans ce sens sa capacité à gérer des systèmes questions réponses de manière automatisée. Il faudrait alors transformer l’épreuve en un vaste questionnaire à choix multiple intelligent, comme par exemple la médecine l’a mis en place pour la sélection de fin de première année depuis de nombreuses années. On aurait là l’apport industriel du numérique.
Mais ce qui trouble le débat, c’est que les objets numériques, matériels, logiciels, documents, sont peu « contrôlable » et que le principe même de l’examen du baccalauréat, c’est le « contrôle des connaissances« . La multiplication des smartphones connectés à Internet décuple les possibilités de contourner ce contrôle et cela risque de tenter des candidats, d’où les injonctions ministérielles. Certains pays, certains lieux d’enseignement essaient l’autorisation, voire l’obligation de l’accès à Internet pour la vérification des connaissances. Cela transforme radicalement la nature des épreuves à défaut de modifier la structure fondamentale de l’examen (qui souvent disparait). A coté du risque qu’il y a à ouvrir cet accès avec l’écueil du copier coller, il y a aussi l’écueil de l’aide à distance par un tiers. D’un coté c’est le contenu qui est mis en cause, de l’autre c’est le fait qu’il faut évaluer le candidat séparément des autres. Deux paramètres principaux sont mis à mal. Imaginer que le numérique puisse entrer dans une épreuve telle que le baccalauréat pourrait se faire en levant la première barrière (tête bien faite plutôt que tête bien pleine)et en construisant des épreuves avec document. Pour la deuxième, c’est l’idée de l’évaluation impossible du travail collaboratif. On a tous du mal à imaginer comment évaluer l’individu s’il n’est pas seul. Or la vie quotidienne, personnelle et professionnelle, est une vie en groupe, en société. Nombre d’activités se développent de manière collaborative (nos ancêtres chassaient et cultivaient ainsi dans des systèmes d’entr’aime). L’exemple des TPE illustre bien cette difficulté. Avec les outils numériques, le travail collaboratif et collectif revient de plus en plus souvent sur le devant de la scène. Comment imaginer une épreuve collective, collaborative dans le contexte actuel ?
Si pour l’instant la forme des examens scolaires est restée la plupart du temps fondée sur le même principe, l’édifice ne cesse de s’effriter depuis près de quarante années (rappelons ici la création des Bac pro). Les moyens numériques ouvrent de nouvelles brèches dans cette orthodoxie de l’évaluation terminale, solitaire et basée principalement sur un sondage dans les connaissances étudiées et mémorisées. Ce n’est probablement pas l’épreuve qu’il faut modifier dans sa forme, c’est l’ensemble du processus évaluatif en lien avec les modalités d’enseignements qui y sont rattachées qu’il convient d’examiner et de faire évoluer. L’ampleur du chantier peut rebuter plus d’un ministre. Mais il reste un pilier fort de nos sociétés occidentales contemporaines qui freine ces évolutions : c’est l’idée centrale de « réussite individuelle ». De l’élitisme républicain au libéralisme total, c’est l’individu qui prime. Le baccalauréat, dans sa forme mythique illustre bien cette idée. Les pratiques numériques révèlent une autre vision des choses, (illustré par les mythes fondateurs du réseau) davantage centrées sur le partage et la communauté. Cette opposition théorique se traduit dans la réalité par une tension que l’on perçoit comme en évolution. Pour l’instant le système est suffisamment en place pour ne pas laisser passer une forme de dérive. Pourtant le travail mené, en particulier dans l’enseignement supérieur, sur les modes d’évaluation pourrait bien, à terme, rejaillir sur le sacro-saint baccalauréat classique : porte d’entrée « magique » pour la poursuite des études.
Bruno Devauchelle
Les chroniques de Bruno Devauchelle
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2012_BDevauchelle.aspx
La nouveauté de 2014 : Et on pourra passer le bac à distance…
Publié au Journal officiel du 11 mars, un décret a ouvert la possibilité de tenir à distance, au moyen d’outils de communication audiovisuelle, des épreuves, ou parties d’épreuve, du baccalauréat général, technologique et professionnel. Cette possibilité est aussi ouverte aux membres de jurys lors de la tenue des réunions de délibération dans le cadre de cet examen.
Pour le ministère, « cette nouvelle mesure permet de répondre aux besoins spécifiques de certains candidats en raison notamment de leur handicap, hospitalisation, incarcération ou de leur situation géographique ». L’examen à distance pourrait donc être proposé pour les candidats qui ne peuvent se déplacer mais aussi pour les candidats isolés. On peut imaginer par exemple que des épreuves de langues rares puissent être réalisées ainsi, les élèves étant regroupés dans une salle de leur établissement. La mesure devrait faciliter la vie des candidats mais aussi réduire le coût des examens en limitant les frais de déplacement. Cet aspect là, qui n’est pas cité, n’est sans doute pas pour rien dans la mesure…
« Dans le cadre des compétences qui lui sont confiées en matière d’organisation du baccalauréat, le recteur d’académie sera chargé de déterminer les candidats concernés, ainsi que les épreuves pour lesquelles seront mises en place ces nouvelles modalités techniques », précise le communiqué ministériel. « Il veillera également au maintien du principe d’égalité entre les candidats, et s’assurera de la qualité, de la sécurité et de la confidentialité des échanges ».
Les épreuves à distance très encadrées
Une note de service publiée le 1er mai définit les circonstances et les types d’épreuves qui peuvent être passée à distance au baccalauréat. Le texte limite ces dispositif à certaines catégories d’épreuves » justifiées par des circonstances particulières ».
Les circonstances qui justifient le recours aux moyens de communication audiovisuelle sont limitées. « Cette technique peut être décidé par le recteur d’académie lorsque les candidats handicapés, hospitalisés ou détenus ne peuvent se déplacer jusqu’au centre d’épreuves ; lorsque l’éloignement de leur résidence rend difficile le déplacement des candidats jusqu’au centre d’épreuves ; lorsque l’académie ne compte qu’un faible nombre de candidats dans la discipline ; lorsque l’académie ne dispose pas d’un nombre suffisant d’examinateurs dans la discipline… L’organisation d’épreuves ou de parties d’épreuve par des moyens de communication audiovisuelle peut ainsi concerner la totalité des candidats ou seulement une partie d’entre eux ».
Au BO
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=78989
Au JO
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000[…]
Et l’arrêté
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000[…]
Communiqué du ministère.
http://www.education.gouv.fr/cid77605/baccalaureat-2014-de-nouvel[…]
Comment passe-t-on le bac ailleurs ?
Quelle épreuve attend les élèves à la fin de l’enseignement secondaire général en Europe ? Dans tous les pays de l’Union européenne un certificat est délivré aux étudiants qui terminent l’enseignement secondaire supérieur général et qui ont satisfait aux exigences requises.
Dans de nombreux pays, l’obtention du certificat est liée à la fois aux résultats de l’épreuve finale et au travail de la (des) dernière(s) année(s).En Espagne et en Suède, le certificat est délivré uniquement sur la base de l’évaluation continue de la (ou des) dernière(s) année(s) du secondaire. Dans la majorité des pays, l’épreuve finale est composée de deux parties, l’une écrite, l’autre orale. Mais en Grèce, à Chypre, en Lituanie, au Portugal, en Finlande, en Bulgarie, elle est exclusivement écrite. A ce niveau d’enseignement, l’épreuve écrite est très fréquemment mise au point par un organe externe à l’établissement. En Belgique, en Islande, en République tchèque et en Slovaquie, cependant, l’épreuve finale écrite est réalisée par un enseignant ou une équipe d’enseignants de l’établissement. En Autriche, le président de la commission d’examen choisit les questions à poser parmi celles rédigées par les enseignants de l’établissement. En Grèce et au Portugal, les étudiants sont soumis à deux épreuves écrites, l’une interne et l’autre externe.
Selon le pays, la note finale est attribuée soit par un jury ou par des personnes extérieures à l’établissement, soit par les enseignants de l’établissement qui décident de la note attribuée et de la délivrance du certificat. En Finlande, pour l’obtention du certificat basé sur l’épreuve externe écrite (matriculation examination), l’évaluation est d’abord menée par les enseignants puis par un organe externe, le Matriculation Examination Board. Au Luxembourg et dans la majorité des nouveaux Etats membres, les examinateurs externes attribuent la note finale en tenant compte des résultats obtenus à l’épreuve externe et du travail de l’année. Enfin, au Danemark, en Allemagne et en Norvège, le certificat mentionne à la fois les notes obtenues à l’épreuve finale (pour les matières présentées) et les résultats du travail de l’année ou des dernières années (pour les autres matières ou pour toutes les matières). Aux Pays-Bas, la note finale est la moyenne des résultats obtenus aux deux épreuves, interne et externe. En Estonie, les épreuves externes sont corrigées par les examinateurs externes. En Lettonie et en Lituanie, des examinateurs externes établissent la note pour les matières évaluées lors des examens centralisés et, pour les autres matières, les enseignants corrigent les épreuves sur la base de critères établis par un organe externe
Dans tous les pays européens, les filles sont plus nombreuses que les garçons à se voir délivrer un diplôme de l’enseignement secondaire général : le rapport moyen est de 139 diplômées pour 100 diplômés.
Plus de 76 % des jeunes européens de 20 à 24 ans ont achevé avec succès l’enseignement secondaire. Le pourcentage est encore plus élevé dans les nouveaux États membres: il représente 87 % de cette classe d’âge. La situation au sein de l’Europe est assez homogène. En effet, seuls trois pays enregistrent un taux inférieur à 60 % (Malte, Portugal et Islande) et trois pays ont un taux supérieur ou égal à 90 % (République tchèque, Slovénie et Slovaquie). Mais 35% des jeunes n’a pas un diplôme suffisant pour accéder à l’enseignement supérieur. L’Estonie, Chypre, l’Autriche, la Finlande, la Suède et la Norvège enregistrent la proportion la plus faible. A contrario, au Luxembourg, à Malte, au Portugal et en Islande, la proportion des 20-24 ans n’ayant pas le niveau de qualification requis pour intégrer directement l’enseignement supérieur dépasse 55 %.
François Jarraud