Le congrès mondial de l’IFLA a eu lieu en France cette année (à Lyon du 15 au 21 aout 2014). Connue d’abord des professionnels du domaine des bibliothèques, médiathèques et métiers de l’information, l’IFLA est avant tout une association mondiale de professionnels. Elle mériterait un plus large écho, tant les problématiques abordées dans les multiples sessions de ces journées concernent la société toute entière. Au moment où le livre est de plus en plus dérangé dans son économie, son développement, sa survie même, par le numérique, ce congrès est l’occasion de faire le tour des questions qui concernent toutes les institutions, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, qui se consacrent à la « gestion » de l’information dans nos sociétés.
Autour de ce congrès plusieurs manifestations satellites ont été organisées. Le ministère de l’éducation en a organisé une, dans le cadre du plan national de formation, une session intitulée « Cultures numériques : un nouveau rôle pour les bibliothèques scolaires ». On dit ici satellite car c’est le croisement d’une problématique locale (nationale) avec une manifestation mondiale et surtout c’est la possibilité pour les participants de ces sessions de découvrir l’Ifla pour une partie d’entre eux. Le ministère avait tenu à permettre aux participants de découvrir cette association mondiale et ainsi de les amener à resituer leurs questionnements au-delà des frontières. Car le monde des « bibliothèques scolaires » (school library) n’est pas envisagé de la même manière dans d’autres pays.
Cette session a été organisée en trois temps :
– une première demi-journée pour poser la problématique autour d’une table ronde (animée par Vincent Liquète) sur l’évolution de ces lieux à l’ère numérique autour d’une même question, ce que cela change, pour trois domaines : le travail des élèves, la gestion des lieux, le travail des professionnels de la documentation
– une journée complète au congrès IFLA qui a commencé pour plusieurs participants par une conférence de P Dillenbourg sur les MOOC et qui s’est poursuivi par plusieurs sessions au choix, ainsi qu’une visite de stands d’institutions et d’entreprises du monde entier proposant des services et matériels pour les bibliothèques:médiatèques de toutes sortes. CANOPE a aussi proposé dans cette journée un temps d’échange sur les évolutions en cours dans l’organisation des services et les projets à venir. Chacun a pu choisir selon ses centres d’intérêts des ateliers et sessions en particulier autour des questions « d’information literacy », de « school libraries and resource Centers »
– Une dernière journée a permis aux participants de s’exprimer pour faire part de leurs étonnements et intérêts à propos de ce congrès d’abord mais surtout pour évoquer un document important proposé par l’IFLA (deuxième édition, la première datant de 2002) : une guide pour le développement des « school library ». Ce guide à pour objectif de débattre sur le sujet suivant : « l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage pour tous ».
Les travaux menés pendant trois jours ont d’abord mis en évidence un certains nombre de points dont le doyen de l’inspection générale du groupe Établissements et Vie Scolaire (Claude Bisson Vaivre) a fait une synthèse :
Renforcer la professionnalité des personnels des centres de documentation
Intégrer l’évolution des flux pour ne plus se limiter aux murs des lieux de documentation
Prendre en compte les nouveaux modes d’apprendre des élèves
Parmi les idées qui ont émergé des travaux des participants, il a évoqué d’abord la question du rôle de médiation/médiateur, la nécessité de mettre en place un document du même type que celui proposé par l’IFLA un « Guidelines », associer les chefs d’établissements et personnels de direction et d’encadrement, et enfin faire des enseignants documentaliste des « inducteurs de pratiques pédagogiques », voir des agitateurs pédagogiques jusque dans l’évaluation.
Si le congrès de l’IFLA a rassemblé près de 4000 participants, la session du ministère en a rassemblé plus de 60, ce qui, compte tenu du contexte est particulièrement bien. Dans une ambiance volontaire et décontractée, les participants ont exprimé leur souhait de rester en contact avec l’IFLA et d’intégrer la dynamique qui se développe autour de cette association, dont la vice présidence du groupe France est actuellement assurée par Mireille Lamouroux (DGESCO), qui a par ailleurs été la cheville ouvrière de la session du PNF.
Bruno Devauchelle
Le site de la conférence
http://conference.ifla.org/ifla80
« Il ne suffit pas de filmer un enseignant pour faire un Mooc « . Pierre Dillenbourg, enseignant à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, a été un des conférenciers majeurs invités par l’IFLA le 20 aout. Cela a été l’occasion pour lui de présenter le compte rendu de ce que les MOOCs ont fait son établissement et ce que celui-ci en a fait. Avec habileté, humour, presque à la manière des conférences TED (c), le professeur Dillenbourg a emmené son auditoire dans une analyse sans complaisance, réaliste et distancée de ce phénomène médiatique.
Nous avons préféré, pour ce compte rendu, proposer une vision kaléidoscopique de cette présentation. Quelques réflexions et propositions captées au cours de son propos ont retenu notre attention, en voici la liste sous forme d’aphorisme ou affirmation :
· « On peut changer la vitesse du prof » :
· L’évaluation par les pairs (critériée et pondérée) est identique à l’évaluation par l’enseignant, et ça économise du travail.
· Les Moocs sont davantage au service de la formation continue ou personnelle que de la formation initiale.
· La durée d’assimilation des connaissances dans les Moocs varie… selon les utilisateurs, et la qualité des Moocs.
· Les Moocs d’une université pourraient bien servir aux autres universités, il faudrait Moocifier Bologne…
· Les Moocs ne sont pas une révolution pédagogique.
· Seulement 10% des étudiants vont au bout et pas forcément ceux que l’on pense.
· Beaucoup d’étudiants des Moocs sont surdiplômés par rapport au niveau visé par les Moocs.
· Quand un Mooc marche bien, les enseignants vendent davantage les livres qu’ils ont écrit.
· Quand, enseignants, je suis en cours une bonne partie des étudiants prennent du temps pour vérifier ce que je dis, pendant que d’autres sont sur leurs messagerie…
· Les étudiants sont de moins en moins fidèles à leurs enseignants, ils veulent choisir ceux avec lesquels ils apprennent mieux.
· La peur des étudiants était au départ de perdre le contact avec leurs enseignants, c’est l’inverse qui se produit, ils peuvent davantage questionner.
· Les étudiants ont développé beaucoup d’attitudes collaboratives, allant jusqu’à suivre les Moocs en groupe, même dans l’établissement.
· Certains enseignants ont préféré que les Moocs soient privés, du coup ce sont des Spocs, ainsi on ne les voit que de l’intérieur de l’établissement.
· Le temps en groupe avec l’enseignant est ciblé sur les difficultés principales de compréhension (analysées auparavant dans les évaluations en ligne).
· Il est important de protéger l’identité des étudiants (seul un numéro est accessible du dehors de l’établissement).
· Il n’y a pas de généralisation des Moocs (pas à l’EPFL), mais peut-être faut-il aller vers des mutualisations entre universités.
· Certains enseignants recommandent à leurs étudiants locaux de suivre des Moocs d’autres universités pour ensuite mieux travailler avec eux.
· L’EPFL s’engage sur la mise en place de sous titrage en deux langues pour tous les Moocs (Français et Anglais).
· L’EPFL développe de nombreux partenariats avec l’Afrique et elle adapte ses cours aux formes d’accès locales (problème de liaison Internet)
· Même à l’EPFL il y a de bons Moocs et de mauvais Moocs…
Cet inventaire, presque chronologique des éléments signifiants de la conférence de Pierre Dillenbourg, est particulièrement intéressant car il montre que loin des agitations médiatiques, il y a de vraies questions qui se posent. Il ne suffit pas de filmer un enseignant pour faire un Mooc, il y a une ingénierie particulière à mettre en place qui articule plusieurs modalités (vidéo, textes, forums, auto-évaluation ect…). Si l’on croit qu’il s’agit d’une révolution, on se trompe nous rappelle P Dillenbourg. Il s’agit simplement d’amélioration de certaines formes de l’enseignement qui doivent aider les étudiants à aller vers la meilleure qualité d’apprentissage.
Le processus d’analyse scientifique de ce qui se passe à l’EPFL montre l’importance qu’il y a à mener de telles observations. L’enjeu de fond, c’est la qualité et non pas l’image de marque. L’autre enjeu de fond, c’est d’utiliser au mieux certaines formes actuelles d’accès à l’information pour développer l’enseignement. La vidéo en est une parmi d’autres, mais il ne faut pas faire cela n’importe comment.Comme il le rappelait, avec un livre aussi on peut faire des Moocs…
Bruno Devauchelle
Le programme de l’IFLA
http://conference.ifla.org/ifla80/node/505
Sur le colloque IFLA
http://cafepedagogique.net/lexpresso/pages/2014/08/25082014article[..]
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